Des vices aux vertus il est peu de distance ; entr'eux l'homme sans cesse et chancèle et balance.
Il n'est point sans vertu d'amitié véritable ; et la seule vertu peut rendre un homme aimable.
Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux ; la vertu seule a droit de recevoir nos vœux.
En vain pour se cacher on prend des soins extrêmes ; si nous trompons autrui, nous nous trompons nous mêmes.
Lorsque l'heure a sonné, souvent nous nous disons : Ah ! comme le temps passe ! et c'est nous qui passons.
Tout esprit susceptible et trop prompt à l'humeur, des autres et de soi fait toujours le malheur.
Nul serment n'est gardé, nul accord n'est sincère ; quand la bouche a parlé, le cœur dit le contraire.
L'arbre de la science à tous offre son fruit ; pour être heureux, l'homme a besoin d'être instruit.
Tout change avec le temps ; on ne rit pas toujours ; on devient sérieux au déclin de ses jours.
L'homme n'exercerait jamais la bienfaisance s'il s'attendait toujours à la reconnaissance.
Le peuple veut juger, le savant croit connaître ; raisonner, sans raison, c'est le fond de notre être.
Réunir à la fois bon cœur, esprit, beauté, c'est bien de la nature être l'enfant gâté.
Il faut, en s'engageant, penser à l'avenir, et ne promettre rien qu'on ne puisse tenir.
Il est doux d'admirer le détail et l'ensemble des biens et des beautés que le printemps rassemble.
Des peines au plaisir nous passons tour à tour ; tout change, c'est la loi : la nuit fait place au jour.
Plus le péril est grand, plus doux en est le fruit ; la vertu nous y jette et la gloire le suit.
Quiconque à ses enfants se montre trop sévère n'en est que le tyran, loin d'en être le père.
Tous ces biens superflus qu'on croit le bien suprême font plus de malheureux que la pauvreté même.
En vain le sot orgueil s'applaudit et s'admire ; n'attendez rien de grand de qui croit se suffire.
Qui peut former des nœuds et les rompre en un jour n'a jamais bien connu l'amitié ni l'amour.
Quelle chaîne de maux ! que la vie a d'orages ! que ce monde est semé d'écueils et de naufrages.
De même que la mer la terre a ses naufrages ; rien n'est dans la nature à l'abri des orages.
Comme il n'est rien de simple, il n'est rien de durable ; de pauvre on devient riche, et d'heureux misérable.
Quel est notre destin ! le cercle de la vie est la misère, hélas ! de misère suivie.
Laisse aux sots éblouis l'or et les vains honneurs ; fais le bien, vis obscur, et règle surtout tes moeurs.
Nous avons tous nos maux, sachons les supporter ; il n'est d'affreux que ceux qu'on a pu mériter.
Sur tous les différends qui naissent en ménage, il faut que la raison prononce sans partage.
Plus l'homme a de besoins, plus il est malheureux ; ses chagrins sont toujours en raison de ses vœux.
On court aveuglément au-devant du malheur, et c'est souvent trop tard qu'on connaît son erreur.
De jeux intéressés tout joueur qui s'occupe devient fripon, alors qu'il cesse d'être dupe.
En folie, en débauche, absorbant tout son temps, aujourd'hui la jeunesse est vieille à son printemps.
On doit considérer, pour son propre intérêt, et les temps où l'on vit, et les lieux où l'on est.
D'un œil calme et serein la paisible innocence compte sur ses vertus et sur sa conscience.
Quelque frein que l'esprit impose à la nature, l'effort le plus sublime est l'oubli d'une injure.
Un cœur libre et bien né déteste l'imposture, il souffre trop de peine à trahir la nature.
Un air gauche et maussade importune et déplaît, la grâce ajoute un prix à tout ce que l'on fait.
La tendre hypocrisie a l'air plein de douceur : le ciel est dans ses yeux, l'enfer est dans son cœur.
De l'amour à l'hymen telle est la différence que le premier finit quand le second commence.
Un hymen vertueux unit l'homme et la femme, d'un nœud comme celui qui joint le corps à l'âme.
Il n'est rien de durable, et tout être, à son tour, sort du néant, y rentre et reparaît au jour.
Une épingle a son prix, ne la rejetez pas ; des épis du glaneur les gerbes sont l'amas.
Le monstre de l'ennui lui-même se dévore, il se fait en tout lieu, se retrouve et s'abhorre.
Le malheur est souvent le fruit de l'imprudence : les douleurs et la mort suivent l'intempérance.
Il faut prendre, ici-bas, le monde tel qu'il est ; qui n'est content de rien trahit son intérêt.
Toujours j'ai vu que l'homme à l'homme était funeste ; l'homme a dans son semblable un rival qu'il déteste.
Tout menteur n'est vraiment qu'une franche pécore ; même quand il dit vrai, l'on croit qu'il ment encore.
Chacun songe en veillant, il n'est rien de si doux ; par ce prestige heureux tous les biens sont à nous.
Le philosophe veille et l'homme est sous ses yeux ; son cœur, plein de nos maux, doit s'attendrir sur eux.
Tout n'est qu'illusion d'illusion suivie, embellissons du moins le songe de la vie.
L'ordre mal concerté, l'occasion mal prise, peuvent, sur son auteur, renverser l'entreprise.
Le courage n'est pas dans la témérité ; il est dans le sang-froid et dans la fermeté.
Des sottises des grands les petits sont victimes.
Tout n'est grand et petit que par comparaison.
Rien n'est grand ni petit tout est ce qu'il doit.
Patience et succès marchent toujours ensemble.
L'esprit de tout mortel est semblable à l'arbuste ; selon sa nourriture, il est faible ou robuste.
Celui qui connaît bien l'art de persévérer, obtiendra, tôt ou tard, ce qu'il peut espérer.
Qu'il faut prendre de soins, qu'il faut avoir d'adresse, pour former des enfants l'indocile jeunesse !
Tour à tour, par le fer, chaque empire est détruit ; les vaincus, les vainqueurs, tôt ou tard, tout périt.
Les empires, les arts, naissent, brillent, s'étendent, s'élèvent à leur comble, et bientôt redescendent.
Ainsi que des couleurs la toile prend la teinte, nos écrits de nos mœurs portent toujours l'empreinte.
C'est un grand agrément que la diversité, l'ennui naquit un jour de l'uniformité.
On doit sincèrement bien aimer sa patrie, et chérir ses devoirs avec idolâtrie.
C'est agir prudemment que de savoir s'astreindre à renoncer au but que l'on ne peut atteindre.
Tout sert, tout est servi ; la chaîne universelle s'étend sans intervalle : à quel point finit-elle ?
A l'homme intelligent un coup-d'œil, un seul mot, ont suffi quelquefois pour juger d'un complot.
Vous savez comme on cause en l'absence des gens ? Ne donnez-donc sur vous nulle prise aux méchants.
Une amante souvent nous cache son dessein ; la glace est sur sa langue et le feu dans son sein.
Jamais cœur corrompu n'aime sincèrement ; il ne faut pas compter sur son attachement.
Avant que de blâmer, de louer sans mesure, l'homme éclairé suspend l'éloge et la censure.
Fort de sa conscience et de la vérité, on ne craint pas le sort qu'on n'a pas mérité.
Il faut, pour assurer le succès d'un dessein, avant de l'entreprendre, en bien prévoir la fin.
N'attachons point au rang ou la honte ou l'honneur ; homme, fais ton devoir, c'est la seule grandeur.
Un silence éloquent est souvent un bon mot ; mais un bon mot disparaît quand l'auteur n'est qu'un sot.
Quand nous avons eu tort soyons de bonne foi, l'honneur, la probité, nous en font une loi.
Il n'est rien qui corrompe autant que le bonheur, et la meilleure école est celle du malheur.
Se croire un grand esprit, indique la bêtise ; il faut vous priser peu, pour que chacun vous prise.
Vouloir faire le bien, c'est assez l'ordinaire ; mais il n'est pas commun de le savoir bien faire.
Un bien particulier doit passer pour un mal, s'il détruit le repos et le bien général.
Il est beau de prévoir les retours dangereux, et d'être bienfaisant alors qu'on est heureux.
Le bonheur éblouit, et l'on s'y méconnaît. L'adversité vient-elle ? On sent ce que l'on est.
On ne tient le bonheur jamais que d'une main ; ce qui sert aujourd'hui peut nous perdre demain.
On rit, on souffre, on meurt, au Pérou comme ici : le malheur est partout et le bonheur aussi.
Tel souvent dont partout on vante le bonheur, porte un poison secret qui lui ronge le cœur.
A quoi bon contester pour une bagatelle ! Céder est plus prudent et sauve une querelle.
C'est tourment de souffrir et d'être dans l'attente ; attendre n'est pas vivre, et c'est une mort lente.
De tous les vains mortels la fortune se joue : aujourd'hui sur le trône, et demain dans la boue.
Le commerce est la base et l'âme d'un empire ; qu'il périsse, tout meurt ; s'il fleurit, tout respire.
Victimes de l'erreur, jouets de leurs penchants, tous les hommes sont nés plus faibles que méchants.
Qui n'ose aura toujours un sort triste et piteux, car la gloire et l'amour se moquent des honteux.
A tout âge, en tout temps, et surtout dans l'enfance, que la règle des mœurs précède la science.
Si votre champ est petit, soyez laborieux ; le plus riche est celui qui cultive le mieux.
Un savant doute, cherche, et l'ignorant sait tout ; à l'entendre, il n'est rien dont il ne vienne à bout.
Chaque âge a ses plaisirs comme il a ses fléaux, et, comme ses vertus, chaque âge a ses défauts.
Aucun bien n'est égal à la tendre amitié ; un homme sans amis n'existe qu'à moitié.
Toujours de l'amitié la douceur est la même, et toujours un ami sait plaire quand il aime.
Que l'amour du plaisir jamais ne nous emporte : que l'ardeur du travail chez nous soit la plus forte.
Comptant ses vieux écus, un vieil avare rit ; contant une bêtise, un nigaud s'applaudit.
Telle est de l'homme vil l'ordinaire bassesse ; il se plaint par envie, et se tait par faiblesse.
Il n'est rien de plus engageant et de plus fort, rien de plus persuasif que l'exemple.
De bonnes mœurs, rien ne dispense d'elles ; on abroge les lois, les mœurs sont immortelles.
De l'équivoque impur un esprit entêté, déplaît par sa bassesse ou par l'obscurité.
Vanter ce que l'on fit, toujours parler de soi, ou d'un sot ou d'un fat c'est l'ordinaire emploi.
Vantez les dons d'autrui, sans parler des vôtres, celui-là plaît qui fait valoir les autres.