Aussi coupable est celui qui tient la victime que celui qui la frappe.
Il est bon d'avoir des amis, mais il est meilleur encore d'avoir un ami véritable.
Il est des courtoisies qui frisent l'impertinence, et qui récoltent une extrême froideur.
À courtoisie, courtoisie et demie.
Qu'y a-t-il de plus impatientant qu'un homme qui ne s'impatiente jamais ?
Il y a un temps et une mode pour certains livres, comme il y a un âge pour les lire.
La patience est une vertu qui porte toujours avec soi sa récompense.
Les vieillards sont en général moins affectés de la mort des jeunes gens que de celle de leurs contemporains, parce que celle-ci est une mise en demeure directe.
Les vieillards n'aiment pas qu'on les croie plus vieux ou plus infirmes qu'ils ne le sont ; aussi, dans les attentions qu'on a pour eux, c'est faire preuve de délicatesse que de se garder de toute exagération qui pourrait leur suggérer une pensée de cette nature.
Ce n'est jamais de bien bonne grâce que les écrivains de profession proclament le mérite des écrivains d'occasion.
Le plaisir et l'ennui, voilà deux sentiments sur lesquels il est impossible de se faire illusion à soi-même.
La paresse est à la fois un vice et une ennemie de nos vices.
Un livre n'est pas long s'il ne dit que ce qu'il doit dire ; il n'est pas court s'il dit moins.
En France on peut vivre longtemps sur une réputation usurpée.
Quelque esprit que vous ayez celui qui arrive à propos en a encore plus que vous.
La louange la plus douce est celle qu'on reçoit en présence de l'être aimé.
Je n'aime pas à confier mes secrets à celui qui aime à confier ses secrets aux autres.
Les ennemis les plus dangereux sont ceux que l'on ne se connaît pas.
J'aime mieux les gens qui n'ont pas d'esprit que ceux qui n'ont qu'un petit esprit.
On peut feindre beaucoup de choses, la vertu, la douleur, la joie, l'amour, la dignité, la bonté, etc., mais il y a une chose qu'on ne peut jamais feindre, c'est l'esprit.
Qui n'a ressenti la fatigue de se trouver en face de gens qui, physiquement comme intellectuellement, sont toujours prêts à éternuer et n'éternuent jamais ?
On sait plus de choses aujourd'hui qu'autrefois mais on ne les sait que superficiellement et à peu près. L'à-peu-près est la plaie de notre temps en toutes choses.
Le goût a cet inconvénient qu'il dégoûte de trop de choses.
La tristesse est à la douleur ce que le sourire est à la joie.
Dans la vie commune ce ne sont pas seulement les défauts qui amènent la mésintelligence ; il y a souvent des qualités de cœur et d'esprit incompatibles, et qui, se heurtant les unes contre les autres, engendrent la désunion.
L'amitié de certaines personnes est comme ces arbres qui ne donnent que des fleurs et pas de fruits.
La susceptibilité est le plus grand écueil de l'amitié.
Il est des gens dont la conversation nous donne de l'esprit ; il en est d'autres dont la conversation nous fait perdre celui que nous avons.
Il y a beaucoup de charme à écrire sans arrière-pensée de publier, c'est une agréable manière de converser avec soi-même.
Autrefois il y avait des diseurs de bons mots ; notre siècle a enfanté une race nouvelle, celle des diseurs à effet : ces gens qui cachent le plus souvent leur nullité sous une apparence de profondeur.
Que de personnes dont la façon de parler est telle qu'on a envie de les contredire, même lorsqu'elles ont raison !
Savoir écouter est un rare mérite qui stimule l'esprit de celui qui parle et souvent en tient lieu à celui qui écoute.
Pour un homme qui, des rangs inférieurs de la société, arrive subitement à de hauts emplois, le bagage le plus embarrassant est celui de ses anciennes relations.
Depuis près d'un siècle, c'est par l'exagération du principe qui les a portés au pouvoir qu'ont péri les divers gouvernements qui se sont succédé en France.
C'est un symptôme de décadence chez un peuple que la surabondance des lois ; elle prouve l'impuissance des mœurs.
Les excès de la presse ont altéré notre caractère et nos mœurs. La défense contre ses attaques étant généralement impossible ou très difficile, et la répression par les tribunaux insuffisante, on en est réduit à ne répondre que par le mépris et à supporter en silence des insultes qui devraient provoquer les plus légitimes réparations. Mais en même temps ce sentiment exquis et chevaleresque de l'honneur, qui était autrefois le plus précieux patrimoine de la nation, s'énerve et s'affaiblit.
Le jugement (j'entends par là un sens droit) est un don naturel ; l'instruction ne peut le donner, mais elle peut l'élever et le fortifier. Pour l'homme politique, et surtout pour le magistrat, si le jugement n'est pas la seule qualité nécessaire, c'est la plus nécessaire de toutes.
Il y a un remède certain contre la solitude et l'ennui, c'est de s'habituer à réfléchir et à penser. — Je dis s'habituer, parce qu'on prend l'habitude de penser comme on prend celle de ne penser à rien.
Il arrive souvent que pour s'excuser d'une faute on en commet une plus grande.
En fait d'ingratitude, nous sommes aussi indulgents pour nous-mêmes que sévères pour les autres.
Une vieillesse anticipée me déplaît autant qu'une jeunesse trop prolongée.
Lorsqu'on me parle de personnes douées d'une grande sensibilité, ce qui m'intéresse, c'est de savoir si cette sensibilité s'applique à elles ou bien aux autres.
On oublie souvent un bienfait, jamais une offense.
Il y a un âge où il faut se défier du regain.
Étudier le cœur de l'homme est plus instructif que consolant.
Le parti le plus sage est de s'accommoder à la vieillesse ; on a tout à gagner à vivre en paix avec elle plutôt qu'en état de guerre.
Notre esprit nous sert à tromper les autres, et notre cœur à nous tromper nous-mêmes.
Voici une règle qui n'admet que bien peu d'exceptions : si un homme, en possession de hautes fonctions publiques, vous dit qu'il n'aspire qu'au repos et à la retraite, vous pouvez le croire. Mais s'il vous dit, après les avoir perdues, qu'il n'en éprouve aucun regret, il ment.
Chez les hommes les caractères sont variables à l'infini comme les physionomies ; mais, malgré cette prodigieuse variété, au fond il y a toujours l'homme !
Dans certaines circonstances de la vie l'oubli et le pardon d'une injure profitent plus qu'ils ne coûtent.
L'occasion manque rarement à ceux qui, sans se presser, suivent la ligne droite.
La vieillesse a souvent raison quand elle compare avec tristesse les temps présents aux temps passés, mais son tort est d'en parler.
Que l'on s'excuse de certaines passions en les mettant sur le compte de la jeunesse, soit ! mais qu'on sache bien qu'en y cédant trop facilement on se condamne à ne pouvoir plus s'en déshabituer dans la vieillesse ; et alors il arrive ceci : ou que l'on meurt d'ennui quand on les quitte, ou que l'on meurt à la peine quand on les garde.
L'absence des principes moraux ou religieux dans les familles est comme une tache qui s'étend aux générations suivantes.
On a dit que les souvenirs du bonheur sont les rides de l'âme ; pour moi c'est tout le contraire, ils en sont la jeunesse.
L'art du bonheur consiste dans l'économie des jouissances.
Savoir vivre en soi-même et par soi-même est un des grands éléments de calme et de bonheur dans la vie.
Il y a un art pour savoir vivre : cet art consiste dans un sage emploi du temps qui permet d'avoir des loisirs sans tomber dans l'oisiveté, et de se créer des occupations sans en être absorbé ; en un mot, à vivre en se sentant vivre ! Combien de gens ignorent cette science de la vie et sont comme des cavaliers maladroits qui mettraient toujours leur monture au pas ou ventre à terre !
Le sens moral et intellectuel est comme un chemin sans plateau : il faut monter ou descendre.
De même que certains défauts ont le mérite de tenir en haleine certaines qualités, de même, dans les cœurs honnêtes, certaines fautes sont rachetées par des expiations telles, qu'on pourrait regretter que ces fautes n'eussent pas été commises.
Après le plaisir de faire une bonne action, il y en a un plus grand, c'est de la tenir secrète, et un plus grand encore, c'est de l'entendre attribuer à un autre.
Dans les sociétés, comme chez les individus, la décadence du goût suit inévitablement la décadence morale.
Autrefois la distance était trop observée entre le père et les enfants, elle ne l'est point assez aujourd'hui. Autrefois le respect allait jusqu'à la crainte ; aujourd'hui l'intimité va jusqu'à la familiarité. Autrefois le fils appelait son père monsieur ; aujourd'hui le fils tutoie son père. Le père se fait l'ami du fils, et, trop souvent, le confident de ses faiblesses. Il y a exagération dans les deux sens. Toutefois, s'il fallait choisir, le premier serait préférable, parce qu'il a l'avantage de maintenir le respect dû au chef de la famille.
La loi française est trop prodigue de la peine d'emprisonnement dans bien des cas où l'amende serait une peine suffisante. Autant que possible, il faut affranchir le corps et frapper la fortune. L'amende n'est pas une flétrissure ; la prison en est une, qui ôte souvent le courage de la réhabilitation et fait des déclassés dangereux pour la société.
On ne saurait s'y tromper : au fond de toutes les questions qui s'agitent en ce temps-ci, philosophiques, politiques, littéraires, artistiques, juridiques, le combat se livre entre le spiritualisme et le matérialisme.
Mesquine époque que la nôtre, où le génie a fait place au talent, le patriotisme à l'esprit de parti, le beau à l'utile et la pensée à l'idée !
Une seule considération devrait suffire à inspirer aux classes élevées le respect d'elles-mêmes. C'est que, si la foule n'imite pas toujours leurs vertus, elle imite toujours leurs défauts et leurs vices.
Il n'y a pas de peuple plus prompt que le peuple français à se vanter comme à se dénigrer. Il suffit souvent du refus d'un léger service pour effacer le souvenir de grands bienfaits.