Le chagrin a des injustices à lui, comme la bouche amère.
Quand j'ai voulu faire savoir une chose, je l'ai confiée à de bonnes âmes, sous le sceau du secret.
Un peu de bonne volonté, et Dieu fait le reste.
De la jeunesse de reste, c'est souvent plus gênant qu'une vieillesse précoce.
Une femme qui parle de sa vertu cherche à la placer.
La dernière passion que nous inspirons nous émeut d'une manière toute différente des autres : il y a de l'étonnement et de la reconnaissance dans ce que nous ressentons.
On s'habitue à demander et la demande perd de son amertume ; on s'habitue à donner et le don perd, hélas ! de sa saveur.
On parle esprit aux gens avec lesquels on ne peut parler cœur.
Pour dominer une position il faut être fort ; pour dominer un homme, ce n'est pas nécessaire.
Personne ne doit pouvoir te faire dire ce que tu ne veux pas dire.
Il faut être plus indépendant de fond que de forme.
Il ne faut pas jouer avec le défi des jeunes ni avec la lassitude des vieux.
L'accomplissement d'un devoir laisse en nous de la fraîcheur, sinon de la joie.
Notre vie est d'avance tracée, nous en brodons simplement le canevas.
Que je serais désolée de ne jamais me tromper ! Il est si doux de revenir d'une erreur !
Le vrai n'a qu'une couleur, celle du vrai.
Au fond de tout, c'est le ver qui nous attend ; plus nous sommes truffés de vanités, plus il se régale.
La naïveté est comme la robe rose, elle a besoin de jeunesse et de fraîcheur.
S'apitoyer sur soi, c'est saigner son courage.
Il est plus ordinaire de ne pas être de son âge dans la vieillesse que dans la jeunesse.
Oui, certaines insolences sentent vraiment bon.
Les illusions auront toujours des joues de quinze ans.
Quand tout ne vieillit pas ensemble, cœur et esprit, âme et désirs, gare à la bagarre !
Aimer son métier, une faveur, quand on n'a pas le choix.
L'expiation est un terrain à Dieu, il le prête au pécheur dont il veut se faire un ami.
Dieu ne nous dépouille pas sans nous couvrir ; quand il nous enlève le bonheur, il met un lé de plus au manteau de notre foi.
Toutes les craintes sont comme la fièvre, sujettes à des accès.
Les points ne sont désagréables qu'à côté des i, mais pas sur les i.
Il y a des choses qu'il ne faut jamais discuter mais prouver.
Que c'est bon un départ qui ne fait pas mal ! Il y en a de si poignants !
Un être content de soi est plus assourdissant qu'une fanfare.
Mettons-nous bien dans la tête que nos années ne sont pas une chaire à prêcher.
L'ennemi a pu être l'ami d'hier, et ce ne sera pas le moins armé contre toi !
Braver, ce n'est pas toujours du courage, c'est souvent du jeu.
La raison nous demande tout en une fois, c'est un de ses torts.
Le temps est un prophète qu'on n'entend pas prêcher.
Oh ! les femmes, Messieurs n'en dites pas tant de mal, puisque c'est un mal dont vous ne pouvez vous passer.
La hâte d'aimer fait que nous nous trompons parfois d'objet.
Le moment d'agir s'annonce de lui-même, mais sa cloche pour chacun de nous ne sonne qu'une fois.
Le devoir n'est pas toujours très poli. Il dit : Je veux ! à pleine bouche, et : J'entends ! à pleine menace. Ce qui est gentiment demandé est pourtant déjà accordé, monseigneur le Devoir !
Faire le tour d'un esprit c'est quelquefois plus difficile que de faire le tour du monde.
Laissons venir les ans, comme Notre-Seigneur laissait venir à lui les petits enfants.
Mourir sans aigreur, c'est avoir bien digéré la vie.
En mûrissant, le fruit doit apprendre à tomber.
Les fiertés ont de la race, les vanités n'en ont pas.
Ne lasser personne de soi, même ceux qui nous aiment, que c'est difficile !
Nos besoins savent rarement parler à la troisième personne.
L'adjectif change le substantif, comme l'habit change son homme.
Rien ne pèse plus que le cœur quand il est las !
L'égoïsme a ses ciseleurs comme les métaux.
L'esprit au pain sec n'est pas plus heureux que l'estomac.
Il faut qu'une devise nous ressemble, comme il faut qu'une mode nous aille.
Le désir est comme le brocanteur, il sait faire l'article.
La vieillesse est en gare, elle n'a plus qu'à attendre.
Croyez-moi, mes amies, n'invitez personne à votre enterrement : on en trouvera la morte plus charmante ; on vous saura gré de cette attention.
Les gens qui ont notre confiance sont des créanciers, il semble qu'on leur fasse un vol quand on leur tait quelque chose.
On aime ses économies autrement que ses rentes.
Pouvoir lire dans les yeux ce que la bouche va dire, ou tout au moins deviner en eux qu'elle va lui parler, qu'importe après cela la couleur de ces yeux ? Ils sont beaux.
Oh ! que c'est commode, un bavard, quand on en sait tirer parti ! On peut lui faire dire tant de choses qu'on n'aimerait pas à dire soi-même, et en apprendre tant d'autres qu'on n'aimerait pas à demander !
Un des bonheurs de l'infériorité est de ne rien trouver difficile.
La sobriété poétise le vieillard, comme le clair de lune le paysage.
La chance n'est pas prodigue, elle n'a qu'une main pour donner.
On s'habitue à tout, a dit un sage quelconque : si ce monsieur-là pouvait nous donner sa science !
Revenir à la jeunesse, peut-être ; à la naïveté, jamais !
D'aplomb sur sa selle on peut braver le danger, le tout est de s'y mettre d'aplomb.
On déveloute la pureté rien qu'en en parlant !
Rien ne nous est dû, pas même les larmes pour pleurer.
On jouit complètement de ses petits-enfants, comme d'un usufruit, sans en avoir la responsabilité.
Dieu a des miséricordes publiques et des miséricordes intimes.
Dieu a quelquefois des miséricordes particulières pour l'être calomnié ; il l'adopte, il le comble de force, il lui dit tout bas : Je suis là.
Je ne peux pas prier pour les belles âmes ; il me semble que je diminue la miséricorde de Dieu.
La crainte protège l'amour, comme la paupière les yeux.
Supporte ce que tu dois, aime qui tu peux.
On vieillit avec grâce quand on a peu abusé de la jeunesse.
La grâce meurt avec toutes les perles de son collier.
La grâce n'a pas peur de la beauté ; la beauté a peur de la grâce.
Une grande audace peut jaillir d'un tout petit courage.
Nos passions se rhabillent avec nous tous les matins.
Quelque habile que l'on soit, on est toujours deviné par quelqu'un.
La joie habille un cœur tout à neuf en un instant.
Les années s'habillent et se déshabillent chez le grand costumier le Temps.
Il faut écouter le critique comme le docteur, en se permettant de modifier l'ordonnance.
La perspicacité de l'esprit engendre le doute, celle du cœur la défiance.
Le médecin vit de la maladie de son client : quel déficit dans son budget, s'il vivait de la santé qu'il lui conserve.
La résignation ne coule que goutte à goutte, c'est une huile sainte qui se distille lentement.
Les retours sur les peines et les tristesses endurées sont des poisons lents pour le courage.
On garde toujours mal un secret quand on ne le garde pas par respect pour soi-même.
Reprendre sans amertume sa béquille devant ceux qui marchent tout seuls, endosser doucement son deuil devant des habits de fête, voir son désir le plus légitime aux bras de tous sans pouvoir le saisir jamais, et donner encore aux autres sa pitié ; je ne crois pas que l'héroïsme du cœur puisse aller plus loin.
Des débris de ton cœur fais de la miséricorde et de la pitié.
On l'excuse si gentiment que le péché reste l'enfant prodigue allant toujours prodiguant.
L'expérience est une ride qui vient rarement avant le temps.
Rien n'est plus à nous que notre chagrin.
La douleur qui se compare est déjà sur le chemin de la résignation.
L'ordre est l'harmonie des choses, le bonheur est l'harmonie des êtres.
Si j'étais jeune, je dirais : Le bouquet de fleurs que tu m'offres, à qui pensais-tu quand tu l'as cueilli ?
Le jour de son couronnement, l'autorité est comme une jeune communiante, elle ne veut que le bien.
Le vaniteux ne peut être discret, parce que tout secret confié est une préférence, et qu'à l'occasion il en sera fier.
Le respect humain, c'est le respect de notre amour-propre.
C'est l'écho qui fait aimer au ruisseau le murmure, à l'homme la plainte ; c'est lui qui nous a appris à être indiscrets.
L'impolitesse accuse plus que notre race, elle accuse notre éducation.
À cheval donné, on ne regarde pas la dent, dit le proverbe. Ne donne pas ton livre ; laisse à tes amis le soin de l'acheter, ils seront encore plus libres dans leur critique.
La flatterie monte aussi bien par l'escalier de service que par le grand, toute voie lui est bonne.
Il ne faut pas demander à l'épée d'aimer le fourreau.
Un grand port laisse entrer tous les navires, ainsi fait l'intelligence.
Même après la mort d'un ami, je n'ai besoin de savoir de lui que ce qu'il m'aurait lui-même confié.
Nos résolutions meurent généralement en pleine jeunesse, en plein épanouissement.
Plus je vis, moins je dédaigne et plus je plains.
Le paresseux aime l'ouvrage tout fait, voilà tout.
On se sépare avec regret d'un livre de pensées : c'est quitter un ami qui s'en va, un confident qui nous console, un témoin qui nous avertit.
Il faut savoir en prendre et en laisser, dit-on, en laisser surtout.
Quand je dois recevoir certaines visites, je m'encourage, en me disant : Ne serait-ce pas encore plus désagréable d'aller chez le dentiste ?
L'homme le moins possédé de son Moi en possède toujours assez pour vivre.
Le prestige du maître rejaillit sur le domestique, la faute ne rejaillit pas.
Il y a beaucoup de maladies qui ne tuent pas, beaucoup de flèches qui n'empoisonnent pas.
L'homme rappelle l'enfant quand il menace la foudre qui ne lui appartient pas.
Beaucoup de gens accepteraient le bénéfice de la trahison, sans consentir à trahir.
Dans un pan de vieux mur se cache souvent un joyeux nid.
Il est de ces gaietés froides comme un jour de givre, on sent que les larmes les traversent.
Au printemps la vie de salon pâlit devant le soleil, comme la fleur artificielle devant la vraie.
Vieillis dans ton cadre, meurs dans ta vieille maison.
Le meilleur succès d'un livre de pensées c'est d'avoir fait du bien à son auteur.
Sur la litière de la douleur on fait encore des envieux.
Comme on serait moins fier de sa supériorité si on ne l'était qu'en raison du bonheur qu'elle nous donne !
La douleur est comme la noblesse, elle n'accepte de comparaison qu'avec ses pairs.
Étrange effet de la douleur : je suis bien où j'étais mal, je suis mal où j'étais bien.
L'espérance et le souvenir m'ont trompée tous les deux, sans que j'aie pu me corriger ni de me souvenir ni d'espérer.
Il y a de ces âmes qui font à notre âme ce que le bruit de l'eau fait à notre corps fatigué ; même de loin elles nous rafraîchissent.
Mets le ciel dans ta vie pour retrouver ta vie dans le ciel.
Il faut se sentir d'aplomb sur sa morale, comme un cavalier sur son étrier.
Être bon n'est un mérite que quand on est né méchant.
On revient de bien des choses, mais on revient encore plus de bien des gens.
Une antipathie commune nous lie presque autant qu'une sympathie partagée.
Si notre inexactitude n'est point corrigée par l'exactitude d'autrui, elle ne le sera jamais.
Le goût est à l'art ce que le jugement est à l'esprit.
Rien de plus insupportable qu'un chasseur, si ce n'est son lièvre.
On a l'aplomb de ses millions bien avant d'en avoir l'esprit.
Il y a quelque chose de plus triste à voir que les fleurs fanées, ce sont les fleurs qu'on arrache.
Penser c'est sentir les souffles de la vie nous pénétrer, les horizons se colorer, l'espace nous appartenir, les mondes se grouper autour de nous, les éléments invisibles nous envelopper.
Un marché aux fleurs me fait toujours l'effet d'un champ de rêves humains.
Ce qui est sain est toujours bon à voir, comme ce qui est pur, agréable à toucher.
L'inspiration se lève à ses heures comme l'enfant gâté.
L'homme a besoin de l'homme, c'est la plus vraie des fraternités.
L'expérience est un vieux professeur qui aime moins sa science que son enseignement.
La franchise souffre de tout ce qu'elle ne doit pas dire.
Le pardon qu'on demande n'est généralement pas plus sincère que celui qu'on accorde.
Les penseurs ne connaissent la solitude qu'à demi.
Une demande en mariage à un certain âge c'est le fer rouge sur notre dignité.
Les choses en leur temps ont la saveur des fruits en leur saison.
Le beau temps nous réconcilie avec la vie et même avec la mort.
Être capricieux, c'est ne pas être le même quand les choses restent les mêmes.
Les projets sont les relais du chemin.
Tous ceux qui ont un souvenir sans mélange ont du pain pour les jours malheureux.
Il est plus salutaire de soigner sa volonté que sa beauté.
Les grandes résolutions, comme les grandes armées, sont confiantes en elles-mêmes.
Quelque dure que soit la tâche, il y a une âpre jouissance à se sentir de force à l'accomplir.
La pitié déplacée est une des causes les plus profondes des erreurs du jugement.
Un courtisan n'a pas de patrie, il est partout le courtisan.
Le dernier mot de l'analyse, c'est le dégoût ou le pardon.
Le mensonge s'appelle trahison quand il se glisse dans un baiser.
Le bonheur n'est pas plus une question de mérite que l'amour n'est une question de beauté.
Les plus belles qualités mènent bien moins au bonheur que les beaux yeux à l'amour.
Quelle est la femme qui n'a pas rêvé d'habiter quelques instants l'âme de son mari ?
La modération est l'arme des forts.
Considère toujours ton projet comme un enfant de sept mois.
On peut être profondément et sincèrement reconnaissant d'un oubli.
L'admiration la plus intense est la plus silencieuse.
En fait de pécheurs, les plus faciles à tenter sont les gourmands.
Flair de femme se trompe encore moins que palais de gourmand.
On vit avec un penseur comme avec un vivant.
On espère quelquefois moins par espérance que par besoin d'espérer.
Une tête sans imagination, un arbre sans nid d'oiseau.
Les grands soupirs ont toujours l'air de chercher une patrie.
Les plus honnêtes assurances se trompent comme les plus douces promesses.
La timidité nous quitte quelquefois un peu trop tôt.
L'oubli va encore plus vite que le temps.
La jeunesse ! un capital difficile à bien placer.
Il faut aider la vérité partout où elle souffre.
Mentir au menteur, c'est boire dans son verre.
Rien n'est dangereux pour l'esprit comme un compliment.
On ne gagne pas toutes ses parties avec la franchise, mais on se retire toujours avec l'honneur.
Un baiser peut avoir plus de signification que dix.
L'amitié repose sur deux colonnes : Être franc et discret.
Deux espèces de gens redoublent notre ferveur : les impies par pitié, les saints par admiration.
Toute chose tire son importance de celui qui s'en sert.