J'aime encore mieux ceux qui rendent le vice aimable que ceux qui dégradent la vertu.
Je n'ai jamais appris à parler mal, à injurier et à maudire. J'imite la colombe : souvent je jette un brin d'herbe à la fourmi qui se noie. Quand je ramasse des coquillages et que j'y trouve des perles, j'extrais les perles et je jette les coquillages.
Je ne veux ni d'un esprit sans lumière, ni d'un esprit sans bandeau. Il faut savoir bravement s'aveugler pour le bonheur de la vie.
J'ai la tête fort aimante et le cœur têtu. Tout ce que j'admire m'est cher, et tout ce qui m'est cher ne peut me devenir indifférent.
J'ai besoin que les regards de la faveur luisent sur moi. C'est de moi qu'il est vrai de dire : « Qui plaît est roi, qui ne plait plus n'est rien. » Je vais où l'on me désire pour le moins aussi volontiers qu'où je me plais.
J'ai donné mes fleurs et mon fruit : je ne suis plus qu'un tronc retentissant, mais quiconque s'assied à mon ombre et m'entend devient plus sage.
Le prie-Dieu est un meuble indispensable au bon ordre ; où il n'est pas, il n'y a point de pénates, point de respect.
Sans le devoir la vie est morte et désolée, elle ne peut plus se tenir.
Il faut porter son velours en dedans, c'est-à-dire, montrer son amabilité de préférence à ceux avec qui l'on vit chez soi.
L'estime de Dieu, si l'on peut s'exprimer ainsi, est plus facile à obtenir que l'estime des hommes, parce que Dieu nous tient compte de nos efforts.
Ayons le cœur haut, et l'esprit modeste.
Soyons hommes avec les hommes, et toujours enfants devant Dieu ; car nous ne sommes, en effet, que des enfants à ses yeux. La vieillesse même, devant l'éternité, n'est que le premier instant d'un matin.
La piété est une espèce de pudeur. Elle nous fait baisser la pensée, comme la pudeur nous fait baisser les yeux, devant tout ce qui est défendu.
Il faut craindre de se tromper en poésie, quand on ne pense pas comme les poètes ; et en religion, quand on ne pense pas comme les saints.
La dévotion embellit l'âme, surtout l'âme des jeunes gens.
Rien ne rapetisse l'homme comme les petits plaisirs.
L'âme est royale par son empire sur les sens, elle est belle par sa lumière et par sa paix.
Quand mes amis sont borgnes, je les regarde de profil.
J'imite la colombe, souvent je jette un brin d'herbe à la fourmi qui se noie.
Parler à Dieu de ses souhaits, de ses affaires, cela est-il permis ? On peut dire que ceux qui s'en abstiennent par respect, et ceux qui le pratiquent par confiance et simplicité, font bien.
Il faut faire le bien par le bien, et le vouloir dans les moyens et dans la fin, dans les expédients et dans le but. Un bien qu'on a fait par le mal est un bien altéré, empoisonné, et qui produira le mal dont on a mis en lui le germe, c'est une eau que les canaux ont corrompue.
Il faut se pourvoir d'ancres et de lest, c'est-à-dire d'opinions fixes et constantes, garder son lest et rester sur ses ancres sans dériver. Laissez d'ailleurs flotter les banderoles, et laissez les voiles s'enfler, le mât seul doit demeurer inébranlable.
Il faut aimer la religion comme une espèce de patrie et de nourrice : c'est elle qui a allaité nos vertus, qui nous a montré le ciel, et qui nous a appris à marcher dans les sentiers de nos devoirs.
Le ciel est pour ceux qui y pensent.
Il faut être caillou dans le torrent, garder ses veines et rouler sans être dissous, ni dissolvant.
Tout s'apprend, même la vertu.
La nécessité peut rendre innocente une action douteuse, mais elle ne saurait la rendre louable.
La sagesse humaine éloigne les maux de la vie ; la sagesse divine fait seule trouver les vrais biens.
Le bon sens s'accommode au monde ; la sagesse tâche d'être conforme au ciel.
Consulte les anciens, écoute les vieillards.
La raison peut nous avertir de ce qu'il faut éviter ; le cœur seul dit ce qu'il faut faire.
La religion est un feu que l'exemple entretient, et qui s'éteint, s'il n'est communiqué.
L'incertitude des idées rend le cœur irrésolu.
Il y a des erreurs invincibles qu'il ne faut jamais attaquer.
Tout talent a pour cause, pour principe et pour essence la capacité d'être plus ou moins attentif.
Le remords sanctifie le vice.
En France, il semble qu'on aime les arts pour en juger bien plus que pour en jouir.
Il semble que les peuples aiment les périls, et que lorsqu'ils en manquent, ils s'en créent.
En politique, il faut toujours laisser un os à ronger aux frondeurs.
Un boucher ayant besoin d'un avocat se rend au palais, et y fait choix du plus gras !
Quiconque n'a aucune opinion fixe, n'a pas de sentiments constants.
Demander la nature humaine incorruptible, c'est demander du vent qui n'ait point de mobilité.
Les coutumes font les mœurs publiques, et les habitudes les mœurs individuelles.
Le plaisir que les hommes goûtent à se sentir instruire, suffirait à leur bonheur ; en être cause devrait aussi suffire a notre ambition ; mais nous ne nous contentons pas d'être utiles : nous voulons éblouir !
La simplicité n'a jamais corrompu le goût.
Rien ne corrige un esprit mal fait : triste et fâcheuse vérité, qu'on apprend après bien des soins perdus !
La direction de notre esprit est plus importante que son progrès.
Tout ce qui n'a aucun danger n'est digne d'aucune attaque.
La critique est un exercice méthodique du discernement.
Ce qui est ingénieux est bien près d'être vrai.
La civilité est une partie de l'honnête.
La gravité n'est que l'écorce de la sagesse, mais elle la conserve.
Les poètes sont enfants avec beaucoup de grandeur d'âme, et avec une céleste intelligence.
Faites de l'amour des parents un sentiment et un précepte, mais n'en faites jamais une thèse, une simple démonstration.
On sent Dieu avec l'âme comme on sent l'air avec le corps.
Point de liberté, si une volonté forte et puissante n'assure l'ordre convenu.
L'ordre est à l'arrangement ce que l'âme est au corps, ce que l'esprit est à la matière.
La sagesse est la force des faibles.
Ceux qui ne se rétractent jamais s'aiment plus que la vérité.
La malhomie, opposée à la bonhomie.
Qu'est-ce que définir ? C'est décrire, c'est dessiner avec des mots ce que l'esprit seul aperçoit ; c'est donner des extrémités à ce qui n'en a pas pour l'œil ; c'est peindre ce qu'on ne peut voir ; c'est circonscrire en un espace qui n'a pas de réalité un objet qui n'a pas de corps. Et qu'est-ce que bien définir ? C'est représenter nettement l'idée que tous les esprits se font en eux et malgré eux de l'objet dont on veut parler, quand ils y pensent au hasard.
Le bon goût est nécessaire à la moitié de la morale, car il règle les bienséances.
L'illusion et la sagesse réunies sont le charme de la vie et de l'art.
La crédulité est l'indice d'un bon naturel.
Braver toujours les bienséances est d'une âme abjecte ou corrompue ; en être esclave dans toutes les occasions est d'une âme petite. Le devoir et les bienséances ne sont pas toujours d'accord.
La religion défend de croire au delà de ce qu'elle enseigne.
La religion n'est ni une théologie, ni une théosophie ; elle est plus que tout cela : Une discipline, une loi, un joug, un indissoluble engagement.
La religion est la poésie du cœur ; elle a des enchantements utiles à nos mœurs, elle nous donne et le bonheur et la vertu.
L'incrédulité n'est qu'une manière d'être de l'esprit, mais l'impiété est un véritable vice du cœur. Il entre dans ce sentiment de l'horreur pour ce qui est divin, du dédain pour les hommes, et du mépris pour l'aimable simplicité.
L'aménité, le bon accueil sont un billet d'invitation qui circule toute l'année.
Dieu n'a pas seulement mis dans l'homme l'amour de soi, mais aussi l'amour des autres. Le pourquoi de la plupart de nos qualités, c'est qu'on est bon, c'est qu'on est homme, c'est qu'on est l'ouvrage de Dieu.
La vieillesse est amie de l'ordre, par cela même qu'elle est amie du repos. Elle aime l'arrangement au tour d'elle, comme un moyen de commodité, comme épargnant la peine, et facilitant les souvenirs.
Les vieillards robustes ont seuls la dignité de la vieillesse, et il ne sied qu'à eux de parler de leur âge. La vieillesse est en eux dans sa beauté, on l'y aime. Les délicats doivent faire oublier la leur, et l'oublier eux-mêmes ; il ne leur est permis de parler que de leur débilité.
La sagesse philosophique des jeunes gens est toujours folle par quelque point. Comment, dans les troubles de l'âge, garderait-on l'équilibre de la raison ? Comment aurait-on une raison droite, quand le cœur a tant de penchants, et le sang tant de turbulence et de fougue ?
La jeunesse aime toutes les sortes d'imitations, mais l'âge mûr les veut choisies, et la vieillesse n'en veut plus que de belles.
Abus et danger d'appliquer le jugement où il faut appliquer le goût et le goût où il faut appliquer le jugement.
Il n'y a d'heureux que les bons, les sages et les saints, mais les saints le sont plus que tous les autres, tant la nature humaine est faite pour la sainteté.
L'amour-propre satisfait est toujours tendre ; l'orgueil lui-même a ses tendresses.
Rien ne fait autant d'honneur à une femme que sa patience, et rien ne lui en fait aussi peu que la patience de son mari.
La peur tient à l'imagination, la lâcheté au caractère.
Il faut mourir aimable, si on le peut.