Certains critiques ressemblent à ces gens qui, toutes les fois qu'ils veulent rire, montrent de vilaines dents.
Chacun en ce siècle a voulu se mêler de toutes choses, et la populace, partageant les ambitions de la philosophie, est venue faire avec les mains ce qu'il faut faire avec la tête.
Les manières sont comme un art ; il y en a de parfaites, de louables et de fautives, mais il n'en est pas d'indifférentes. La science des manières est plus importante au bonheur et à la vertu des hommes qu'on ne croit.
L'esprit est feu, et quand le feu est doux, il attire ; s'il est trop ardent, on le fuit. Alors, il brûle, il blesse, il se fait craindre.
La pudeur sert à paraître plus belle quand on est belle, et à paraître moins laide quand on l'est.
Le pédantisme consiste à parler aux autres de ce qu'on sait et de ce qu'ils ne savent pas, pour leur imposer par là et en faire parade.
Toute naïveté court le risque d'un ridicule, et n'en mérite aucun, car il y a dans toute naïveté, confiance sans réflexion et témoignage d'innocence.
Le ciel ne nous doit que ce qu'il nous donne, et il nous donne souvent ce qu'il ne nous doit pas.
La crainte de Dieu nous est aussi nécessaire pour nous maintenir dans le bien, que la crainte de la mort pour nous retenir dans la vie.
Le courroux de Dieu est d'un moment ; la miséricorde divine est éternelle.
Je voudrais monnayer la sagesse, c'est-à-dire la frapper en maximes, en proverbes, en sentences faciles à retenir et à transmettre. Que ne puis-je décrier et bannir du langage des hommes, comme une monnaie altérée, les mots dont ils abusent et qui les trompent !
Je ne puis faire bien qu'avec lenteur et avec une extrême fatigue. Derrière ma faiblesse il y a de la force ; la faiblesse est dans l'instrument. Derrière la force de beaucoup de gens, il y a de la faiblesse. Elle est dans le cœur, dans la raison, dans le trop peu de franche bonne volonté.
Tout ce qui me parait faux n'existe pas pour moi. C'est pour mon esprit du néant qui ne lui offre aucune prise. Aussi ne saurais-je le combattre ni le réfuter, si ce n'est en l'assimilant à quelque chose d'existant, et en raisonnant par quelque voie de comparaison.
On ne comprend la terre que lorsqu'on a connu le ciel. Sans le monde religieux, le monde sensible offre une énigme désolante.
Tout ce qui est très spirituel, et où l'âme a vraiment part, ramène à Dieu, à la piété. L'âme ne peut se mouvoir, s'éveiller, ouvrir les yeux, sans sentir Dieu. On sent Dieu avec l'âme, comme on sent l'air avec le corps.
On connaît Dieu par la piété, seule modification de notre âme par laquelle il soit mis à notre portée et puisse se montrer à nous.
Mes idées ! c'est la maison pour les loger qui me coûte à bâtir.
Les hommes sont comptables de leurs actions ; mais moi, c'est de mes pensées que j'aurai à rendre compte. Elles ne servent pas seulement de fondement à mon ouvrage, mais à ma vie.
Je voudrais faire passer le sens exquis dans le sens commun, ou rendre commun le sens exquis.
Ce n'est pas ma phrase que je polis, mais mon idée. Je m'arrête jusqu'à ce que la goutte de lumière dont j'ai besoin soit formée et tombe de ma plume.
De certaines parties naissent naturellement trop finies en moi pour que je puisse me dispenser de finir de même tout ce qui doit les accompagner. Je sais trop ce que je vais dire, avant d'écrire.
S'il est un homme tourmenté par la maudite ambition de mettre tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase, et cette phrase dans un mot, c'est moi.
Pourquoi me fatigué-je tant à parler ? C'est que, lorsque je parle, une partie de mes fibres se met en exercice, tandis que l'autre demeure dans l'affaissement ; celle qui agit supporte seule le poids de l'action, dont elle est bientôt accablée ; il y a en même temps distribution inégale de forces et inégale distribution d'activité. De là, fatigue totale, lorsque ce qui était fort est fatigué ; car alors la faiblesse est partout.
Les clartés ordinaires ne me suffisent plus quand le sens des mots n'est pas aussi clair que leur son, c'est-à-dire quand ils n'offrent pas à ma pensée des objets aussi transparents par eux-mêmes que les termes qui les dénomment.
Ah ! si je pouvais m'exprimer par la musique, par la danse, par la peinture, comme je m'exprime par la parole, combien j'aurais d'idées que je n'ai pas, et combien de sentiments qui me seront toujours inconnus !
Le ciel n'a mis dans mon intelligence que des rayons, et ne m'a donné pour éloquence que de beaux mots. Je n'ai de force que pour m'élever, et pour vertu qu'une certaine incorruptibilité.
La révolution a chassé mon esprit du monde réel en me le rendant trop horrible.
La bonté d'autrui me fait autant de plaisir que la mienne.
J'aime encore mieux ceux qui rendent le vice aimable que ceux qui dégradent la vertu.
Je n'ai jamais appris à parler mal, à injurier et à maudire. J'imite la colombe : souvent je jette un brin d'herbe à la fourmi qui se noie. Quand je ramasse des coquillages et que j'y trouve des perles, j'extrais les perles et je jette les coquillages.
Je ne veux ni d'un esprit sans lumière, ni d'un esprit sans bandeau. Il faut savoir bravement s'aveugler pour le bonheur de la vie.
J'ai la tête fort aimante et le cœur têtu. Tout ce que j'admire m'est cher, et tout ce qui m'est cher ne peut me devenir indifférent.
J'ai besoin que les regards de la faveur luisent sur moi. C'est de moi qu'il est vrai de dire : « Qui plaît est roi, qui ne plait plus n'est rien. » Je vais où l'on me désire pour le moins aussi volontiers qu'où je me plais.
J'ai donné mes fleurs et mon fruit : je ne suis plus qu'un tronc retentissant, mais quiconque s'assied à mon ombre et m'entend devient plus sage.
Il faut porter son velours en dedans, c'est-à-dire, montrer son amabilité de préférence à ceux avec qui l'on vit chez soi.
L'estime de Dieu, si l'on peut s'exprimer ainsi, est plus facile à obtenir que l'estime des hommes, parce que Dieu nous tient compte de nos efforts.
Ayons le cœur haut, et l'esprit modeste.
Soyons hommes avec les hommes, et toujours enfants devant Dieu ; car nous ne sommes, en effet, que des enfants à ses yeux. La vieillesse même, devant l'éternité, n'est que le premier instant d'un matin.
La piété est une espèce de pudeur. Elle nous fait baisser la pensée, comme la pudeur nous fait baisser les yeux, devant tout ce qui est défendu.
Il faut craindre de se tromper en poésie, quand on ne pense pas comme les poètes ; et en religion, quand on ne pense pas comme les saints.
La dévotion embellit l'âme, surtout l'âme des jeunes gens.
Rien ne rapetisse l'homme comme les petits plaisirs.
L'âme est royale par son empire sur les sens, elle est belle par sa lumière et par sa paix.
Quand mes amis sont borgnes, je les regarde de profil.
J'imite la colombe, souvent je jette un brin d'herbe à la fourmi qui se noie.
Parler à Dieu de ses souhaits, de ses affaires, cela est-il permis ? On peut dire que ceux qui s'en abstiennent par respect, et ceux qui le pratiquent par confiance et simplicité, font bien.
Il faut faire le bien par le bien, et le vouloir dans les moyens et dans la fin, dans les expédients et dans le but. Un bien qu'on a fait par le mal est un bien altéré, empoisonné, et qui produira le mal dont on a mis en lui le germe, c'est une eau que les canaux ont corrompue.
Il faut se pourvoir d'ancres et de lest, c'est-à-dire d'opinions fixes et constantes, garder son lest et rester sur ses ancres sans dériver. Laissez d'ailleurs flotter les banderoles, et laissez les voiles s'enfler, le mât seul doit demeurer inébranlable.
Il faut aimer la religion comme une espèce de patrie et de nourrice : c'est elle qui a allaité nos vertus, qui nous a montré le ciel, et qui nous a appris à marcher dans les sentiers de nos devoirs.
Le ciel est pour ceux qui y pensent.
Il faut être caillou dans le torrent, garder ses veines et rouler sans être dissous, ni dissolvant.
On sent Dieu avec l'âme comme on sent l'air avec le corps.
Le bon goût est nécessaire à la moitié de la morale, car il règle les bienséances.
La peur tient à l'imagination, la lâcheté au caractère.
Il faut mourir aimable, si on le peut.
Il y a des mots agréables à l'œil comme il y en a d'agréables à l'oreille. Par un heureux mélange des lettres dont ils sont formés ou par l'agrément de ces lettres, car chaque lettre a sa figure.
Il y a deux manières d'être sublime ; on l'est par ses idées ou par ses sentiments.
Les enfants ont plus besoin de modèles que de critiques.
Le beau, c'est l'intelligence rendue sensible.
L'espérance est un emprunt fait au bonheur.
La tendresse est le repos de la passion.
Il y a de la bonne grâce et une sorte d'urbanité à commencer avec les hommes par l'estime et la confiance. Cela prouve, en effet, tout au moins, qu'on a longtemps vécu en bonne compagnie avec les autres et avec soi-même.
La parfaite innocence, c'est la parfaite ignorance.
Il ne faut jamais regretter le temps qui a été nécessaire pour bien faire.
La gaieté clarifie l'esprit, et l'ennui l'embrouille.
Un homme qui ne montre aucun défaut est un sot ou un hypocrite dont il faut se méfier.
Qui ne voit pas en beau, est mauvais peintre, mauvais ami, mauvais amant.
La vieillesse aime le peu, et la jeunesse aime le trop.
La bonne humeur se plaît dans les plaisirs, elle les aime, elle les multiplie et les crée.
Soyez doux et indulgent à tous ; ne le soyez pas à vous-même.
La prudence et le succès, les semailles et la moisson, les vertus et le bonheur se suivent naturellement, mais non indissolublement. L'essence des choses les unit, mais souvent le train du monde les sépare.
Quand on aime, c'est le cœur qui juge.
Dieu a ordonné au temps de consoler les malheureux.
La modération consiste à être ému comme les anges.
Ne montrez pas le revers et l'exergue à ceux qui n'ont pas vu la médaille. Ne parlez pas des défauts des gens de bien à ceux qui ne connaissent ni leur visage, ni leur vie, ni leur mérite.
L'expérience de beaucoup d'opinions donne à l'esprit beaucoup de flexibilité.
L'exemple descend et ne monte pas.
Qui n'a qu'un ton est monotone, et qui est monotone devient ennuyeux.
L'idée naît comme le jour après la nuit, après l'aurore ; l'une éblouit et l'autre éclaire.
La bonne humeur dans l'homme est aux plaisirs ce que la belle imagination est aux beaux-arts : elle s'y plaît, elle les aime, elle les multiplie, elle les crée.