Être incapable d’écrire, pour un écrivain, est une chose qui nous humilie. Oui, parce que c'est l'impuissance, et l'impuissance c'est affreux. Il y a des jours où l'œuf ne passe pas du tout.
Il n'est pas mauvais pour un écrivain d'être imprudent, de se lancer dans des entreprises idiotes, d'éprouver des désespoirs amoureux, de vouloir modeler la réalité selon ses idées ou ses désirs.
II est des écrivains à qui il ne manque pour être parfaitement naturels que de vouloir moins l'être.
L'écrivain ou l'artiste, si haut qu'il soit, peut et doit, jusqu'à son dernier souffle, progresser par quelque point. Michel-Ange avait plus de quatre-vingt-dix ans lorsqu'il fit la Pieta de Florence, et cette œuvre dernière marque, chez lui, dans la profondeur de l'émotion humaine, un progrès presque stupéfiant.
Le vrai écrivain est celui qui sait rendre avec force ce qu'il lui a suffi de sentir faiblement.
Le seul être que je méprise, c'est l'écrivain qui ment dans ses livres.
Un bon écrivain ne dit pas seulement l'essentiel dans ses livres : il conduit à l'essentiel par des chemins variés.
La plus belle carrière pour un écrivain, c'est de produire des ouvrages dont on discute passionnément les idées, mais non pas la valeur.
L'écrivain qui veut aspirer à la gloire des succès durables doit être moins jaloux d'étonner ses lecteurs par la nouveauté de ses opinions et par la hardiesse de ses figures oratoires, que de leur persuader, par la justesse de ses idées et par la simplicité de son style, qu'il est impossible de penser et d'écrire autrement que lui.
On peut être un pauvre cerveau, un simple médiocre, et avoir un talent d'écrivain.
Influence pernicieuse de l'augmentation de l'espérance de vie des écrivains sur leurs œuvres trop complètes : Ils ont le temps de publier à plusieurs reprises des Mémoires où, en l'absence de faits nouveaux intervenus depuis la parution du volume précédent, ils se contentent de faire savoir qu'ils sont toujours de ce monde.
Un écrivain qui hait les métaphores, c'est aussi absurde qu'un banquier qui haïrait l'argent.
Le travail d'un écrivain ne se mesure pas au nombre de pages qu'il a écrites.
Les écrivains qui écrivent bien et ne se vendent pas méprisent ceux qui se vendent bien et écrivent mal.
Il est bon qu'un jeune écrivain commence sa carrière dans les lettres par l'imitation des aînés.
La plupart des écrivains font leurs livres chiants pour faire croire qu'ils sont longs.
Le seul avantage d'un journal intime est de permettre à la plume une entière sincérité, ou plutôt une entière spontanéité. La sincérité est la condition première de toute production de l'esprit, à mes yeux du moins. N'être pas sincère, c'est gâter le plaisir de suivre au dehors la fortune de sa pensée, ce qui est la seule joie véritable d'un écrivain digne de ce nom.
Si vous voulez apprendre à écrire, c'est dans la rue qu'il faut le faire. En vue de l'expression, comme en vue de la fin des beaux-arts, vous devez fréquenter la place publique. La société, et non le collège, voilà le foyer de l'écrivain.
L'écrivain sincère n'est pas celui qui dit tout, mais celui-là seulement qui suit son bon goût.
Les bons écrivains contemporains sont déjà des classiques, n'étant pas lus.
Qu'est-ce qu'un écrivain ? C'est peut-être le plus artificiel des hommes, celui qui n'éprouve, n'entend, ne voit rien qu'il ne songe aussitôt à le transporter dans un livre, à l'utiliser littérairement.
L'influence du ménage sur un écrivain ? Avantages : soucis matériels en moins — Inconvénients : Changement d'atmosphère, entame de l'individualité, de l'indépendance. On ne peut plus écrire ses plus secrètes pensées, ni ses plus secrètes aventures, ou alors il faut les transporter dans une œuvre d'imagination !
L'ennui d'être un peu connu comme écrivain, c'est qu'on est moins libre, que les gens attendent ce qu'on écrit, et que soi-même, on ne peut s'empêcher, en écrivant, de songer ce que va penser un tel ou un tel de ce qu'on écrit.
Il y a toujours une chose qui m'intéressera plus que les œuvres mêmes des écrivains : c'est la façon dont ils les écrivirent, ce sont les sentiments, sincères ou imaginés (supérieurs, ces derniers), qui les animaient en écrivant. Quand ils écrivent, je voudrais pouvoir les voir.
On ne devrait pas avoir de livres. L'intelligence ne crée pas. Elle se traîne en raisonnements, en analyses et elle use les jardins où elle rôde. Un écrivain ne vaut que s'il crée une génération, c'est-à-dire s'il crée une façon de sentir, et par suite une façon de penser. Qui sait si les grands écrivains ne furent pas un peu des ignorants ? Ah les érudits... Ce qu'il faut faire, c'est se chercher, et, pour se trouver, se dédoubler, chercher à se voir, découvrir le particulier qu'on a, si restreint qu'il soit. En un mot, ce qu'il faut, c'est savoir sa sensibilité. Alors, on rapporte tout à elle !
Être un grand écrivain, n'est-ce pas créer ou avoir créé une façon de sentir, et, par suite, une façon de penser ? Ce n'est pas tout de bien écrire, il faut encore que sous les mots passe une sensibilité. On ne me comprend pas quand je reproche à certains styles de n'avoir rien de tremblant... Et puis, l'insupportable ennui que dégage la perfection... Tandis que... La négligence, une certaine négligence est un grand principe, motif, d'art.
Un écrivain n'est rien d'autre qu'un scribe inspiré, dans la meilleure des hypothèses : quand il est inspiré.
C'est un grand tort à un écrivain d'être ennuyeux. On ennuie dans un ouvrage d'esprit, de morale ou de raisonnement, toutes les fois qu'on ne réveille pas l'esprit par des idées neuves. Dans les histoires et les romans, les faits tiennent lieu de pensées et d'esprit.
Un écrivain de beaucoup de sens a dit, en parlant des plagiaires, c'est-à-dire de ceux qui pillent les ouvrages d'autrui : Lorsqu'un pauvre se montre tout-à-coup revêtu de riches habits, nous reconnaissons sur le champ qu'ils ne lui appartiennent pas.
Les écrivains qui, dans leur vieillesse, demeurent intéressants sont ceux qui n'ont pas tout dit d'eux-mêmes.
La vie des écrivains s'éclaire surtout par leurs ouvrages.
L'éloquent écrivain n'est jamais babillard : qui sait beaucoup dit peu, mais choisit avec art.
On aime les écrivains qui, pleins de confiance en leurs lecteurs, leur laissent le plaisir de la pénétration.
Peu d'auteurs doivent prétendre à l'immortalité, quand avec tant d'écrivains on voit si peu de bons écrits.
Les écrivains supportent mal qu'à leur besoin viscéral d'écrire ne réponde pas, de la part du public, un besoin viscéral de les lire.
Le rôle véritable de l'écrivain envers les hommes est de dire sans relâche ce que les hommes insignes ou, en général, ce que la majorité pense ou ressent sans le savoir. Les auteurs médiocres ne disent que ce que chacun aurait dit.
Il y a deux époques dans la vie d'un écrivain : la première où l'on parle de lui, la seconde où il en parle lui-même.
Écrivains intelligents, sans toutefois l'être assez pour éviter de le vouloir paraître davantage : les échasses où ils se juchent donnent un ridicule à la démarche de leur pensée et de leur style.
Un écrivain inspiré est celui qui est dépassé par son propre texte.
Les écrivains se croient bien supérieurs aux autres artistes. Ils ont raison en ce que sans leur plume les autres célébrités resteraient inconnues.
Les mauvais écrivains croient que le divorce des mots n'est pas permis.
L'ennui avec les écrivains, c'est qu'ils ne peuvent penser sans stylo.
Les écrivains ne savent jamais juger leurs œuvres.
Un écrivain professionnel débute dans son métier à la maternelle, quand il trace son premier bâton.
Un écrivain n'est réputé sérieux qu'à la condition d'ennuyer, et beaucoup doivent leur réputation à ceci : Qu'on aime mieux les admirer que les lire.
Les banalités des écrivains rares nous fournissent de bonnes citations.
Lorsqu'on admire la fécondité d'un écrivain, il est bon de vérifier si ses enfants sont nés viables.
Le nombre des mauvais écrivains ne serait pas si considérable, si celui des mauvais critiques pouvait diminuer.
La plupart des écrivains sont comme les femmes à la mode, toujours appréciés au-dessus ou au-dessous de leur juste valeur.
Il y a des écrivains qui sont les plus sévères censeurs des défauts qu'on leur reproche à eux-mêmes.