Le monde, dans ses combinaisons, est moins varié qu'il ne le paraît : les mêmes fruits sont portés chaque année par les mêmes arbres ; les mêmes conséquences sont ramenées par les mêmes causes ; les mêmes expiations rappellent les mêmes fautes.
La modestie est comme l'ombre qui fait valoir la lumière, c'est la chasteté du mérite, c'est la virginité des belles âmes.
Le crédit est le champ de bataille de toutes les victoires pacifiques. Il marche de pair avec l'honneur.
On ne brise pas impunément tous les ressorts du travail, tous les anneaux du crédit : car, parvenue à un certain degré, la misère est un torrent qui renverse et emporte toutes les digues.
La misère publique est la cuve où toutes les passions fermentent !
La misère méritée est la sanction pénale de la paresse et de l'inconduite.
Le salaire des ministres peut être faible ou nul, sans inconvénient, parce que les fonctions ministérielles ne doivent pas être une carrière, mais un acte de dévouement à ses idées, à ses convictions, à son pays.
Partagez le commandement d'une armée entre neuf généraux de division, imposez-leur l'obligation de ne livrer de batailles qu'après en avoir soumis le plan à la majorité des voix, et vous me direz combien de victoires vous aurez... perdues !
Tout ministère qui ne se résume pas dans un homme, dans une volonté, tout ministère qui sera composé de neuf membres, tout ministère qui aura besoin de délibérer sur tout sera faible : car il ne pourra prendre de grand parti sur rien; il manquera de spontanéité, d'initiative, de décision ; il emploiera à vaincre la difficulté de se réunir et de se mettre d'accord le temps qu'il devrait réserver à l'étude des questions, à la maturité des solutions, à la vérification des idées.
Un ministère ne tombe jamais que sous le poids de ses fautes. Loin de l'ébranler, les attaques injustes, les accusations exagérées ne servent qu'à l'affermir. Elles exercent sur lui l'action du marteau qui enfonce le clou sur lequel il frappe. Elles le fortifient par la lutte ; elles le grandissent par le triomphe.
Vouloir faire marcher en avant un ministère sans idées, autant vaudrait entreprendre de faire remorquer un convoi par une locomotive sans combustible !
La justice limitée, c'est l'impuissance ; la vérité limitée, c'est l'erreur.
L'art de gouverner, c'est l'art de choisir ses hommes.
La paix, comme la guerre, a ses champs de bataille ; il ne suffit pas qu'un peuple soit brave devant la mort, il faut encore qu'il soit brave devant la liberté, et que, pour un petit péril et un petit mal, il ne renonce pas à une grande victoire et à un grand bien. Lorsqu'un peuple est brave devant la liberté, la confiance qu'il puise en lui-même lui fait traverser sans émotion les crises les plus graves. Il ne s'effraye de rien, parce qu'il calcule tout.
Semez le mensonge, il n'en sortira jamais que complications, périls, honte, faiblesse et témérité.
La science limitée, c'est l'ignorance ; la foi limitée, c'est le doute.
Ce qu'il y a de pire, ce n'est pas la médiocrité proprement dite : c'est la médiocrité satisfaite d'elle-même ; c'est la médiocrité qui prend pour le but le point où elle s'arrête à mi-chemin et quelquefois même au premier pas.
Par la maternité, la femme se relève et s'élève. Elle n'est plus irresponsable et désœuvrée. Elle tient dans ses mains — elle le sait — l'œuvre de l'avenir, et elle en répond. La trame qu'elle ourdit est celle de l'humanité. La fonction qu'elle accomplit est la plus haute, la plus noble, la plus difficile de toutes les fonctions. En est-il, en effet, de plus difficile, de plus noble et de plus haute que celle de concevoir un enfant, de le porter neuf mois dans ses entrailles, de lui donner la vie au risque de perdre la sienne, de l'allaiter pendant plus d'une année, de l'élever, de l'instruire, de discerner ses qualités, de reconnaître ses défauts, de former son caractère, son cœur et son esprit ?
C'est par la clémence souveraine s'exerçant librement que se manifestent et se prouvent la modération et la fermeté d'un système politique. La clémence est un gage de force accordé par la confiance du souverain à la sécurité publique.
Le droit de punir commence par n'être que la satisfaction du besoin de vengeance.
On n'a le droit, sous aucun prétexte, de tuer, de violer, ni de voler.
Tuer un homme et lui voler l'argent qu'il possède est un acte criminel puni par la justice. Tuer cinq cent mille hommes et leur voler le sol sur lequel ils étaient nés est un acte glorieux, immortalisé par l'histoire ! A-t-on ouvert le cerveau humain pour vérifier si entre le meurtre et le vol glorifiés et le meurtre et le vol qualifiés il y a une séparation qui empêche la confusion et mette à l'abri de la méprise la logique laissée par l'ignorance à l'état brut et primitif ?
À vingt ans on peut être mécontent de son sort, mais on n'est pas encore détaché de la vie ; l'espérance, ce mirage qui nous abuse jusqu'à la tombe, et nous y conduit, glace le courage, enchaîne la volonté. Non ! à vingt ans, ce n'est pas de la vie dont il est difficile de se défaire : c'est de l'espérance.
Il y a aussi loin de l'obstination à la fermeté qu'il y a loin de la fermeté au découragement.
Qui assure ses arrières n'est jamais dépourvu.
L'apprenti, la plupart du temps, n'est que le domestique de l'atelier.
La force n'engendre que la force.
Ouvriers sans travail ; gouvernement sans idées.
L'hypocrisie a des alliés et des cautions que la vertu n'a pas.
La liberté, c'est le mouvement ; l'autorité, c'est l'immobilité.
La division tue ; l'unité vivifie.
Où l'on reconnaît qu'un gouvernement a été sage, habile, prudent, prévoyant c'est alors que, soumis à des épreuves difficiles, il en triomphe facilement.
Quand la douleur absorbe les facultés, on ne cherche pas les remèdes, on les évite.
Aimer la liberté, c'est aimer l'ordre qui en est à la fois la conséquence et la garantie.
Avec l'autorité, rien de plus difficile que de gouverner ; avec la liberté, rien de plus facile.
L'art de gouverner, c'est l'art d'accroître le bien-être et la moralité d'un peuple.
La fraternité suppose que tout sentiment de haine et d'hostilité aura disparu dans les cœurs, et qu'en aucun cas on ne recourra à la force.
Qui dit concurrence dit rivalité.
Tout le monde parle de progrès, et personne ne sort de la routine.
L'esprit d'exclusion engendre l'esprit d'exclusion.
L'impôt est et doit être la mesure de la richesse.
Les idées s'expriment par des mots, mais les mots doivent exprimer des idées.
De même que la saleté, la propreté est contagieuse. La propreté dans les rues, dans les cours, dans les maisons, ne manque jamais de s'étendre aux appartements, aux ménages, aux individus. C'est surtout par les logements d'un peuple qu'on peut juger du degré de civilisation auquel il est arrivé.
Enfermer un malfaiteur avec des malfaiteurs plus pervertis que lui, ce n'est pas le punir, c'est encore moins le corriger ; c'est faire descendre dans son cœur le ressentiment, ce n'est pas faire monter la honte à son front !
On me demande : « Qu'appelez-vous un bon gouvernement ? » — Je réponds : Qu'appelez-vous un bon vaisseau ? Qu'appelez-vous un bon fusil ? Un bon vaisseau, n'est-ce pas celui qui est construit de telle sorte qu'il soit en état d'affronter les épreuves de la plus longue ou de la plus difficile traversée ? Un bon fusil, n'est-ce pas celui qui peut contenir la plus forte charge avec le moins de risque d'explosion, porter à la fois le plus loin et le plus juste ?... Eh bien, un bon gouvernement, c'est le gouvernement qui remplit les conditions les plus propres à atteindre le but qui lui est assigné ; c'est celui qui offre le moins de prise au danger d'un naufrage, ou le moins de chance à l'éclat d'une explosion ; c'est celui qui, existant en vertu de certaines lois, les observe strictement ; c'est celui qui ne prend pas le sommet pour la base et la base pour le sommet ; c'est celui qui ne fausse aucun ressort ; c'est celui qui puise sa force dans son homogénéité ; c'est celui qui fonctionne sans frottements nuisibles ou dangereux ; c'est celui qui met en mouvement toutes les énergies de la nation ; c'est celui qui imprime à la circulation, sous toutes les formes, l'essor le plus rapide ; c'est celui qui augmente la valeur de l'actif national ; c'est celui qui diminue le paupérisme ; c'est celui qui ne laisse en retard aucun progrès réel, en souffrance aucune prétention légitime, en suspens aucune question importante, à l'écart aucune capacité reconnue, aucun concours utile ; c'est celui qui embrasse et satisfait le plus grand nombre d'intérêts généraux ; c'est celui qui s'élève le plus haut au-dessus des considérations purement individuelles ; enfin, c'est celui qu'il est facile de réformer et difficile de renverser.
Toute gloire que l'on consent à payer est une gloire dont il faut se défier ; car ce n'est pas une gloire, mais un luxe — luxe que la nation la plus riche ne se donne jamais impunément, car il ne sert qu'à la faire accuser de faiblesse ou d'iniquité. Si elle ne se fait pas rembourser par le vaincu ses frais d'expédition, le monde en conclut hautement ou que sa victoire est douteuse, ou qu'elle a reconnu que la guerre qu'elle avait faite n'était pas légitime, ou qu'elle n'a pas osé la pousser jusqu'au bout.
Ce ne sera que par les grands travaux de la paix qu'on fera diversion aux ardentes tentations de la guerre. Si dispendieux que paraissent les travaux de la paix, ils ne coûteront jamais la dixième partie de ce que ces tentations coûteraient, alors même qu'elles resteraient à l'état de velléités. La France est avide de gloire. Il lui faut ou la gloire que promet la guerre, ou la gloire que peut donner la paix.
Avec une politique droite, habile, ferme, persévérante, exempte de témérité et de morgue, mais exempte aussi de timidité et d'abaissement ; avec une administration simple, vigilante, économe, judicieuse, la France peut encore reprendre en Europe le rang qu'elle n'y aurait jamais dû perdre.
Ce qui caractérise le peuple français, c'est un admirable esprit d'à-propos qui sait revêtir toutes les formes les plus simples, les plus brillantes, les plus caustiques ; c'est un sens droit, c'est un sens prompt à saisir toutes choses : précieux et puissant ressort qu'on n'a pu réussir à briser, mais dont de maladroits gouvernements n'ont pas su se servir.
Soyons forts, si nous voulons consolider nos institutions, affermir la paix et calmer les susceptibilités du pays. Plus le pays se sentira fort, et moins il sera disposé à se montrer ombrageux.
Force armée et liberté respectée ne sauraient vivre longtemps ensemble. Le passé et l'histoire sont là pour l'attester.
La fausse fermeté amasse les nuages ; la vraie fermeté les dissipe.
La vie qu'on ôte à l'assassin ne rend pas la vie à la victime.
Je ne demande pas aux baïonnettes où elles ont été forgées, aux balles où elles ont été fondues. Je demande aux baïonnettes de se changer en socs de charrue ; je demande aux balles de se changer en lettres d'imprimerie.
Les faits valent mieux que les mots.
Élevée à la hauteur d'une doctrine, l'acceptation loyale du Fait Accompli simplifie tout ; elle cicatrise les plaies, elle apaise les haines, elle met fin aux récriminations, elle renouvelle les rapports', elle étend les points de vue, elle ouvre de nouveaux horizons.
Entre l'absolu et l'arbitraire, il y a autant de distance qu'il en existe entre la vérité et l'erreur.
La politique tend chaque jour à se transformer plus qu'on ne paraît s'en douter. Autrefois, l'État le plus puissant était celui qui se faisait craindre ; aujourd'hui, l'État le plus puissant est celui qui se fait envier. La prépondérance qu'il exerce est surtout dans l'exemple qu'il donne.
Le premier intérêt perçu d'une épargne placée a souvent fait d'un prodigue un homme économe.
Diviser les hommes, c'est créer des unités.
Les détails sont à toute bonne organisation ce que les racines sont à l'arbre. Sans l'étendue et la profondeur de ses racines, le chêne séculaire ne résisterait pas à la violence des ouragans.
De vaincu à vainqueur, il n'y a pas de traités ; il n'y a que des trêves.
Qui est gravement menacé se croit facilement trahi.
Il y a des torts qu'on n'efface qu'en les expiant.
La tolérance qui n'est pas la même pour tous a un nom, elle s'appelle partialité.
La maternité, ce devrait être la vertu de la femme, son honneur et son bonheur, sa récompense !
Tuer le meurtrier, c'est l'absoudre par imitation.
Quand on n'est pas le plus fort, il faut être le plus courageux.
La tolérance est la corruption du sentiment de la liberté. Pourquoi j'aime la liberté et pourquoi je n'aime pas la tolérance, c'est que la tolérance est toujours et inévitablement l'arbitraire et l'inégalité. Si elle n'était jamais ni l'inégalité ni l'arbitraire, elle serait la liberté sous un autre nom, et que m'importerait le nom si j'avais la chose !
Il n'y a que deux manières de commander la confiance : par la prudence ou par l'audace.
L'Anglais a la crainte du péril et l'amour de la loi ; le Français a la haine de la loi et le mépris du danger.
Il y a des passions qu'il ne faut jamais déchaîner.
Je crois à la force de la patience, mais je ne la confonds pas avec la prodigalité du temps.
La liberté légale est celle dont le plus faible ne jouit que par le bon vouloir du plus fort.
Les illusions n'aboutissent qu'à fausser les situations et les caractères.