Dans ma vie j'ai toujours eu un extrême désir d'apprendre à distinguer le vrai d'avec le faux pour voir clair en mes actions et marcher avec assurance en cette vie.
Il y a des gens qui, pour paraître plus polis, sont si maniérés qu'ils déplaisent en cherchant trop à plaire.
Présomption : Opinion trop avantageuse de soi-même.
On doit porter secours à tous, personne ne doit être exclus.
La beauté fait mal à la tête, et la laideur au cœur.
La dissimulation ne doit aller que jusqu'au silence, il n'est pas permis d'y joindre le mensonge et la duplicité.
L'ami de son salut et de la sagesse est ami du silence.
Que de peines ne s'épargne-t-on pas en pardonnant ! Quelle foule de mouvements furieux dans l'âme de celui qui cherche à se venger ! Il en est agité nuit et jour, il ne goûte pas un moment de repos, si son ennemi est à l'abri de ses coups et se rit de ses vains efforts ; quel cruel désespoir !
La flatterie ordinairement fait des amis, la vérité des ennemis.
Qui jure souvent n'est souvent pas cru.
L'obéissance doit être la base de toute éducation, sans elle il est impossible de rien faire d'un enfant.
Ne vous bornez pas à cette politesse mondaine qui n'a de vues et n'emploie de moyens que pour flatter sa vanité et celle des autres, se faire une réputation d'homme poli, de galant homme, et se distinguer par-là de la foule et du vulgaire. On cherche, par des dehors aimables et polis, à se frayer un chemin à l'amitié et à la considération du beau monde, à s'insinuer dans l'estime et peut-être dans le cœur des dames, qui sont aisément éprises de l'extérieur et du brillant. On en fait un art, on s'en fait un point capital ; et comme si les belles manières, qui ne sont qu'un accessoire au mérite, devaient tenir lieu de tout mérite, on s'en occupe plus que de perfectionner les qualités du cœur, et de bien s'acquitter des devoirs de son état.
L'homme complaisant est celui qui s'applique à étudier le caractère, l'humeur, les inclinations des autres, et à y conformer les siennes. Il entre dans nos vues, dans nos goûts, et profite de la moindre occasion de nous faire plaisir. La complaisance est vertu ou vice par l'usage qu'on en fait.
L'affabilité, cette aimable qualité qui fait qu'un supérieur reçoit d'une manière gracieuse ceux qui s'adressent à lui, doit être surtout celle des grands de ce monde. Plus on est élevé par son rang ou par sa naissance au-dessus des autres, plus on doit avoir de douceur et d'affabilité.
Un ami aime à partager vos plaisirs ; il les sert ; mais il ne sert pas vos vices. Il ne s'ennuie point en vous désennuyant. Il ne blesse jamais votre amour-propre par une image trop vive de vos défauts, et il déploie néanmoins toute son adresse pour vous les faire connaître. Il vous aide de ses conseils avec zèle, mais avec prudence. Il ne vous contredit que quand il le doit : il prévient vos désirs dans tout ce qu'il peut : il étudie votre humeur, à laquelle il assujettit la sienne : Il ne cherche qu'à se rendre utile et agréable. Enfin toute sa conduite ne tend qu'à vous plaire, sans vue basse, sans motif vicieux. Voilà le modèle de la plus aimable et de la plus précieuse complaisance.
Comme le cœur ingrat a sa raison pour oublier les bienfaits, le cœur intéressé a aussi les siennes pour paraître s'en souvenir, et pour affecter du moins une reconnaissance qu'il n'a pas. La reconnaissance est une vertu fort estimée, et l'on regarde les ingrats avec horreur. Celui qui est vain, ou qui a quelque soin de sa réputation, n'a donc garde de manquer à paraître reconnaissant. Cela sert aussi admirablement aux vues de l'intérêt, parce qu'on attire par-là de nouveaux bienfaits.
Dans la plupart des hommes, la reconnaissance n'est souvent qu'extérieure ou passagère. Le sentiment vif que nous avons du bien, lorsque nous le recevons, fait toujours naître dans notre cœur une sorte de reconnaissance, mais elle s'efface peu-à-peu avec le souvenir du bienfait.
Ayez toujours pour une tête chauve et des cheveux blancs tous les égards qui leur sont dus, et que vous désirerez qu'on ait pour vous, si vous parvenez à cet âge.
Sans consulter l'attachement aux richesses, toujours ingénieux à éluder la loi de l'aumône, ni nos autres passions qui, ne connaissant point de bornes, n'auront jamais de superflu, consultons la raison et la religion qui, marchant toujours d'un pas égal entre le trop et le trop peu, sauront nous fournir les lumières nécessaires pour dissiper l'illusion que nous nous faisons à nous-mêmes. Elles appelleront superflu tout ce qu'on ne doit pas à l'entretien d'une maison sagement réglée, à l'éducation de ses enfants, aux bienséances véritables de sa condition. Elles appelleront superflu tout ce qui ne sert qu'à fournir à des parures dont rougit la modestie, ou à un luxe commandé par la vanité.
Le préjugé d'une mauvaise éducation, la fierté que l'abondance inspire, accoutument la plupart des riches à se considérer comme les despotes de ceux qui sont â leurs gages, et à les traiter à peine comme des hommes.
On demande quelquefois si c'est un bonheur d'être né sensible : il vaudrait autant demander si c'en est un d'être né homme. La sensibilité naturelle, il est vrai, si elle se porte vers des objets déréglés, si elle se change en amour-propre ou en folle amour, peut devenir pour les autres et pour nous-mêmes un grand mal et la source du malheur, mais elle peut aussi devenir un grand bien et contribuer à notre bonheur, si nous la rendons l'organe de l'amitié, de la reconnaissance, de la bienveillance, de l'humanité ; et c'est à quoi il faut particulièrement s'appliquer dans l'éducation, en élevant l'enfant de manière qu'il s'occupe plus des autres que de lui-même.
Parlez peu à vos serviteurs, et ne vous rendez pas trop familier avec eux, afin qu'ils vous craignent et qu'ils vous aiment comme leur maître.
L'autorité une fois perdue ne se retrouve jamais.
Si vous avez un serviteur attaché à son devoir, faites-en beaucoup de cas : qu'il vous soit aussi cher que votre vie, et traitez-le comme votre frère.
Ne prenez personne pour vous servir si vous n'avez pas de quoi l'occuper à tous les temps de la journée : une heure d'oisiveté jointe à une autre, sera bientôt assez longue pour donner au serviteur qui ne fait rien, la volonté de ne plus rien faire ; et pour vous apprendre que le maître qui nourrit un paresseux, est bien près de nourrir un traître et un ennemi.
Le travail assidu rend un serviteur humble et lui donne de l'inclination à son devoir. Procurez-lui toujours quelque occupation, et qu'il ne soit jamais à rien faire, car l'oisiveté enseigne beaucoup de malice.
Les femmes vertueuses et sages ne sont point si rares qu'on pense : la rareté et la difficulté sont de les bien connaître, et de les distinguer d'avec les autres. La femme vertueuse est un excellent partage, c'est celui de ceux qui craignent Dieu, et elle sera donnée à un homme pour ses bonnes actions. Qu'ils soient riches ou pauvres, ils auront le cœur content, et la joie sera en tout temps sur leur visage.
Il faut s'appliquer à se bien connaître l'un l'autre avant de s'épouser, et c'est ce qui est rare. On cherche à se tromper mutuellement, on se compose, on ne se montre que par le beau côté. On ne se connaît bien que lorsqu'il n'est plus temps de se connaître, et le bandeau de l'amour ne tombe que lorsqu'il serait le plus nécessaire.
Il faut de l'amour pour s'épouser, et beaucoup après avoir épousé. Ce n'est que pour les libertins et les hommes déraisonnables que le mariage devient le tombeau de l'amour. Vous jurez à la face du ciel et de la terre d'aimer toujours votre femme. C'est une promesse sérieuse à laquelle il est trop tard de penser lorsqu'on est sur le point d'en aller rendre compte au dieu vengeur du parjure.
Ne choisissez jamais pour épouse celle qui aura été gâtée par ses parents. Une fille à qui on aura laissé faire toutes ses volontés, fera presque toujours une femme très indocile, pleine de fantaisies et de caprices qui feront le supplice et le malheur de son mari.
On n'a jamais vu tant de mauvais mariages que depuis qu'on est devenu plus attentif à la dot qu'à l'honneur. Une société indissoluble n'a souvent pour tout lien que l'intérêt : mais l'ouvrage des passions ne saurait être durable, et elles désunissent bientôt ce qu'elles ont si mal lié. De-là tant de divorces scandaleux, et tant de grandes maisons qui périssent et s'éteignent par l'état même qui était destiné à les soutenir et à les perpétuer.
Les brutes prennent pour insultes, des manières ou des défauts d'attention, dont les vrais honnêtes gens ne s'aperçoivent pas, ou qu'ils méprisent. Ils se trouvent blessés d'un mot, d'un geste, d'un silence, dont ils imaginent être l'objet, quoique le plus souvent on n'ait point pensé à eux.
Si l'on doit honorer et assister ses parents durant leur vie, il ne faut pas non plus les oublier lorsqu'ils ont cessé de vivre. Faites-leur des obsèques selon votre rang et votre état, pour honorer leur mémoire, mais ne vous en tenez pas là. Les magnifiques funérailles sont pour les vivants, les prières seules soulagent les morts.
La politesse, ainsi que toutes les choses exquises, n'est pas commune, mais elle est nécessaire : unie à un bon caractère et quelque usage du monde, elle suffit pour acquérir cette honnêteté de manières qui fait considérer et rechercher.
On ne juge souvent les autres que d'après soi-même.
Si la méfiance est la mère de la sûreté, elle est aussi, quand elle est portée à l'excès, celle des soupçons et des doutes cruels, des noires inquiétudes, des peines dévorantes, des chagrins mal fondés avec lesquels le bonheur n'habita jamais.
La vraie prudence est de ne pas faire même soupçonner qu'on se défie.
À l'égard de l'amitié entre personnes de différents sexes, si elle est quelquefois plus agréable, elle est aussi plus dangereuse, surtout pour les femmes. Plusieurs d'elles, d'un excellent caractère et de beaucoup de mérite, ont été perdues par des hommes sous le prétexte de l'amitié. En supposant dans un homme la probité et l'honneur au plus haut degré, son amitié pour une femme tient de si près à l'amour, que, si elle a quelques charmes dans sa personne, elle aura bientôt pour amant celui qu'elle ne voulait avoir que pour ami.
Ce qui doit surtout nous faire rompre nos liaisons amicales, c'est lorsqu'elles peuvent nous devenir funestes ou dangereuses, lorsque la conscience ne permet point de les continuer. On doit être bon ami, mais on doit être encore plus ami de la vertu.
Il n'y a que les manquements trop atroces ou absolument opposés à l'amitié qui permettent légitimement de la rompre. L'homme qui reproche à son ami quelque déshonneur de sa famille, ou quelque service qu'il lui a rendu, qui lui témoigne du mépris et de la fierté, mérite de le perdre.
Ne rompez pas aisément avec vos amis. Il n'y a point d'ami qui ne puisse manquer à notre égard, mais il n'y a guère de manquements qu'on ne doive excuser. II faut se passer l'un à l'autre bien des choses, si l'on veut que l'amitié subsiste. Lorsqu'on a donné son amitié à quelqu'un, on s'est obligé non seulement à sentir ses peines, mais à souffrir ses fautes, et ce serait vouloir bien peu souffrir pour lui que de ne vouloir rien souffrir de lui.
C'est une chose assez rare de savoir manier la louange, et de la dispenser avec agrément et avec justice. L'orgueil grossier ne loue que soi-même, et on le méprise ; la vanité fine et délicate ne loue que pour avoir du retour, et l'on s'en aperçoit ; le misanthrope ne loue point, parce qu'il n'est content de personne, et personne n'est content de lui ; le louangeur se décrédite, et ne fait honneur ni à lui, ni aux autres, l'homme sage loue ce qui mérite d'être loué.
On ne doit reprendre et punir un enfant que le plus rarement qu'il est possible : ce qui est trop fréquent ne frappe plus. C'est de la fermeté qu'il faut, et non de la rigueur.
Que vos remontrances soient moins des leçons que des conseils ; qu'elles paraissent dictées par l'amitié et inspirées par l'intérêt que vous prenez à la personne qui en est le sujet. La raison peut éclairer, mais c'est le sentiment qui persuade ; et lorsque c'est le cœur qui parle, il est toujours sûr de toucher le cœur qui l'écoute. Il faut blâmer le vice sans irriter le vicieux.
Ce que la Sagesse vous recommande, si vous voulez dormir paisiblement, c'est d'éviter tout ce qui pourrait ouvrir les portes à l'insomnie : les inquiétudes de l'esprit, les mouvements tumultueux des passions, les excès de l'intempérance. C'est bien assez d'employer tout le jour à vos occupations et à vos affaires : donnez la nuit à votre repos et à votre tranquillité. Lorsque l'heure est venue de vous mettre au lit, faites en sorte que vos desseins, vos entreprises, vos espérances, vos peines même, s'il est possible, et vos tristesses s'endorment avec vous, et qu'il y ait un grand silence dans votre âme ainsi que dans votre maison.
Nul n'est plus méprisable que le pédant orgueilleux qui n'a jamais rien réussi.
S'il est beau aux petits de se souvenir de ce qu'ils doivent aux grands, il est encore plus beau à ceux-ci d'oublier quelquefois ce que les petits leurs doivent. Nous devons, il est vrai, honorer les grands, parce qu'ils sont grands et que nous sommes petits, comme il y en a d'autres plus petits qui nous honorent. Et d'ailleurs, le bon ordre a toujours imposé la subordination ; la subordination suppose de la supériorité, et la supériorité demande du respect et de la considération. Mais cette distinction et cette préférence, nécessaires dans la société, ce respect extérieur qu'on accorde aux places ou à la naissance, ne doivent pas augmenter la vanité, comme ils n'augmentent pas la mérite. Devenu plus grand, celui qui pense bien ne s'en croit ni plus grand, ni meilleur qu'il n'était. Les respects et les hommages des autres hommes ne s'enorgueillissent point, parce qu'il sait que c'est à la place qu'ils s'adressent, bien plus qu'à la personne.
Il est bien plus honorable de laisser de beaux exemples à ses descendants, que d'en recevoir de ses ancêtres et de les imiter si mal, comme il n'arrive que trop souvent : car il est rare que le mérite des grands hommes passe à leurs enfants, et que leurs successeurs soutiennent dignement toute la gloire dont ils ont hérité.
Si la noblesse est vertu, elle se perd par tout ce qui n'est pas vertueux ; et si elle n'est pas vertu, c'est peu de chose. Si vous n'êtes pas noble, méritez de l'être. Soyez honnête homme, généreux, ami du vrai, inviolable dans vos paroles, maître de vos passions ; on ne regardera point, pour vous donner son estime, si vous êtes gentilhomme.
Combien de nobles portent sur leur front l'orgueil de leur origine, qui devraient cent fois en rougir ! Quelle honte de voir un gentilhomme sans probité ou sans honneur, qui insulte tout le monde, est le tyran de ses vassaux, usurpe le bien d'autrui, manque de parole, s'abandonne à la crapule ou à la débauche, est parasite effronté, ou vil complice des passions des riches ! De tels gentilshommes ont raison de crier à tout le monde qu'ils le sont. Eh ! qui sans cela aurait pu le soupçonner ? Mais moi j'élève la voix à mon tour, et je leur crie : Changez de mœurs, ou changez de nom : un magnifique piédestal n'est pas fait pour une figure difforme.
Ne confiez jamais, sans une grande nécessité, des secrets de conséquence à des tierces personnes, surtout à des femmes, qui, aisées à séduire, peu capables de se taire, faciles à se mécontenter, découvrent toujours tôt ou tard ce qu'on a intérêt de cacher.
La véritable finesse n'est autre chose qu'une prudence bien réglée, qui fait qu'on est sincère sans être simple, et pénétrant sans être trompeur.
L'homme sage se gardera bien surtout de confier son secret à trois sortes de personnes : à un babillard, à un enfant, à une femme. Rarement la confidence reste dans ces sortes de mains, mais jamais elle n'y demeure, quand elle est sollicitée par une suite d'instances pressantes.
Aussi équitable, aussi indulgent qu'il est juste et judicieux, le bon esprit aime à ne penser mal de personne. Il prend bien tout ce qu'il voit et tout ce qu'il entend. Ce n'est pas qu'il approuve le mal : il condamne ce qui est mauvais, mais il ne le croit pas aisément. Il donne un tour favorable à tout ce qui en est susceptible, et il justifie tout ce qui peut être justifié. Il aime mieux se tromper en pensant trop bien qu'en pensant trop mal des autres hommes.
Le salut est le vrai bonheur d'un chrétien, il n'y en a pas d'autre.
On appelle bravoure, courage, honneur, ce qui n'est souvent qu'orgueil, faiblesse, lâcheté même.
Incapable de faire tort à qui que ce soit, l'homme d'honneur rougirait de s'enrichir par des gains sordides, de sacrifier sa conscience à sa fortune.
Lorsque vous faites l'aumône, faites-la promptement et de bon cœur. La faire à regret, pour se délivrer de l'importunité, c'est vouloir en perdre tout le mérite.
Nourrir les mendiants c'est contribuer à multiplier les gueux et les vagabonds qui se plaisent à ce lâche métier, et qui se rendent à charge à la société, la privant encore du travail qu'ils y pourraient faire.
Les seuls éloges dont les riches et les grands soient en droit de ne pas se défier, ce sont les éloges qu'ils obtiennent de la reconnaissance ; toute autre louange peut s'adresser à leur fortune, celle-là ne s'adresse qu'à leur personne.
Si l'on écoutait tous les accusés, il n'y aurait jamais de coupables.
Les plus prompts à décider sont presque toujours ceux qui ne devraient jamais décider.
Tachons de faire mieux que ceux qui font bien, c'est la plus belle et plus glorieuse vengeance que nous puissions exercer contre ceux qui pourraient être l'objet de notre jalousie.
Il ne faut pas être moins prudent à se rendre caution qu'à prêter.
Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît ; faites-leur ce que vous voudriez raisonnablement qui vous fût fait à vous-même. Aimez Dieu, aimez vos semblables, aimez davantage ceux qui ont plus de droit à votre amour, tels que tous vos bienfaiteurs, et surtout vos parents.
Si vous avez le malheur d'avoir une méchante femme qui vous afflige par sa mauvaise humeur ou par ses désordres, gardez-vous bien de vous en plaindre publiquement. C'est un mal honteux qu'à peine faut-il découvrir aux médecins. Que la femme soit libertine, qu'elle soit violente, le mari se fait tort dès qu'il en parle et qu'il l'accuse. Le déshonneur de la femme est la honte du mari. Il n'est pas moins de son intérêt de tenir le mal secret que de le guérir. Le point est d'y remédier efficacement, et d'empêcher pourtant, que le malade ne crie : il faut pour cela beaucoup de force et de prudence. Ne faites des remontrances que quand la réflexion est de retour, pour n'avoir pas à combattre le sort du caprice. On est rarement en état d'entendre la voix de la raison dans la fougue des emportements, et la femme encore moins que l'homme.
Celui qui répand le sang, et celui qui prive l'homme du fruit de son travail, sont frères. C'est un de ces péchés qui crient vengeance au ciel, et que la justice divine laisse rarement impunis dès cette vie même.
Il n'est pas inutile de se trouver quelquefois avec des gens impolis, pour apprendre à les souffrir poliment et à ne pas leur ressembler. Plus leurs fautes seront grossières, plus elles déplairont, et plus on rougirait d'être comme eux.
Le mérite le plus essentiel d'un homme auprès des femmes sages et honnêtes, c'est une grande politesse ; très peu de femmes seraient capables de choisir pour ami un homme à qui rien ne manquerait du côté de l'esprit et du cœur, mais qui n'aurait pas ces dehors agréables, ces manières nobles, aisées, qu'on appelle l'air du monde et le savoir-vivre.
La flatterie est toujours un vice ; et la véritable politesse, ainsi que la parfaite droiture, rougirait de s'en servir. C'est essentiellement une louange fausse, au lieu qu'on peut flatter par des louanges véritables ; et il est souvent même à propos de le faire, pour mieux s'insinuer et pour mieux persuader quelques avis salutaires, ou faire recevoir une correction utile. Mais si l'on ne peut plaire qu'en employant le déguisement et le mensonge, il faut sacrifier la politesse à la vérité.
Mieux vaut demeurer avec un lion ou avec un dragon que vivre avec une femme méchante.
La douceur fait les délices de la société, et les charmes de la conversation.
De toutes les bonnes qualités, il n'en est peut-être point qui demande plus de discernement que la complaisance. Faites trop peu, vous tombez dans la rudesse ; faites trop, vous devenez rampant et servile. Le milieu est délicat ; mais aussi la vraie complaisance est une vertu bien estimable. Il faut avoir le cœur bien fait, pour aimer à faire plaisir : il faut beaucoup d'esprit pour se plier décemment à celui des autres ; il faut bien de la patience pour supporter les humeurs, les défauts, et quelquefois les caprices, sans en être rebuté ; il faut bien de la fermeté pour ne jamais rien accorder de ce que défend le devoir. C'est ce qui fait qu'il y a si peu de vrais complaisants. Au lieu de plier, dans tout ce qui est permis, ses goûts et ses idées à celles des autres, chacun au contraire veut dominer, se faire écouter, l'emporter.
Promettez ce que vous pouvez à votre ami, mais ne vous mettez pas en peine de rien tenir.
L'homme qui a des sentiments, regarde le déguisement, la fourberie, comme une tache honteuse et flétrissante ; et il aimerait mieux périr que de se procurer les plus grands avantages par une trompeuse dissimulation.
L'honnête homme ne méprise pas seulement le mensonge, mais il le hait, il le déteste. Ne craignez jamais de dire la vérité, et abhorrez le mensonge plus que la mort.
La vie des menteurs est une vie sans honneur, leur confusion les accompagne sans cesse.
La plus légère désobéissance d'un enfant doit être punie. Pliez sa volonté dans toutes les occasions, et accoutumez-le même doucement à être refusé, à être privé des choses pour lesquelles il a témoigné trop d'ardeur, afin qu'il apprenne à modérer ses désirs : cela est d'une grande conséquence pour la suite.
Il faut pétrir le pain des enfants avec le levain de la raison, et les accoutumer à la sentir et à la goûter.
On ne saurait aimer trop tôt ce qu'on doit aimer toute sa vie.
C'est être bien sage que de parler peu, mais c'est l'être encore plus que de bien penser à ce qu'on doit dire. Combien de gens ne pensent qu'après avoir parlé ! mais la parole est partie, et la réflexion vient trop tard. Ne dites jamais rien, s'il est possible, que vous n'y ayez pensé auparavant.
On fuit un babillard comme on fuit la peste ; on se détourne pour ne pas le rencontrer, quand on a pu l'apercevoir de loin ; on le quitte avec joie le plus tôt qu'on peut, et le plaisir de se débarrasser de lui, est égal à celui à un homme qui se décharge du plus pesant fardeau !
On fait mourir ses ennemis en les rendant ses amis.
Il est au pouvoir des hommes de se faire aimer ou haïr.
Celui qui voudra se venger sentira la vengeance du Seigneur, et Dieu n'oubliera jamais ses péchés. L'homme garde sa colère contre un homme, et il ose demander à Dieu qu'il le guérisse ! Il n'a pas de compassion pour un homme semblable à lui, et il demande à Dieu miséricorde !
Rien n'est plus glorieux que de pouvoir perdre un ennemi, et de lui faire grâce. Plus on est élevé, plus on doit pardonner facilement. Les grands doivent avoir de grands sentiments : ils s'avilissent, si leur façon de penser ne répond pas à leur rang.
Ce n'est point par grandeur d'âme ni par honneur qu'on se venge, c'est par lâcheté et par faiblesse, c'est parce qu'on n'a pas le courage et la force de s'élever au-dessus du respect humain, de réprimer les mouvements impétueux qui au-dedans de nous-mêmes nous sollicitent à la vengeance.
Une âme généreuse ne se venge point. Ce n'est pas une marque de lâcheté et de faiblesse, comme on le croit communément, de ne point tirer vengeance de ceux qui nous ont offensés ; c'est, au contraire, la preuve du plus grand courage. Se vaincre soi-même, et surmonter le désir de la vengeance, ce désir qu'il paraît si naturel et si doux de satisfaire, c'est la plus belle de toutes les victoires : plus on conviendra qu'elle est difficile, plus on sera forcé d'avouer qu'elle est glorieuse.
Il y a bien peu de charité à profiter de la nécessité et de la misère pour faire ce qu'on appelle de bons marchés. De pareils gains paraîtront toujours vils, et, si l'on achète beaucoup au-dessous du plus bas prix, injustes même aux yeux de l'honnête homme.
C'est une erreur assez commune que de croire qu'on peut vendre ou acheter à tout prix, et profiter de l'ignorance ou du besoin de celui qui vend où qui achète. Mais c'est, en trompant les autres, se tromper soi-même. Si la valeur certaine de la chose que vous voulez vendre ne vous est pas connue, vous devez vous en rapporter à des connaisseurs.
Il y a plus de noblesse et de vraie grandeur d'âme à pardonner qu'à se venger.
Une belle âme ne craint point de se montrer, sûre qu'on aura pour elle d'autant plus d'amour et de respect, qu'on y verra plus de droiture et de franchise.
Celui qui a de l'élévation dans l'âme ne craint point de reconnaitre ses fautes.
La candeur est la marque d'une belle âme qui se montre telle qu'elle est ; la franchise est celle d'une âme noble, qui aime la vérité, et qui ne craint pas de se déclarer pour elle : l'une et l'autre sont l'expression et l'effusion de la droiture du cœur.
L'homme droit et honnête ne suit ni les voies obliques, ni les sentiers couverts, ni les routes ténébreuses et écartées.
Celui qui médite de noirs desseins, cherche les chemins détournés, et ne marche qu'à la faveur des ténèbres. Celui qui ne pense qu'à bien faire, suit les grandes routes, et marche à la clarté du soleil.
Le peuple appelle gens d'esprit ceux qui sont fins, mais il vaudrait encore mieux être stupide et passer pour tel, que d'être fin et trompeur. La finesse est l'occasion prochaine de la fourberie, et de l'une à l'autre le pas est glissant.
Si vous voulez être apprécié des autres, bannissez de chez vous l'artifice, la ruse et les détours.
L'homme qui cherche à surprendre est souvent pris dans ses propres pièges.
Faites-vous une gloire de passer pour homme droit, et de l'être.
Bien des personnes n'ont contre elles que leur langue.
On fait bien des sottises quand on est jeune, et qu'on ne prend conseil que de soi-même.