Il y a un instinct dans le cœur de l'homme qui le fait s'effrayer d'un bonheur sans nuage. Il lui semble qu'il doit au malheur la dîme de sa vie, et que ce qu'il ne paye pas porte intérêt, s'amasse, et grossit énormément une dette qu'il lui faudra acquitter tôt ou tard.
Il y a des gens inexorablement bavards qui font penser le jardinier à une maladie de certain arbres que l'on appelle phyllomanie et qui consiste à produire beaucoup de feuilles et point de fruits.
Le mensonge est toujours obligé de se soumettre au soin gênant d'être vraisemblable ; la vérité marche sans ce souci mesquin embarrassant.
Nous appelons entêtement la persévérance des autres, et nous réservons le nom de persévérance pour notre entêtement à nous.
Jamais on n'a renversé une idole qu'au bénéfice d'une autre idole.
Il ne faut que quelques grelots ajoutés au bonnet de la liberté pour en faire le bonnet de la folie.
Contrairement à éloignement, c'est un grand et inappréciable bonheur qu'une vie resserrée. On n'a pas à se diviser en menues fractions ; on se donne entier à quelques affections ; et, cette large part d'affection qu'on accorde à quelques amis, on la peut attendre d'eux.
Pour la femme qui aime réellement, c'est un grand bonheur d'être belle, mais pour celle qui ne veut qu'être désirée, il suffit qu'on la trouve belle.
Mesdames, détachez vos cheveux soyeux, peignez vos longues tresses, parfumez-les, faites-vous belles, c'est un devoir pour les femmes ; il est si doux de vous contempler ; vous n'avez pas le droit de nous priver du bonheur de vous admirer, vous n'avez pas le droit de ne pas être jolies.
Chacun a le droit d'être ce qu'il est, chacun porte avec soi des affinités attendues dans la vie par des affinités analogues, des facettes préparées pour d'autres facettes égales, des aspérités qui s'emboîteront dans certains rentrants. J'aimerais volontiers toutes les personnes, je ne puis aimer aucun masque.
On a beaucoup écrit pour et contre le mariage, pour et contre le célibat, et la question n'a pas été résolue. Je ne m'aviserai pas de donner mon avis à ce sujet ; je ferai seulement remarquer que le célibataire peut toujours cesser de l'être au moment où il découvrira qu'il s'est trompé.
Le mariage est le plus grand luxe qu'un homme puisse se permettre.
Si j'ai noyé dans l'encre ou transpercé du bec de ma plume deux ou trois petits abus, c'est à mon obstination que je le dois.
La plupart des hommes naissent à moitié bons, à moitié méchants, à moitié intelligents, à moitié bêtes ; ces éléments luttent un peu, puis les événements décident. Il y a autant de mauvais à une époque qu'à une autre ; seulement les hommes sont comme le grain dans un van : il y a des moments où c'est le bon grain qui est dessus, et d'autres où c'est la paille et le grain avarié.
J'aime assez les beaux diamants, mais j'ai horreur de pendeloques qui me montrent une femme portant à une oreille le pain de ses enfants et, à l'autre, l'honneur de son mari.
Les enfants de l'amour sont toujours plus beaux, plus spirituels, plus hardis et plus heureux que les autres.
Il n'y a guère que ceux qui n'ont pas assez de pain qui en donnent à ceux qui n'en ont pas du tout.
L'amour est la vie, ou bien il est la mort. Quand on est jeune, on dévore la vie à belles dents, on ne sait le goût qu'elle a qu'en gros ; mais plus tard, bien plus âgé, on la mâche et on distingue enfin les condiments qui l'assaisonnent, ou bien qui l'empoisonnent.
Les belles chevelures noires, dont les femmes prennent un grand soin et dont elles sont justement fières, produisent un charmant effet d'ensemble et font paraître toutes les femmes belles à dix pas. De plus près, c'est comme ailleurs, comme partout : il y en a quelques-unes qui sont belles, et les autres ne sont que femmes ; mais c'est déjà beaucoup !
Chez une belle et jolie femme la modestie l'embellit encore !
On aime ceux à qui on fait du bien. Les moralistes ont dit cent sottises en exigeant du dévouement de l'obligé ; c'est le bienfaiteur qui a tout le bonheur du bienfait, c'est lui qui doit et qui a la reconnaissance. S'il l'attend, c'est un fou ; s'il l'exige, c'est un usurier.
Si le despotisme a ses inconvénients, la liberté a aussi les siens ; le despotisme est considéré par celui qui l'exerce, ou comme un droit, ou comme une puissance acquise par la force, et conséquemment odieuse : comme droit, il a des limites, comme tout droit, en dehors des quelles il cesserait d'être ; comme usurpation, il y a une goutte qu'on n'ose pas mettre dans la coupe sous peine de la faire déborder. Mais la liberté étant une vertu, elle prend ses plus funestes ou ses plus grotesques excès pour un progrès, et elle ne reconnaît pas de bornes.
Quand on est laboureur il faut dehors, sous la pluie, sous la neige, travailler au froid ; il faut labourer, semer, herser, faucher et endurer toutes les fatigues imaginables ; et puis il y a des années où la récolte ne rend pas, et la fatigue et le travail sont perdus.
On paraît être le grand tyran des femmes : On fait ceci , On fait cela , — jamais on ne s'avise d'hésiter à obéir à On.
Il en est un peu de l'éducation des hommes comme de celle des chevaux. À quoi sert qu'un cheval fasse une lieue en cinq minutes s'il doit mourir à la sixième minute ? Quelle garantie présente une science qu'on peut acquérir en trois mois et que l'on ne conserve pas ? Trois mois avant l'examen, le candidat ne savait pas un mot de tout ce fatras non digéré ; trois mois après, il n'en saura plus un mot.
Pour la saison où les primevères et les premières violettes sortent joyeuses et éclatantes de la terre sous les premières caresses du soleil, les paysans ont un beau mot, ils disent : La terre entre en amour, elle est fécondée par les baisers du printemps.
Il est bon de démontrer une supercherie de telle façon que personne n'en puisse être dupe à l'avenir.
Les abus sont les patrimoines des deux tiers de la nation ; ceux qui crient contre les abus ne veulent pas les détruire, mais les confisquer à leur profit. Il en est de même d'un homme qui, couché avec un autre, se plaint qu'il tire à lui toute la couverture, et, en même temps, la tirant de son côté, tâche d'en avoir à son tour un peu plus que sa part.
Pour atteindre la perfection, visez quelques degrés au-dessous. C'est ce qu'on fait lorsqu'on tire un coup de fusil à une grande portée : on vise un peu plus haut que la cible que l'on veut atteindre.
Seuls les gens que j’aime peuvent voir, toucher et blesser mon cœur, qui, pour eux, est ouvert et découvert ; les autres ne peuvent atteindre que la peau, et ma peau est endurcie.
La déclaration d'amour est comme la déclaration de guerre : elle doit précéder les premières attaques et les premières hostilités.
La vie est divisée en zones : Espoir, jouissance, regrets, et le courant vous entraîne irrésistiblement à travers ces zones quelque vigoureux que vous soyez : il vous faut passer par où passent les autres. Vous voulez arrêter vos regards sur une plante, respirer l'odeur d'une fleur ; non, le courant vous entraîne, marchez ! Vous voulez entendre jusqu'au bout le chant commencé d'un oiseau ; non, le courant vous entraîne, marchez ! Le plaisir reste, c'est vous qui fuyez l'aspect de la plante, le parfum de la fleur, le chant de l'oiseau, il y a derrière vous d'autres hommes qui en jouiront un instant et qui, comme vous, passeront en les regrettant.
Quelle que soit la vérité, elle est moins pénible que l'incertitude qui tue.
Donner à sa femme des conseils contre un homme en particulier, c'est se créer un rival. Il n'est jamais prudent de dire : « N'allez pas là : là est Satan ; » à moins qu'on n'ait l'intention de combler une bonne fois l'enfer.
La femme la plus héroïquement constante veut bien n'être qu'à un seul, mais elle voudrait que tous les autres en mourussent de chagrin.
Ce que je cherche dans le mariage, c'est une compagne qui embellisse ma vie d'une affection constante, et qui sème des fleurs sur le chemin qui tous les jours me semble plus aride.
Toute femme trouve un homme faible et un peu bête chaque fois qu'il fait pour une autre femme ce qu'elle ne trouve que juste et raisonnable que l'on fasse pour elle.
Dans l'éducation actuelle des femmes, on suppose pour l'avenir beaucoup plus de reines, de duchesses et de banquières qu'il ne peut y en avoir et beaucoup plus de courtisanes qu'il n'en faut.
Voici une définition du mot habillée comme l'entendent beaucoup de femmes du monde : Moins on est vêtue, plus on est habillée.
Il m'est arrivé de parler avec ironie ou mauvaise humeur des amis et de l'amitié, je juge à propos de mentionner en passant, que, au milieu de fausses et dérisoires amitiés qui ont froissé ma vie, il en est que j'ai trouvée toujours fidèles, sincères et exactes. Des amitiés négligées parfois dans les courts moments où mon ciel était bleu, et assidues sitôt que mon horizon semblait s'assombrir.
La femme aime plus à être aimée qu'elle n'aime véritablement elle-même. Son cœur ne s'embrase pas d'un feu spontané, il ne s'allume qu'au contact du cœur flagrant de l'homme.
Le pays a été saisi depuis un certain nombre d'années d'une fièvre de bavardage inouïe dans les fastes de la sottise humaine. Tout le monde veut parler, on a recours pour cela à des subterfuges incroyables. Tout le monde converse en même temps, et personne ne se comprend.
Sous prétexte de protéger certaines industries, on protége en France certains industriels.
On va vite en amour, surtout quand on va seule !
Le peu qu'on fait de bien, on ne le fait que mal.
Le bonheur n'est pas un diamant gros comme une maison, c'est une mosaïque de petites pierres dont aucune souvent n'a une valeur générale et réelle pour les autres.
Semblable à un arbre dont les feuilles jaunissent et tombent et qui reste nu et noir, l'homme qui vieillit voit successivement tout mourir autour de lui.
La douleur qui reste emprisonnée dans le cœur le ronge et le dévore.
Les ennuis à qui parle trop viennent plus vite que la gloire.
Il n'y a pas de haine aussi terrible que celle dont l'origine est de l'amour gâté.
À la maison, au charme d'être belle, la femme est encore plus belle pour ne charmer qu'un.
On n'adore la plupart des femmes que faute de les pouvoir aimer.
Les yeux noirs sont plus vifs qu'expressifs, ils expriment profondément ce qu'ils disent mais ils ne peuvent tout dire. Ils sont semblables à un instrument mélodieux qui n'aurait que quelques notes. Les yeux bleus au contraire expriment toutes les nuances, même les plus délicates et les plus insaisissables ; c'est un instrument mélodieux et harmonieux qui possède tous les tons et les demi-tons.
Pour plaire aux femmes, tout le monde s'épuise en compliments. On n'attaque la place que par un côté ; il y a avantage à se présenter du côté qui n'est pas attaqué, et par conséquent pas défendu. D'ailleurs les femmes, avant tout, veulent plaire ; elles n'ont rien à faire près de ceux qui les trouvent adorables, et qui se récrient à chacun de leurs gestes, à chacune de leurs paroles. Mais si un homme ne les admire pas sans restriction, c'est celui-là qu'elles veulent charmer, et s'il ne se rend pas de suite, il a beau jeu, et peut faire une bonne capitulation.
Le premier attrait de l'amour est la nouveauté, presque tous les amours meurent avec elle, car alors il n'y a plus rien, la nouveauté n'est plus ; l'habitude n'est pas encore, mais si l'amour survit à cette crise, et devient une habitude, il ne meurt plus.
Il y a toujours dans l'amour beaucoup d'illusion et de curiosité : — Quand on a exprimé le jus d'un limon, que ce soit dans une limonade ou pour s'en laver les mains, on jette également l'écorce.
L'ami d'une femme peut, à la faveur d'un moment et d'une occasion, devenir son amant ; mais l'homme qu'elle n'a jamais vu a mille fois plus de chances favorables que lui pour réussir.
L'homme fait des vices des plaisirs qui lui échappent, et des vertus des infirmités qui lui arrivent.
Dans l'amour, il y a une personne qui aime, et l'autre qui est aimée.
L'homme exagère sa force et son courage, comme la femme exagère sa faiblesse et sa timidité.
Préférez-vous les brunes ou les blondes ? Je crois que les brunes se conservent plus longtemps !
Être riche, c'est vivre sans aucune privation ; c'est tenir un équilibre juste et constant entre ses besoins ou ses désirs, et les moyens de les satisfaire.
Il y a des gens tellement grossiers qu'on s'attriste de partager quelque chose avec eux.
Quand il ne s'agit que de s'aimer, il n'y a pas de danger à se laisser séduire par les qualités.
Les remords d'une belle femme ce sont des regrets.
Une fois pour toutes, je vous le déclare hautement, je n'aime que ceux qui m'aiment.
Tout bonheur se compose de deux sensations tristes : le souvenir de la privation dans le passé, et la crainte de perdre dans l'avenir.
L'amour produit les nobles ambitions ; l'amour produit le génie.
On finit par entrer en accommodement au moyen de concessions mutuelles.
La toilette d'une femme est un autel aux dieux inconnus.