Henri-Frédéric Amiel est le premier enfant de Caroline Brandt, née le 21 avril 1801 à Auvernier dans le canton de Neuchâtel, et décédée de la tuberculose à Genève le 20 décembre 1832 à 31 ans, et de Jean-Henri Amiel, né le 9 mars 1790 à Genève, et mort (suicide) le 29 octobre 1834 dans la même ville. Né rue du Rhône à Genève le 27 septembre 1821 à dix heures du matin, Amiel fut baptisé le 13 octobre 1821. On le nomma Henri comme son père et Frédéric comme le plus âgé de ses oncles. Son père dirigeait un commerce florissant. Sa mère, Caroline Brandt, fille d'un horloger neuchâtelois, était une femme douce et caressante, mais minée par des chagrins domestiques, alors que le père d'Amiel, Jean-Henri Amiel, avait un caractère tout à la fois impétueux, susceptible, tatillon, actif. Sévèrement économe, mais bon et serviable, il savait être généreux à l'occasion.
La perte de ses parents n'assombrit pas Fritz, (surnom donné à Henri-Frédéric Amiel pour ne pas le confondre avec son oncle), toute sa vie il eut la facilité de l'oubli. Les trois orphelins, Henri-Frédéric, et ses deux sœurs cadettes Fanny et Laure, sont recueillis par leur oncle Frédéric Amiel et leur tante Fanchette, déjà parents de onze enfants. De sa treizième à sa vingtième année il habite chez son oncle, très aimé de celui-ci, et très heureux entre sa tante, ses deux sœurs et ses cousines.
En novembre 1841, Amiel se décide à quitter Genève pour parcourir le monde. Il se rend à Lyon, descend le Rhône, parcourt le midi de la France, et s'embarque à Marseille direction Naples où il se lie d'amitié avec Marc Monnier, le futur auteur de Genève et ses poètes, qui deviendra son collègue à l'Académie de Genève, et avec Camilla Charbonnier, peintre sur émail, une artiste romantique qui éveille en lui le goût pour la psychologie de l'âme féminine. Il se rend à Rome pour y passer les fêtes de Pâques, et après cinq semaines passées à voir la Rome des Césars et la Rome de Léon X, il visite Malte, Livourne, Florence et Bologne. Il parcourt la Toscane, la Lombardie et la Vénétie, et en vingt-trois jours il fait le périple de la Sicile ; puis rentre en Suisse, visite les principales sommités des hautes Alpes et se retrouve à Genève, le 2 août 1842, après une absence de près de neuf mois. A peine installé, le désir de voir, d'étudier, de connaître, lui fait reprendre le bâton du voyageur ! direction Paris, la Normandie, la Belgique et les bords du Rhin ; il s'arrête à Heidelberg et s'inscrit finalement, en octobre 1844, à l'Université de Berlin pour y suivre les cours de philosophie de Trendelenburg, de Helfferich et surtout de Schelling.
En 1849, Amiel revient en Suisse et le Conseil d'Etat de Genève le nomme, le 10 avril 1849, professeur de littérature française et d'esthétique à l'Académie de Genève. Henri-Frédéric Amiel donne sa première leçon le 23 octobre 1849. En 1850 il est nommé secrétaire du Sénat de l'Académie, puis en 1867 il est élu doyen de la Faculté des sciences et lettres.
Le 11 mai 1881, suites à de multiples problèmes de santé, Henri-Frédéric Amiel rend son dernier soupir, à 59 ans, vers six heures du matin. Le surlendemain, ses parents, ses amis, l'Université lui rendaient les honneurs funèbres, et son cercueil couvert de fleurs était transporté au cimetière de Clarens. Henri-Frédéric Amiel repose sous une simple tombe de marbre noir où l'on a gravé ces mots : « Aime et reste d'accord. »
Ses principales œuvres : Berlin au printemps de l'année 1848 (1849), Du mouvement littéraire dans la Suisse (1849), Grains de mil (1854), L'Académie de Genève (1859), Il penseroso (1858), La Cloche (1860), La Part du rêve (1863), L'Escalade de MDCII (1875), Charles le Téméraire (1876), Les Étrangères (1876), L'Enseignement supérieur à Genève (1878), Jean-Jacques Rousseau jugé par les Genevois d'aujourd'hui (1879), Jour à jour (1880), les Fragments d'un journal intime (1883-1927), Les Lettres de jeunesse (1904), Philine (1927), Essais, critiques (1931). (Henri-Frédéric Amiel sur Wikipédia)
Dis-moi ce que tu éprouves dans ta chambrette solitaire quand la pleine lune t'y visite et que ta lampe est éteinte, et je te dirai ton âge et je saurai si tu es heureux.
Si la foi commande aux montagnes, c'est que la foi crée l'obstination. Celui qui a la foi, marchant dans sa voie, intrépide et résolu, surmonte les difficultés et les périls.
Comment peut-on être un bêta intelligent et instruit ? Cela ne s'explique que par la privation d'un miroir. Ainsi l'on ignore sa laideur et sa niaiserie, et cette ignorance se convertit en aplomb.
À tout problème il y a une solution, hormis à la mort.
Quand le temps de ton apprentissage est terminé, montre-moi ce que tu fais de ton talent.
Tous les scolasticismes me rendent douteux ce qu'ils démontrent, parce qu'au lieu de chercher ils affirment dès le début. Leur objet est de construire des retranchements autour d'un préjugé et non de découvrir la vérité. Ils amassent des nuages et non des rayons.
Pour la conduite de la vie les habitudes font plus que les maximes, parce que l'habitude est une maxime vivante devenue instinct et chair. Réformer ses maximes n'est rien, c'est changer le titre du livre. Prendre de nouvelles habitudes, c'est tout, car c'est atteindre la vie dans sa substance. La vie n'est qu'un tissu d'habitudes.
Nul ne sait ce qui lui est réservé dans l'avenir. Ce qui sera sera, nous n'avons à dire qu'Amen.
Une séparation jugée nécessaire peut être poignante, et l'on est rarement aussi fort qu'on le croyait contre les coups, même prévus, de la destinée. Nos sentiments sont chose plus compliquée que le nœud gordien et plus faciles à trancher brusquement par un acte de la volonté qu'à dénouer par une gradation trop délicate et une prudence trop sympathique. Il est certains maux que la compassion augmente et qui gagnent à être traités par le fer et le feu, ou même par la glace.
Dans ma vie, il ne me manque qu'une chose : une âme avec qui partager, car l'émotion et l'enthousiasme me débordent comme une coupe trop pleine. Je voudrais les partager avec une autre âme.
L'incertitude est l'asile de l'espérance.
Rien n’est bagatelle de ce qui blesse un cœur.
Même au jour où leur cœur se détache et nous blesse, deux ceux qui nous aimaient pensons avec noblesse.
Dis-moi tous tes chagrins, toutes tes blessures, peut-être qu'en cherchant bien nous trouverons le baume.
Les âmes aigries aiment à rendre le fiel pour le miel et une blessure pour une gentillesse.
Tous les malheurs commencent par un point, les catastrophes ne sont au début qu'une imperceptible désagrégation moléculaire : Une égratignure devient une plaie, une négligence devient une ruine, une étincelle devient un incendie. De là l'importance des infiniment petits et l'impérieuse nécessité de la vigilance soutenue. Remédier à propos, aviser à temps est une des attentions de la sagesse, un des préceptes de l'art de vivre. Ecraser le basilic dans son œuf simplifierait considérablement le combat de l'existence. Mais pour cela, il faut le coup d'œil perçant et la main prompte.
Exister pour se soigner ne vaut pas la peine de vivre.
Un malade qui ne veut pas guérir est atteint bien plus d'égoïsme que de toute autre affection.
Rendre un plaisir pour une peine guérit le saignement du cœur.
Un ami véritable est une douce chose, mais une amie est encore mieux, car son amitié est encore plus perspicace et encore plus dévouée ; elle est plus intense et plus active dans sa fidélité.
Qu'il est malaisé le passage du vilain âge, de l'âge ingrat, de l'âge gris, où les maux secrets, lassitude décrépitude, des plus calmes font des aigris. De tout on se désintéresse, rien ne caresse, on fuit les autres, on se fuit ; vigueur, jeunesse, adieu ! L'aurore se décolore lorsque dans notre âme il fait nuit.
Que devenir quand tout nous quitte : Santé, joie, affections, fraîcheur des sens, mémoire, capacité de travail ; quand le soleil nous semble se refroidir et la vie se dépouiller de tous ses charmes ? Que devenir, si l'on n'a aucune espérance ? Faut-il s'étourdir ou se pétrifier ? — La réponse est toujours la même : S'attacher au devoir.
Mettre de la joie dans les âmes, c'est au fond mon plus cher plaisir.
Chacun remue des liasses de papier-monnaie, mais peu ont palpé l'or.
La jeunesse d'aujourd'hui devient de plus en plus indocile et semble prendre pour devise : « Notre ennemi, c'est notre maître. » Le bambin veut avoir les privilèges du jeune homme et le jeune homme entend conserver ceux du gamin. Au fond, ceci est la conséquence régulière de notre système de démocratie égalitaire. Dès que la différence de qualité est officiellement égale à zéro en politique, il est clair que l'autorité de l'âge, de la science et de la fonction disparaît.
En ce monde, on est toujours l'obstacle de quelqu'un, puisque, si petit qu'on se fasse, on occupe toujours un espace quelconque, et que, si peu qu'on envie ou qu'on possède, on est envié et convoité par quelqu'un. Vilain monde, monde de vilains ! Pour se consoler, il faut songer aux exceptions, aux âmes nobles et généreuses. Il y en a, qu'importent les autres !
La plus belle existence serait celle d'un fleuve où les cascades et les rapides ne seraient traversés que près du berceau, et dont le cours grossissant se formerait d'une succession de riches vallées résumées chacune en un lac aux aspects également et diversement pittoresques, pour aboutir, à travers les plaines de la vieillesse, à l'océan où tout ce qui se fatigue vient demander le repos. Il est peu de ces existences pleines, fécondes et douces. À quoi sert de les désirer ou de les regretter ? Il est plus sage et plus malaisé de voir dans son lot le meilleur qu'on pût avoir, et de se dire qu'après tout le plus habile tailleur ne peut nous faire un justaucorps plus exact que notre peau.
Un Etat qui accorde des droits sans devoirs équivalents et correspectifs fait ou fera faillite forcément.
La renommée ne court pas après ceux qui ont peur d'elle. Elle se moque des personnes respectueuses qui méritent ses faveurs mais ne les arrachent pas.
Si la vie est un bonheur, un malheur ou un hasard, on la gouverne en conséquence ; on cherche à l'augmenter, à la diminuer, ou l'on joue avec elle : trois systèmes fort différents.
Je préfère l'isolement du célibat aux mortifications d'une vie exiguë, où chaque sou doit être retourné et pesé, et où l'on ne peut traiter d'égal à égal avec ses pareils !
Parfois je m'étonne de moi-même, et je m'étonne de m'étonner.
Je crois très peu aux masses, aux foules, à toutes les rengaines et ferblanteries démocratiques. Je crois aux individus de mérite, c'est-à-dire à quelques hommes, non à l'ensemble. Ce n'est pas là dédaigner l'humanité, car l'élite et la tête de l'humanité en font partie. Mais je crois que le progrès se fait par les meilleurs, par le petit nombre, par les êtres de choix, les grands cœurs, les génies, les héros, les martyrs, les inventeurs, les penseurs, c'est-à-dire par la fleur et l'aristocratie de l'humanité, et que le reste, le tissu cellulaire, les viscères, les muscles de ce grand corps, bénéficie du progrès, mais reçoit dix fois plus qu'il ne donne !
Suis-je un vieillard débarrassé de la passion par les années, ou une âme philosophique qui tend à secouer par elle-même cet esclavage ? Il est probable que l'âge, l'esprit critique, et la satisfaction aidant, je suis arrivé dans la région des calmes. Gare aux ouragans qui peuvent la traverser encore !
Je veux accueillir le bonheur avec un sourire, il est une grâce ; et que Dieu m'aide à sourire encore quand il s'envolera. Ce qui me relève un peu à mes yeux, c'est ce pouvoir de réjouir et de fortifier de belles âmes.
La solitude est mère de l'orgueil et de la timidité.
Je sens que ma vie s'en va comme l'eau, que ma destinée s'épuise rapidement et que je n'ai rien fait de bon et que l'irréparable m'envahit comme la marée montante. Diminué, affaibli, déchu, je n'ai pas même goût à exploiter mes restes. Je ronge mon frein avec grâce et pour ne plus être dépecé malgré moi, j'abandonne toute prétention en bloc.
Bien souvent on croit être véridique et on a tout transformé, les uns en bien, les autres en mal.
Chacun poursuit le bonheur et le bonheur esquive la poursuite de chacun.
L'étincelle de l'existence ne se communique que dans l'amour.
Le vulgaire c'est la majorité du public. Seulement le public est chatouilleux dans son orgueil comme le peuple roi ; il faut incliner les faisceaux consulaires devant sa prétendue majesté.
J'ai besoin de fréquenter davantage mes compagnons d'âge. Je sens que je m'isole, j'ai peu de points de contact. Pour l'éloquence ou pour l'influence, il faut maintenir ouverts les pores magnétiques de communication avec vos semblables.
J'ai trop aimé et fréquenté les femmes, mais il n'est jamais trop tard pour être sage.
Ma mémoire est un crible qui ne retient plus que les gros cailloux.
Le temps perdu pour le bonheur et le devoir, ni le ciel ni la terre ne me sauront le moindre gré et ne me rendront la moindre parcelle. En un mot, ces retards sont une pure sottise, s'ils ne sont pas une indispensable nécessité. — Mais que faire quand on redoute l'irréparable, et qu'on a horreur des regrets ? Ecouter les appels extérieurs, les suggestions amicales, les avertissements affectueux, et ne pas s'endurcir quand on entend la voix de la bienveillance pure et l'unanimité du bon sens.
Quand on est triste, c'est le moment où un cœur ami est nécessaire pour comprendre et adoucir un peu par sa sympathie les ennuis d'une vie qui a besoin de bonheur et qui ne sait pas où le trouver.
Heureux mortel qui vit dans un milieu merveilleusement adapté à ses goûts et à ses préférences !
J'ai été aimé, sans l'avoir su ni voulu, et plus d'une fois. J'ai donc fait souffrir et beaucoup. Mais ai-je trompé, ai-je torturé sciemment ? En conscience, non. J'ai été aveugle, stupide, incrédule, en fait de passions ; je n'ai jamais deviné à l'avance et j'ai à peine pu croire, à l'épreuve, que je fusse dangereux, qu'on pût s'attacher à moi d'une façon énergique, quand je n'étais qu'aimable, amical et bienveillant, sans préférence ni trouble. J'ai fait du mal, comme un hérisson pique, sans m'en douter.
Le véritable amour est celui qui ennoblit la personne, qui fortifie le cœur et qui sanctifie l'existence.
Le destin fait l'homme, mais l'homme fait aussi son destin.
Les grimauds venimeux qui abritent leur insignifiance derrière le paravent d'un journal prennent pour de la compétence leur fatuité ou leur animosité. En théorie, la presse est un sacerdoce ; en pratique elle est souvent un chantage, une vendetta, une perfidie, en un mot une chose ignoble et qui s'abuse sur ses droits comme sur sa valeur.
Quand je n'aime plus du tout, je n'aime bientôt plus rien. D'un grain noir dans mon ciel je tire involontairement une tempête ; d'un atome de fiel j'empoisonne toute ma vie intérieure ; d'une semence invisible je fais germer toute une moisson de plantes vénéneuses.
Le mérite dépourvu de volonté ou qui se cache n'arrive pas à notoriété pour ce qu'on appelle le monde. Le monde n'a point de microscope devant les yeux, et ne distingue que les grandeurs un peu matérielles et bien visibles. Voulez-vous être aperçu, montrez-vous ; être reconnu et admis ? Ayez des prétentions et des terres au soleil.
Dans notre prétendue société, l'homme est toujours mesuré par autre chose que par sa valeur humaine, et l'habit, le parti, la coterie, le nom, l'argent, ont plus d'importance que le mérite sérieux, que la distinction individuelle.
Je vis l'ombre d'un esprit qui traçait l'ombre d'un système avec l'ombre de l'ombre même.
Gare aux commencements ! ils décident de tout le reste.
Que celui qui veut faire quelque œuvre digne d'éloge amasse lentement et sans relâche la plus grande force sur le plus petit point.
Le contact des fortunés, des vaniteux, des sots et des indifférents me fait pencher vers le mépris placide et indulgent. La vue des faibles, des ignorants, des malheureux, des petits, des simples, des enfants me ramène à la pure bonté.
Le vrai, grand et puissant amour doit vous révéler à vous-même, vous inonder de lumière sereine, et non troubler votre regard, il fait voir plus et non pas moins ; il jette des éclairs devant l'œil intérieur et non de la poudre aux yeux.
Les droits d'autrui sont aussi sacrés que les droits personnels.
On apprend quelque chose avec ceux qui savent.
L'impatience de la chèvre dans un esprit de tortue, cela se voit assez fréquemment.
À esprit borné, cœur plus large, à esprit plus large, cœur plus borné.
Chuter dans un précipice est plus facile que d'arriver au sommet.
La vie c'est souffrir puis mourir, on n'a pas le temps de vivre.
S'il est deux choses qui abondent en ce monde, c'est l'égoïsme et la paresse.
Les femmes ont un instinct céleste pour le malheur.
Avoir de la vitalité, c'est avoir frais sous la canicule et chaud sous le Sagittaire, c'est porter sa saison avec soi, et braver celle du dehors. La santé est l'indépendance du climat et du dehors. La santé de l'âme est la vraie liberté, c'est-à-dire l'équilibre dans la joie.
Un travail à échéance lointaine est absurde. On ne vit plus qu'au jour le jour.
Mieux vaut la qualité que la quantité.
La pédanterie, c'est de châtier le prochain au lieu de soi-même, et d'entrer dans le monde avec une férule au lieu de la laisser au vestiaire.
Une bonne épouse est une bénédiction de Dieu.
Il est difficile de s'arrêter à un jugement définitif sur un homme qui a provoqué et autorisé toutes les antipathies, et dont la vie dément les principes, dont la devise et le talent se contredisent.
Il faut être le remorqueur de sa vie, et non la remorque.
La malveillance et l'ineptie marchent volontiers ensemble.
Le rire est un palliatif, un émulsif ; la gaieté est un bon génie, qui entretient la santé du cœur.
L'amour, c'est la mort du moi pour la naissance du nous.
Ne pas se lasser, ne pas se refroidir, être joyeux de ce qu'il y a, et non préoccupé de ce qui manque ; être indulgent, patient, sympathique, bienveillant ; épier la fleur qui naît et le cœur qui s'ouvre ; toujours espérer, c'est là le devoir.
La vie seule ranime la vie. Ce que nous devons aux autres, ce n'est pas notre soif et notre faim, mais notre pain et notre gourde.
Je me sens faim, et en même temps soif de vie.
Les avances, les habiletés me font une impression de bassesses, et vaincre ce qui ne vaut pas la peine d'un combat n'a jamais chatouillé mon ambition.
J'aime mieux ma propre considération que quelques milliers de francs ; il ne me semble pas que cette bagatelle puisse être interdite, car elle ne fait tort qu'à moi-même.
Quand le ménage ne donne aucun bonheur, l'homme est très exposé à bifurquer.
Frapper le centre d'un objet, dégager l'essentiel de l'accessoire, simplifier, puis suivre, poursuivre cette pensée, en faire jaillir toutes ses conséquences, c'est l'invention. Le faire rapidement , c'est le génie.
Le penseur est au philosophe ce que le dilettante est à l'artiste. Il joue avec la pensée et lui fait produire une foule de jolies choses de détail, mais il s'inquiète des vérités plus que de la vérité, et l'essentiel de la pensée, sa conséquence, son unité, lui échappe.
Je suis bien toujours le même, l'être errant sans nécessité, l'exilé volontaire, l'éternel voyageur, l'homme sans repos, qui, chassé par une voix intérieure, ne construit, n'achète et ne laboure nulle part, mais passe, regarde, campe et s'en va.
La haine a beau être un meurtre ; le haineux n'y veut voir qu'une hygiène. C'est pour se faire du bien qu'il fait du mal, comme un chien enragé mord pour s'ôter la soif.
L'être libre qui s'abandonne lui-même se cède du même coup à Satan ; dans le monde moral il n'y a point de sol sans maître, et les terres vagues appartiennent au Malin.
J'ai la passion du suicide sans en avoir le courage. Je m'enferme avec le démon de l'hypocondrie et je m'amuse à le voir sucer mes moelles.
Qui n'espère point est à l'état chronique de démoralisation.