La seule chose que nous ne savons pas c'est d'ignorer ce que nous ne pouvons savoir, a dit Jean-Jacques Rousseau. Un célèbre écrivain et académicien français, Jean Dutourd, a écrit : Lorsque je me mets à ma table, ou m'installe devant mon bureau, je ne sais jamais une minute à l'avance ce que je vais inventer, écrire. Comme tout un chacun, je connais une quantité de choses, que j'ai observées, aperçues, lues, comprises, mais elles ne m'intéressent pas. A quoi bon répéter cela ? Ce qui m'intéresse, c'est ce que j'ignore, ce que nul ne soupçonne, pas même moi, et que je découvre en avançant dans mon ouvrage. Je m'ennuie très vite quand j'écris ; il me faut du nouveau à chaque ligne ; j’entends par là des vérités inattendues, que je n'ai pas cherchées, auxquelles je n'ai pas songé une seule fois dans ma vie, qui apparaissent soudain. Je travaille à la manière d'un explorateur qui marche dans une forêt vierge ; il n'y voit pas à un mètre devant lui, et ignore sur quelle fleur non recensée par les botanistes ou quel animal disparu depuis la préhistoire il va tomber. Il n'y a que cela qui me plaise. Un moraliste et écrivain français, Pierre-Jules Stahl, dans son recueil de pensées et citations diverses, a écrit : C'est en savoir beaucoup que de ne pas avoir honte d'ignorer bien des choses.
Parler de ce qu'on ignore, grossir les faits intérieurs ou extérieurs, ou inversement les tronquer, mutiler ou tordre, feindre de savoir ce qu'on ne sait pas, questionner sans désir d'apprendre, c'est toujours manquer de respect pour la vérité. La vanité conduit au mensonge, et le besoin d'occuper de soi est un travers qui mène tout droit à des fautes.
Sur bien des choses, mieux vaut s'ignorer soi-même. Certains, à se connaître mieux, deviendraient pires. Tel, voyant son champ ingrat au bon grain, prend l'idée de tirer parti des mauvaises herbes.