Plus on avance en âge, plus on s'aperçoit, quand arrive l'automne, de la décroissance des jours.
On sourit des préjugés d'un peuple, comme des naïvetés de l'enfant, quand on est sûr que le progrès de l'âge les emportera.
L'enfant, avant d'aller aux écoles, en a plus appris, de lui-même et par imitation, que ne lui en enseigneront tous les maîtres.
L'esprit des enfants est une sorte de vivant palimpseste où nous recouvrons de nos sottises pédantes les simples et naïves inscriptions de la nature.
La vie est un fleuve dont le cours entier ne dépend guère du filet d'eau qu'on appelle sa source : elle a aussi ses affluents.
Toutes les religions sont sœurs, mais des sœurs, hélas, ennemies.
Il y a des stations thermales dont l'âpre climat est fait pour donner les maladies que leurs eaux sont chargées de guérir : la Providence a mis le mal à côté du remède.
C'est un principe doublement fécond que celui des causes finales : les sciences naturelles lui ont dû de belles découvertes, et la philosophie ou la théologie de solennelles puérilités.
L'erreur est une des rares choses humaines qui viennent vite et s'en vont lentement.
L'enfant brise des jouets, le peuple des statues, le philosophe des dogmes, le politicien des ministères : le besoin de détruire est universel.
Jean de La Fontaine a tort : le roseau qui plie et ne rompt pas, n'en a pas moins tout à redouter de l'orage qui, en brisant les chênes, peut l'écraser sous leur chute.
En politique, on sait quelquefois ce qu'on sème, on ne sait jamais ce qu'on récoltera.
La raison du plus fort est le type de ces maximes que chacun flétrit, et devant lesquelles tout le monde s'incline.
Faire grand, c'est souvent faire à grands frais et à grand fracas de petites choses.
On n'a pas besoin d'être à la tête des affaires pour les mener : le gouvernail se cache à l'arrière du navire qu'il dirige.
Croire à la reconnaissance des hommes est une naïveté, compter sur celle des nations est une faute.
L'opinion publique ne connait pas les nuances : elle a bientôt fait de vous un héros ou un scélérat.
Les plus belles fleurs poussent sur le fumier : ce n'est pas une raison de prendre tout ce qui vient sur le fumier pour des fleurs.
Il faut avoir trop d'enfants pour en avoir assez.
La jeunesse dans la laideur, c'est comme un rayon de soleil sur des haillons.
Ce n'est pas toujours par malice ou par vanité que la femme corrige en sens inverse l'âge de ses amies ou le sien : de nature, elle est brouillée avec les chiffres.
La coquetterie est l'art de marcher sur les frontières de la pudeur, sans les franchir.
Nous aimons les femmes que nous trouvons belles et nous trouvons belles celles que nous aimons : c'est un agréable cercle vicieux.
Je serais plus indulgent pour les fautes des autres, si je voyais mieux celles où de simples hasards m'ont empêché de tomber.
La chasteté perd plus qu'elle ne gagne à être prêchée.
La chasteté est comme le courage : celles qui en ont le plus sont celles qui en parlent le moins.
La vie est pour plusieurs un roman sans le savoir, pour d'autres une comédie sans le vouloir, pour tous un drame par le dénouement.
Les plaies de nos vices se guérissent avec le temps, mais les cicatrices demeurent.
Les grandes choses ont ce privilège qu'on les conçoit d'autant mieux qu'on est plus capable de les accomplir.
Celui qui se défie de tout le monde invite tout le monde à se défier de lui.
Les hommes trop longtemps comprimés sont comme les arbres de nos côtes, courbés par la brise de mer : ils ne se redressent plus.
La fortune vient quelquefois en dormant, jamais en rêvant.
Quand un « Dictionnaire des Contemporains » paraît, chacun des biographiés trouve sa notice trop courte et celle du voisin trop longue.
Notre force vient souvent de l'inconscience de notre faiblesse.
La misanthropie est le pont-aux-ânes du pessimisme.
Le bonheur est le gros lot d'une loterie dont nous n'avons pas de billets.
Les maladies de l'âme trouvent plus de docteurs pour en discourir que d'infirmiers pour les soigner.
À l'appel de la charité, la pitié apporte son obole et la vanité ses pièces d'or.
Entre adversaires, mieux on se comprend plus on est loin de s'entendre.
Plus on hésite entre deux partis, plus on a de chances de prendre le pire.
La routine est le moins bruyant et le plus puissant des engrenages.
Laissez-nous nous moquer un peu des médecins, quand nous nous portons bien : ils prennent assez leur revanche quand nous sommes malades.
La médecine de nos jours, aussi originale que savante, invente encore plus de maladies que de remèdes.
Tout ce qui rampe, on sent le besoin de l'écraser.
Il est cruel de rappeler aux gens les défauts ou les infirmités dont ils sont les premiers à s'apercevoir et à souffrir.
On se plaint du cabotinage : il y aurait moins de cabotins, s'il y avait moins de badauds.
Vieillir, c'est mourir en détail.
On regrette moins sincèrement d'avoir abusé des choses que de n'en pouvoir plus user.
Pour les âmes encore jeunes, les approches du nouvel an ramènent en foule les impressions heureuses : ce sont les hirondelles de décembre.
On souffre de tout, même du soleil, sans lequel rien ne peut vivre.
Après celui de La Rochefoucauld, le livre qui dit le plus de mal de l'homme, c'est l'homme lui-même.
La clairvoyance qui gêne ou déplaît, on l'appelle pessimisme.
Les médecins et les moralistes sont portés à diagnostiquer chez les autres le mal dont ils sont eux-mêmes atteints.
Nous avons deux sujets inépuisables de complaisante observation : nos qualités et les défauts d'autrui.
Lorsque l'âme est troublée par la passion, il n'y a pas de lie si ancienne et si profonde qui ne remonte à la surface.
Notre inconstance a deux causes : la lassitude du mal et l'ennui du bien.
Les forts eux-mêmes ont leurs faiblesses : sotte excuse pour ceux qui ne rachètent leurs faiblesses par aucune force.
Rien n'est plus commode que d'expier ses fautes sur le dos d'autrui.
Nous avons d'autant plus le sentiment des ridicules d'autrui que nous avons moins celui des nôtres.
On a d'ordinaire les défauts de ses qualités ; on a plus rarement les qualités de ses défauts.
Bien des choses en ce monde ne se donnent qu'à ceux qui les prennent.
Où il faut du nerf, les nerfs ne suffisent pas.
La passion double les forces, le sang-froid en règle et assure l'emploi.
Il n'est mauvais de faire des châteaux en Espagne qu'autant que cela nous détourne d'améliorer notre bicoque.
Nos espérances sont comme les romans : un peu de vraisemblance leur suffit.
On est toujours fier d'être roi, fût-ce d'une basse-cour.
Égoïste : celui qui ne pense pas à moi.
Ceux-là méritent de ne pas être oubliés, qui se sont oubliés eux-mêmes.
Il y a des maladies morales dont on vit ; c'est vous tuer que de vous en guérir.
Le riche, trompé, volé sans s'en apercevoir, a d'autant moins de petits sujets de mépriser les hommes.
Il importe moins d'être logique que de savoir vivre avec ceux qui ne le sont pas.
La sensiblerie est le trompe-l'œil de la pitié.
Le contentement de soi-même a des nuances : le Bourguignon est heureux d'être sur la terre, le Gascon estime que la terre est heureuse de le porter.
La modestie est une vertu, la confiance en soi est une force.
Les phrases trompent la faim ou la douleur, mais n'empêchent pas d'en mourir.
Le voyageur qui passe devant un cimetière n'est pas sûr que ce n'est point celui où il sera enterré.
Nous vivons à outrance, nous nous brûlons par tous les bouts, et nous nous étonnons de nos névroses et de l'anémie de nos enfants !
Il n'est pas bon de trop étendre son existence ; plus on vit, plus on est vulnérable.
On peut tomber très bas, sans, pour cela, tomber de très haut.
Le mépris philosophique de la vie n'est pas toujours une garantie du courage en face de la mort.
La meilleure sauvegarde de l'homme contre une faiblesse est le souvenir vivant d'un être aimé.
C'est un mauvais signe dans le ciel conjugal quand la femme dont le mari a toujours fumé s'aperçoit qu'il sent le tabac.
Les imbéciles rient des dents, les simples rient des lèvres, les gens communs rient du ventre, les gens d'esprit rient des yeux, les génies affectent de ne pas rire.
Le courage, chez les hommes, n'est pas encore aussi rare qu'on veut bien le dire : voyez combien se marient.
Les mauvais livres sont ceux qu'on prête en craignant qu'on vous les rende.
L'homme mécontent des choses et de la vie n'est souvent qu'un mécontent de soi-même.