Le peuple est un souverain qui ne demande qu'à manger : Sa Majesté est tranquille quand elle digère.
Ce qui fait que les gens du monde sont à la fois médiocres et fins, c'est qu'ils s'occupent beaucoup des personnes et fort peu des choses : c'est le contraire dans les hommes d'un ordre plus élevé.
Sur dix personnes qui parlent de nous, neuf en disent du mal, et souvent la seule personne qui en dit du bien le dit mal.
L'homme qui parle est l'homme qui pense tout haut, et si on peut juger un homme par ses paroles, on peut aussi juger une nation par son langage.
Les coquettes sont comme les chats qui se caressent à nous plutôt qu'ils ne nous caressent.
L'esprit est le côté partiel de l'homme, le cœur est tout.
La raison se compose de vérités qu'il faut dire et de vérités qu'il faut taire.
La paresse n'est dans certains esprits que le dégoût de la vie ; dans d'autres, c'en est le mépris.
Si l'amour et la guerre ont leurs fureurs, ils ont aussi leurs périodes : la haine a sa patience.
Le pauvre pédant prend les rayons de sa bibliothèque pour ceux de la gloire.
L'orgueil est toujours plus près du suicide que du repentir.
La nature, voulant attacher l'homme à la vie et en même temps à la société, lui donna, comme à la planète même qu'il habite, deux penchants divers ; par l'un, il tend à soi ; par l'autre, il se rapproche de son semblable : nous nous aimons dans nous, et nous nous aimons encore dans autrui ; nous souffrons d'abord pour nous, et nous souffrons ensuite pour les autres : voilà tout l'artifice du monde moral.
On ferait souvent un bon livre de ce qu'on n'a pas dit, et tel édifice ne vaut que par ses réparations.
La parole est le vêtement de la pensée, et l'expression en est l'armure.
Il y a généralement plus d'esprit que de talent en ce monde, la société fourmille de gens d'esprit qui manquent de talent.
Pour arriver à des choses neuves en littérature, il faut déplacer les expressions, et, en philosophie, il faut déplacer les idées.
Les idées sont des fonds qui ne portent intérêt qu'entre les mains du talent.
Les mots sont comme les monnaies, ils ont une valeur propre avant d'exprimer tous les genres de valeur.
Les proverbes sont le fruit de l'expérience de tous les peuples, et comme le bon sens de tous les siècles réduit en formules.
Mieux vaut être malheureux par une infortune que par un remords.
Point de grandes actions, en bien comme en mal, sans enthousiasme, mais l'enthousiasme est rare.
Le médisant est souvent un ami, on aime côtoyer ceux qui réussissent, mais on les envie en secret.
Deux véritables amis, deux amis inséparables, c'est un mariage d'âmes.
Rien n'étonne quand tout étonne, c'est l'état des enfants.
La richesse ayant tué le besoin, l'ennui s'est aussitôt attaché à la richesse.
La calomnie, pétrie de haine et d'envie, ce n'est pas sa faute si sa langue n'est pas un poignard.
La médisance parle du mal dont elle n'est pas sûre, elle se tait prudemment sur le bien qu'elle sait.
Il circule dans le monde une envie au pied léger qui vit de conversations, on l'appelle médisance.
Si l'amour naquit entre deux êtres qui se demandaient le même plaisir, la haine est née entre deux êtres qui se disputaient le même objet. Mais les hommes se lassent toujours d'aimer, ils se lassent même de se battre, mais ne se lassent jamais de se haïr.
Il est plus facile à l'imagination de se composer un enfer avec la douleur qu'un paradis avec le plaisir.
On chante dans la jeunesse, on conseille dans l'âge mûr, on prépare ses adieux dans la vieillesse.
L'or, semblable au soleil qui fond la cire et durcit la boue, développe les grandes âmes et rétrécit les mauvais cœurs.
Amoureux ou ambitieux, l'orgueil est également maladroit, il parle toujours de lui-même à l'objet aimé, et de son mérite à autrui. On le représente solitaire, oisif, et aveugle, son diadème est sur ses yeux.
Le premier né de l'amour-propre est l'orgueil, c'est contre lui que la raison et la morale doivent réunir leurs attaques ; mais il faut le faire mourir sans le blesser, car, si on le blesse, l'orgueil ne meurt pas.
Nos goûts et nos passions nous dégradent plus que nos opinions et nos erreurs.
Qui n'a qu'un désir ou qu'une opinion est un homme à caractère.
Il est aussi plat de s'attribuer les ouvrages des autres que d'en écrire de mauvais.
Emblème de la nécessité, les lois protègent sans amour et punissent sans courroux ; leur voix menace et ne conseille jamais ; elles effrayent les passions et ne les gouvernent pas ; elles ne peuvent rien contre les vices, et l'hypocrisie se joue de leur sévérité.
La parfaite amitié, c'est ce sentiment pur et sacré, ce fruit si rare et tant désiré.
L'amour, qui vit dans les orages et croît souvent au sein des perfidies, ne résiste pas toujours au calme de la fidélité.