Quelle troublante chose que l'angoisse, quand elle est emprisonnée par le silence et que mille obstacles s'opposent à sa délivrance.
Dans le voisinage des torrents bruissent de petites cascades que leurs eaux ont fait surgir.
Le besoin de nier Dieu précède toujours cette négation.
Nous appliquons plus notre intelligence à connaître les choses qu'à comprendre l'être humain.
Pareille à un chien de chasse racé, la femme mauvaise est douée d'un flair particulier pour découvrir un bonheur caché et le détruire.
Dans les assemblées orageuses, l'être impartial possède en lui un régulateur puissant dont l'influence peut gagner de proche en proche.
Les mots dédaigneux, railleurs, peut-être méchants, que la bouche retient, sont dessinés dans un sourire. - Ah ! ce sourire !
Bizarrerie de l'espèce humaine : les petits aiment jouer aux grands ; les grands trouvent parfois amusant de jouer aux petits.
Les hommes renonçant à se comprendre, après l'insuccès de la tour de Babel, construisirent chacun la leur et y vécurent. Tous leurs descendants ont fait comme eux. Et chacun de nous ignore donc, au fond, le langage de ses semblables.
Il y a des femmes qui se penchent sur leurs malheurs avec grâce et séduction. Telles leurs arrière-grands-mères enlaçant leur guitare.
Si quelques mots lumineux n'ont pas suffi à convaincre ton interlocuteur, dis-toi bien que des flots de paroles t'auraient servi moins encore.
Un retard forcé dans notre correspondance avec nos amis, c'est une façon impérieuse de les avoir toujours présents à notre souvenir.
En médecine, la doctoresse ne peut se défendre, dans son étude psychologique de la femme, de l'étudier en femme, de fouiller curieusement dans son moi intime.
Les mots doux ou violents nous les empruntons au vocabulaire éternel, persuadés que personne avant nous ne leur donna cette douceur ou cette force.
La lune de miel, c'est la période pendant laquelle deux êtres ne se connaissant pas épuisent jusqu'à la dernière syllabe le vocabulaire du « Tendre » Puis, ils se connaissent, et le vocabulaire est transformé.
Ne dédaigne pas les phrases, les pensées qui semblent usées par le temps. Fouille-les : Elles te montreront la vérité en un relief puissant.
Celui qui plante un clou où il s'installe croit toujours plus ou moins y fixer le bonheur.
Écoute cette conversation intime. Ce sont tes deux « Moi » qui discutent. Crois-tu que celui qui est fils de ta raison convaincra l'autre ?
L'homme qui la cultive et la possède se dit éternellement déçu par les infidélités de son amie : La terre.
Nos bonnes résolutions sont mues par des rouages défectueux.
Les grands écrivains à la recherche des vérités éternelles sont des ouvriers se livrant à des travaux de sondage pour découvrir la source d'eau vive.
Dans ses heures d'insomnie, la nuit est à l'intellectuel ce qu'est à l'arbre la terre obscure dans laquelle il plonge ses racines, et va chercher, avec le suc-aliment, la fraîcheur des eaux profondes.
Les yeux de la mère retardent : Quand l'enfant est déjà grand, longtemps encore elle cherche de la main les boucles soyeuses qui faisaient son orgueil.
Nos chers mots français, quand ils sont devenus vieux, la Fortune les écrase de sa roue impitoyable ; et ils vont mourir au fond d'une bibliothèque dans les plis d'un bouquin délaissé.
Actuellement l'homme n'absorbe plus la nourriture dans le calme et la sécurité. C'est la préoccupation de sa nourriture qui le ronge dans l'agitation et l'inquiétude.
Les hautes pensées produisent en nous les mêmes résultats que l'air et le soleil dans une chambre de malade, elles chassent les miasmes délétères.
Trop chercher à briller, n'est-ce pas vouloir coiffer les autres d'un éteignoir ?
Il arrive que des personnes dont on ne convoitera jamais le cœur, le tiennent comprimé, comme si elles redoutaient un larcin.
Lorsque l'homme mûr se rencontre avec l'enfant, il retrouve soudain des impressions de sincérité exquise qu'il ne connaissait plus.
L'attente d'une joie n'est-elle pas meilleure que le souvenir ?
La terre riche en principes de vie qui aideront à l'éclosion d'une moisson abondante reste longtemps solitaire et tassée. Le penseur obéit à cette loi.
La banalité, c'est le vêtement de sortie des timides.
Le confessionnal c'est la boîte aux lettres de la conscience.
L'enfance bercée par nous, berce parfois aussi notre peine.
Quand notre esprit peut se mouvoir dans la phrase avec souplesse et élégance, soyons satisfaits de la cage que nous lui construisons et ne demandons pas à la rime de venir y ajouter d'autres barreaux.
L'homme - je n'ai pas dit la femme - exerce sa malignité sur l'infériorité intellectuelle de son semblable, mais il accorde un pardon inavoué à ses fautes morales.
Alignées le long des rues, dans la petite ville, les maisons se connaissent et de leurs yeux vitrés s'entreregardent. Maisons de Paris, vous ignorez ces petites intimités et n'êtes que des isolées dans vos entassements.
Au déclin de la vie les gradins qui invitent l'homme à descendre ne sont pas d'égale hauteur.
À la campagne, les jours de pluie et de bourrasque, si notre oisiveté le permet, nous abritons notre ennui au fond de notre « Moi » où d'ailleurs nous trouvons parfois d'autres rafales.
Dans le domaine de la sensibilité, l'indifférence est une paralysie du cœur.
Comme un vent violent décuplé par la distance, les mots contenus dans les lettres au long parcours ont cette force et ce sens profond qui donne l'éloignement.
L'être physique n'est pas immortel, mais ses paroles peuvent le devenir, si elles partent de l'âme.
Un esprit tourmenté n'apprécie que les joies auxquelles il sait ne pouvoir atteindre.
Quand notre esprit cherche à se mouvoir dans des milieux heureux, il est rare qu'il ne songe pas à des projets irréalisables.
Quand tes nerfs sont tendus comme des fils télégraphiques, saisis-les lentement, et, les enroulant autour de ton âme, donne leur ainsi le contact de sa douceur.
Les mots aussi enivrent ! Dans les assemblées populaires, les hommes ne voient pas qu'ils sont surtout des buveurs de mots.
Quand les mots affectueux de nos amis nous sont transmis par des indifférents ou des hostiles, ils nous paraissent déformés.
Quand nous la demandons à Dieu ou à nos semblables, la pitié est la dernière et la plus haute limite de nos supplications.
Dans les recherches de l'âme, la seule lumière qui éclaire pleinement le penseur vient d'en haut.
L'homme ne connaît pas l'homme ; et souvent ne veut même pas le connaître : d'où les conflits qui déchirent le monde.
Des lettres nous arrivent dont l'enveloppe, nous le sentons, contient des choses exquises. Telles des boîtes de bonbons.
La superstition s'attache aux natures simples à la façon de ces plantes sauvages qui s'enroulent autour d'un arbuste.
Le présent dédaigne le passé, et celui-ci lui rend avec usure ses marques d'indifférence.
Les oiseaux migrateurs emplissent leurs yeux d'images diverses et oublient vite l'horizon qu'ils ont fui.
Nous affectionnons les déplacements, les voyages souvent sans charme ; afin de nous bien assurer, au retour, que notre coin habituel est le meilleur.
De son pied lourd, le chasseur foule avec fracas les feuilles mortes qui en automne renflent le terrain. Le tyran qui sommeille en lui trouve une sorte de jouissance à briser cette fragilité.
La femme privée subitement de l'amour total d'une créature, et ne pouvant plus donner son grand cœur qu'à des animaux, fait songer à ces enfants séparés brusquement de leur mère et qui, au milieu de leurs cris, pressent contre leur cœur une poupée, un mouton en carton.
La terre est toujours belle, mais en cultiver sans cesse le même coin borne singulièrement les horizons de la pensée.
Puisque Dieu est bon, puisque la mort est une loi inéluctable, pourquoi les êtres « de bonne volonté » l'enveloppent-ils de tant de crainte.
La mer qui transporte au loin les espoirs énergiques ou les grandes détresses est aussi le véhicule de la vigueur physique.
Se recueillir profondément dans la solitude c'est donner une âme à cette solitude.
Les méchants, heureux de dire ce qui est, le sont bien plus encore de raconter ce qui n'est pas.
Entre femmes il est de ces petites amitiés qui prennent comme la poudre et s'éteignent avec la même rapidité : ce sont les fusées du cœur.
À une heure de notre existence nous croyons avoir des ailes, la vie les brise, et nous montre qu'elles sont destinées seulement à un monde prochain.
Auprès de grandes secousses morales le corps reprend sa marche, mais l'âme ne suit pas.
À la rencontre des douleurs morales, nos souffrances physiques recherchent l'appui des vieux murs familiers.
Quand les ailes ont poussé aux petits oiseaux, le nid se désagrège.
Chaque âme rend un son particulier. C'est la rencontre de ces sons qui produit l'harmonie ou le désaccord.
La souffrance de ceux qui vieillissent est le résultat du désaccord qui s'établit entre le corps et l'âme.
Beaucoup n'aiment pas les amis de ceux qu'ils détestent et souvent, moins encore les amis de ceux qu'ils aiment fortement.
Il arrive que des personnes dont on ne convoitera jamais le cœur le tiennent comprimé, comme si elles redoutaient un larcin.
D'où est ton âme ? Du Nord ou du Midi ? De la montagne ou de la plaine ? À certaines heures tu as dû le savoir. Habite le pays de ton âme.
L'esprit de l'homme est parfois si orienté vers le mal qu'il donne un sens péjoratif à tout acte qu'il ne comprend pas.
Avant d'entrer dans la vieillesse, souvent aussi dans la vie chrétienne, l'homme traverse une sorte de tunnel mystérieux plein de dangers.
La connaissance de Dieu échappe à notre âme enfermée dans la matière, mais ce qui s'exhale de son essence, nous le sentons parfois et nous disons : C'est Dieu.
L'activité qui en ce moment agite le monde est alimentée en partie par les besoins factices que l'homme et surtout la femme se sont créés.
Pour des services rendus, l'être bon demandera une sourdine. Mais à celui qui n'est que serviable il faut la grosse caisse ou le trombone de la publicité.
Nos jours se superposent comme les feuilles d'un missel ; le texte change, mais ce qui l'inspire demeure.
La peine emprisonnée en nous trouve souvent en nous-mêmes un gardien trop vigilant.