Les citations de Jean de Rotrou.

Il n'est point de secret que le zèle n'inspire, pour l'honneur de son prince, et le bien de l'empire.

Se faisant violence, on est bientôt dompté ; et rien n'est plus à nous que notre volonté.

Un visage commun s'embellit par le fard ; le beau n'a pas besoin des ornements de l'art.

La vie aux plus heureux passe comme un moment ; et doit être importune à qui vit lâchement.

Souvent à l'insolent la victoire est funeste ; elle est infructueuse, et pénible ou modeste.

Un trône est un beau lieu qui veut être occupé, ou qui, demeurant vide, est bientôt usurpé.

Laisser ravir un trône est une lâcheté ; mais en chasser un père est une impiété.

La garde d'un trésor qu'on ne peut trop priser est bien sûre en la main de qui n'en peut user.

Le temps et les devoirs rendent enfin traitable la plus farouche humeur et la plus indomptable.

Un grand succès produit une grande disgrâce, et les choses bientôt prennent une autre face.

Le sage doit longtemps et bien voir ce qu'il croit, et même quelquefois douter de ce qu'il voit.

Régner est un secret dont la haute science ne s'acquiert que par l'âge et par l'expérience.

On a moins de créance à qui promet le plus ; et souvent tout offrir est un adroit refus.

A qui perd toute chose il reste au moins ce bien, qu'il peut mépriser tout et ne redouter rien.

Que la beauté de l'or, ce métal précieux, éblouit doucement les esprits et les yeux !

Dans la nécessité, quand elle est absolue, toute âme qui consulte est trop tard résolue.

Mourir est un tribut qu'on doit aux destinées, où leur décret fatal n'a point prescrit d'années.

Quelques rudes assauts que le malheur nous livre, qui désire la mort est indigne de vivre.

D'un règne commençant, la première action, fait dessus les esprits beaucoup d'impression.

Tout chef exactement doit suivre la justice : un ordre aigrit bientôt, s'il part d'un vain caprice.

Un instant a souvent changé l'ordre des choses ; beaucoup d'événements ont démenti leurs causes.

L'honneur est un bizarre et scrupuleux fantôme qu'une mouche épouvante et qui craint un atome.

A qui le jour n'est plus, l'honneur n'est plus un bien ; en se perdant soi-même, on ne conserve rien.

Qui veut tout acquérir ne doit rien épargner ; il faut tout hasarder, afin de tout gagner.

Si les grands écoutaient tout ce qu'on leur propose, ils ne résoudraient rien, et craindraient toute chose.

Avec un peu de peine on achète la gloire ; qui veut vaincre est déjà bien près de la victoire.

Qui voit sans vanité la fortune prospère, la voit sans désespoir alors qu'elle est contraire.

Il est un bras au ciel qui punit les forfaits, et qui les fait tomber sur ceux qui les ont faits.

C'est un grand ennemi qu'une méchante femme que la rage domine, et que la haine enflamme.

Le plus fier ennemi, quelque ardeur qui l'enflamme, dompte malaisément ce qui dépend de l'âme.

Peu savent ce qu'on souffre à régir un empire, et que le sort d'un roi, bien souvent, est le pire.

Un dessein glorieux est toujours légitime ; s'il passe pour un mal, c'est dans la folle estime.

Qui se rend de bonne heure où la défense est vaine, en a plus de mérite et se fait moins de peine.

Ainsi que les vertus, les crimes enchaînés sont toujours, ou souvent, l'un par l'autre traînés.

Qui fait un crime à l'autre aisément se résout ; et qui vend son honneur est capable de tout.

L'amour est bien enfant, quand, tremblant et timide, il prend ou la prudence ou la raison pour guide.

L'amour n'est point amour, alors qu'il est extrême, et ne nous laisse point de pouvoir sur nous-même.

Maudite ambition ! abominable peste ! monstre altéré de sang, que ton fruit est funeste !

Le ciel peut rendre tout, comme il peut tout ôter ; et comme il nous afflige, il peut nous assister.

Qui sait se résigner à tous les événements ne trouve point d'obstacle à ses contentements.

Je conçois du bruit que font mes dents, un présage assuré de mauvais accidents.

Tout dépend du hasard, et la vie est un jeu.

L'amour surprend les cœurs, et s'en rend bientôt maître.

Régner ne peut déplaire aux âmes généreuses.

Ne nous obstinons point à des vœux superflus ; laissons mourir l'amour où l'espoir ne vit plus.

Quand vous pouvez agir épargnez le tonnerre, avant l'aide du ciel servez-vous de la terre.

Quand on peut prévenir, c'est faiblesse d'attendre.

Les injures, Madame, sont dans le désespoir les armes d'une femme.

La justice est souvent le masque du courroux.

L'offense négligée à la fin devient nôtre ; qui souffre une licence en autorise une autre.

Qui pèche y répugnant en est plus criminel.

Se plaindre de mourir, c'est se plaindre d'être homme.

À qui le désir manque, aucun bien ne défaut.

L'amour engendre en nous cette délicatesse, que ce que nous aimons, s'il ne nous rit, nous blesse.

On peut voir l'avenir dans les choses passées.

Ce qui nous vient du sort est trompeur comme lui ; ce qu'on avait hier peut se perdre aujourd'hui.

L'or au prix d'un secret, n'est ni riche ni rare.

Un amoureux avare est un monstre, l'amour est de l'amour le trésor le plus rare.

S'il donne, il est prodigue, et s'il épargne, avare.

L'injustice est muette, et la justice crie.

L'ami qui souffre seul fait une injure à l'autre.