Faire l'amour, c'est si souvent une caricature du bonheur. Le bonheur est beaucoup plus grand, beaucoup plus profond, et beaucoup plus simple. Et parce qu'il est simple, il ne s'analyse ni ne se décrit. On ne raconte pas le bonheur, mais il y a des moments où il fond sur nous, sans raison apparente, au plus fort d'une maladie ou pendant une promenade à travers des prés, ou dans une chambre obscure où l'on s'ennuie ; on se sent tout à coup absurdement heureux, heureux à en mourir, c'est-à-dire si heureux qu'on voudrait mourir, afin de prolonger à l'infini cette minute extraordinaire.
Il arrive que les deux tiers du jour ressemblent si visiblement à du cauchemar qu'un bon tiers des vingt-quatre heures exige de la nature un sérieux plongeon dans l'alibi du sommeil.
Je nie que l'amour soit une passion forte. La peur, voilà la passion forte ! C'est avec la peur qu'il faut badiner si l'on veut goûter la joie de vivre dans ce qu'elle a de plus intense.
La Révolution a fait s'asseoir la Raison sur le maître autel de Notre-Dame de Paris. La Raison est restée ce qu'elle est depuis toujours, mais l'autel en a souffert.
Je sens une difficulté d'être, comme quelqu'un qui voit le monde s'abîmer sous ses yeux, alors qu'il le garde intact dans son cœur.
Profonde la solitude qui couve l'enfance sous l'aile du chagrin, lui faisant entrevoir par moments la solitude finale qui la guette et l'attend aux portes de la mort.
Le souvenir d'une grâce ancienne est quelquefois une nouvelle grâce.
Je l'aime si profondément que mon amour semble devenu une condition de ma vie. Mon cœur se fend quand il me parle. Je suis prêt à tout croire, et tout faire, s'il me le demande.
L'amour des forêts, de la solitude dans une forêt, il me semble que je l'ai porté en moi depuis ma plus petite enfance. D'aussi loin que je puisse me souvenir j'ai aimé la présence des arbres et le bruit du vent dans le feuillage. Ce n'est ni au bord de la mer, ni dans la montagne que j'ai vraiment connu la paix, mais dans les bois.
On ne raconte pas le bonheur, on ne raconte pas l'amour.
L'amour de Dieu est intolérant, l'amour de Dieu ne souffre pas de partage, l'amour de Dieu demande plus, toujours plus à mesure qu'il reçoit. On lui sacrifie ses biens, ce n'est pas assez ; sa famille, ce n'est pas assez ; sa patrie, ce n'est pas assez ; il veut tout, jusqu'à cette pauvre vie humaine qui palpite dans notre cœur. Bienheureux ceux que dévore cet amour insatiable.
Aux déclarations d'amour succèdent des protestations d'amour.
Une once de construction vaut mieux qu'une tonne de destruction.
Je parle assez peu de religion, ce sujet finissant toujours par me bouleverser. Il y a en moi un fanatique mal assoupi qu'il vaut mieux ne pas réveiller.
La vie humaine ne vaut rien si elle n'est pas le signe d'une activité quelconque, si elle n'a pas cette excuse.
Il y a des jours où ce qui est exprimable me paraît si loin de l'essentiel que je me demande si cela vaut la peine d'écrire. Les mots qu'il faut mettre en rang comme de vieux chiens savants, fatigués des tours qu'on exige de leur bonne volonté.
L'illusion de l'activité vaut mieux que l'immobile et négatif supplice d'être. D'être quoi ? D'être rien, de ne pas être.
Mieux vaut se retirer dans la solitude que de se mêler à des gens épris de violence.
La vie est un roman qui a besoin d'être récrit.
Quel homme a jamais pu être sûr de ce qui se passe derrière son dos ?
Seule la monotonie d'un mal le rend vraiment insupportable.
La piété que n'accompagne pas une vive affection ressemble à une forme ennoblie du mensonge.
Dommage qu'on ne connaisse ses parents que lorsqu'ils commencent à vieillir, à perdre ce qui faisait d'eux des êtres humains.
Le seul fait de vivre est oppressant et l'on ne s'y habitue, sans doute, qu'en accomplissant des besognes imbéciles.
Rien ne ressemble plus à des vies ratées que certaines réussites.
Un livre est une fenêtre par laquelle on s'évade.
Dieu n'ayant pu faire de nous des humbles fait de nous des humiliés !
L'âme humaine est comme un gouffre qui attire Dieu, et Dieu s'y jette.
L'oubli est une grâce, ni plus ni moins.
Il y a autant de générosité à recevoir qu'à donner.
On ne peut pas écrire quand on a la crainte perpétuelle de pécher en écrivant.
Le plaisir tue en nous quelque chose.
Le grand péché du monde moderne, c'est le refus de l'invisible.
La sincérité est un don comme un autre : n'est pas sincère qui veut.