Le pouvoir il arrive souvent qu'il outrepasse ses droits ou empiète sur les droits d'autrui.
L'amour exige, pour durer, bien des ménagements délicats ; rien de plus frêle que cette fleur de printemps, elle n'aime que l'haleine du zéphyr et les rayons d'un soleil doux ; elle s'étiole et périt au contact d'un souffle trop brûlant, au choc de mouvements trop brusques. Mais soumise à une culture bienfaisante et modérée, elle conservera longtemps son parfum et sa fraîcheur.
L'éloquence comme la poésie doit jaillir de la passion, être spontanée, libre, ardente ; c'est une corde sonore dont la vibration répond à la vigueur du doigt qui la touche.
L'amour d'une mère efface bien des pleurs.
Il est des hommes dont une vie active et laborieuse, loin d'avoir usé le tempérament, l'ont endurci et imprégné de plus de vigueur ; en sorte que chez eux la vieillesse continue l'âge mûr ; leur visage offre plus de gravité dans les traits, et leurs paroles ont un cachet d'expérience qui les fait mieux écouter ; c'est comme une lumière du passé qui vient reluire dans le présent.
La guerre est le recours aux armes pour vider un différend, c'est un sanglant démêlé où le courage, la tactique, et souvent le nombre fait triompher un intérêt de parti ou de nationalité ; meurtres et pillages à ciel découvert, où le plus de morts et de ruines parmi les uns rapportent aux autres plus de salut, de gloire et de joie.
La gloire des bienfaiteurs de l'humanité est pour la postérité un phare éternel et vivifiant ; car l'exemple en demeure comme une émulation toujours présente, comme une voie tracée à jamais pour pousser les hommes à bien faire.
La parole est le corps de la pensée ; l'éloquence en est la vie.
La plus belle partie de la vie se composant de relations, d'épanchements, de bienveillance, c'est renoncer aux plus grands avantages de la société que s'isoler dans le moi humain.
Le doute s'empare du monde, le Dieu éternel vacille au fond des cœurs ; mais le tressaillement du scepticisme ne reste pas sans fruit : tout s'agite ; la philosophie, les révolutions politiques entrouvrent ensemble l'avenir ; et nous, qui paraissons un moment au milieu de ce spectacle, nous attendons l'éclair qui doit tout éblouir, et ramener la paix que le monde a perdue.
La vie est faite de plaisir et de peine, de joie et de douleur, et la plus heureuse est celle où l'alternative n'est point rompue par une trop longue permanence des mêmes émotions ; nul ne pourrait demeurer tout le jour assis à un banquet, et nul n'a de pleurs une source intarissable.
La douleur a ses hypocrites comme la joie ; il en est qui appellent sur eux la pitié et les condoléances, comme d'autres appelleraient les félicitations ; c'est toujours l'amour-propre ou l'intérêt mis en jeu.
Si l'on pouvait marquer le front du coupable d'un stigmate qui, parlant sans cesse et partout de son crime, le montrerait éternellement escorté d'opprobre, la peine serait à la fois plus efficace et plus exemplaire.
L'homme courageux ne s'arrête pas à mesurer la distance, ni à compter les obstacles ; il les aborde de front, muni des armes prudentes qui lui en aplaniront la sortie. Une résolution pleine de fermeté est le bouclier le plus impénétrable et le glaive le mieux trempé dont les soldats puissent armer leur courage.
Combien d'hommes sont réputés courageux parce qu'ils bravent la mort par dégoût de la vie ! Or, il y a bien plus de courage à savoir vivre avec ses peines qu'à s'exposer à mourir sans aucun profit pour la société.
Le crime suit le coupable comme son ombre, et lui fait moins grâce, lui accorde moins de répit que la justice humaine.
La meilleure récompense de la bonté se trouve dans une satisfaction intérieure, qui, jointe à l'estime du monde, nous paye suffisamment des risques que nous courons ou des biens dont nous faisons le sacrifice.
Il y a quelques hommes d'une vertu rare, bienfaisants par goût, qui, ayant en partage la fortune et la puissance, font disparaître la distance qui les sépare des pauvres, se mettent à la portée de leurs besoins, au niveau de leur position, et les soulagent en épanchant sur eux le cœur avec la main.
L'étalage d'un bienfait en ravit tout le mérite ; il dispense de la reconnaissance, car il paye son auteur en devenant pour lui un moyen d'ostentation, et il serait mal venu s'il se plaignait de l'ingratitude de son obligé.
La charité est la seule vertu dont l'excès ne peut nuire ; il y a sans doute des personnes qui prodiguent sans choix ni discernement d'abondantes aumônes, mais comme ces pluies bienfaisantes qui arrosent en même temps les sables arides et une terre végétale, elles produisent toujours quelque chose de bon.
Il est bon de rêver longtemps, car les avantages dont la perspective lointaine nous sourit comme un mirage de bonheur, vus de près et touchés du doigt, peuvent faire fuir l'illusion et irriter le désir : Le bonheur le plus ardemment désiré, dit Pierre Leroux, quand il est obtenu, effraye l'âme de son insuffisance. Notre cœur est semblable au tonneau des Danaïdes que rien ne pouvait remplir.
S'il est des jours nébuleux, il en est de calmes et de souriants ; et quel homme si misérable n'a vu parfois des éclairs de bonheur luire dans les ombres de sa tristesse ?
Quelquefois le souvenir d'un bonheur passé équivaut à un bien présent ; on renaît, en esprit, à ces heures délicieuses d'amour ou de succès, où l'on savourait la vie dans sa plénitude.
Nous croyons souvent, en prenant les chemins les plus détournés, aboutir à de plus grands avantages, tandis qu'à notre droite et à notre gauche sont des ombrages frais, des fruits vermeils et savoureux, nous invitant à une douce halte ; mais les biens de facile acquisition, qui se trouvent, en quelque sorte, au bout de la main, répugnent à notre activité ou à notre orgueil ; nous aimons à nous agiter pour les choses lointaines parce qu'elles ont plus d'attrait ou parce qu'un plus grand éclat en suivra la conquête.
Ni trop, ni trop peu, c'est la mesure de bonheur le plus humainement accessible pour conjurer toute déception ; puis, le bon emploi des biens qu'on a légitimement acquis et la ferme volonté de ne point porter ses désirs au-delà.
La beauté de la femme n'est pas un vain assemblage de traits suaves et de contours gracieux ; c'est le miroir d'une belle âme, elle n'est beauté qu'à ce titre : Voulez-vous être belles, parfaitement belles, avant tout soyez bonnes ; l'âme se réfléchit plus qu'on ne croit sur le visage. Jamais, soyez-en sûres, une méchante femme n'est parfaitement belle : il y a je ne sais quelle dissonance entre la grâce des formes et la disgrâce de l'expression qui fait plus de peine à voir que la laideur même.
Pour ceux qu'agitent de grandes pensées, que remuent de vastes projets, le présent est un désert qu'ils ont hâte de traverser afin de toucher à cet avenir que le lointain et le mystère rendent plus attrayant ; et si des nuées d'orage s'avancent noires sur un côté de l'horizon, ils en détournent les yeux pour regarder le côté pur du ciel : Le cœur de l'homme est inépuisable en ressources pour se déguiser un sinistre avenir.
Beaucoup de mariages couvent dans leur principe même un germe de dissolution ; combien, noués avec des liens dorés, se brisent comme le métal ! combien, formés sans connaissance réciproque des goûts, des habitudes de chacun, ont mêlé ensemble des caractères antipathiques, des mœurs opposées dont le contact forcé a fait jaillir les plus grandes douleurs !
L'amour est une sorte d'hommage réciproque que se rendent les deux sexes, l'un à la beauté, à la candeur, à la vertu ; l'autre à la force, à la puissance, à l'autorité : l'homme s'attache à la femme comme à une influence morale irrésistible, la femme s'attache à l'homme comme à une protection toujours assurée, et tous deux croient voir l'idéal du bien et du beau dont ils ont le sentiment, dans la personne aimée.
La voix du sang parle bien haut, elle nous rappelle les joies de la maison paternelle ; on aime toujours à s'en entretenir ; et ces épanchements fortifient de temps à autre l'amour fraternel, et resserrent les liens de la famille : souvent les fils de nos frères sont comme nos propres fils, bien souvent encore la dernière main consolatrice qui vient essuyer nos larmes est la main d'une sœur.
Une mère c'est l'ange gardien vigilant qui plane doux et bienfaisant sur l'enfance, chasse aux alentours les influences mauvaises qui la menacent, et pose une main blanche sous les pieds roses de son enfant.
L'amour fait sortir nos actions du terrain bas et trivial où se meut la brute, quand il est une ardeur qui ne brûle pas la chair, mais qui échauffe et féconde l'intelligence ; c'est le feu ravi au ciel par Prométhée pour allumer dans le cœur humain des passions distinctes des appétits sensuels.
Une conformité de caractère, d'idées, de goûts, d'habitudes, est la plus sûre condition d'une amitié solide ; aussi peut-il s'élever, entre les méchants mêmes, une amitié susceptible d'un dévouement sans borne et d'une fidélité inaltérable. Oui, pour le malheur de la société, les plus grands criminels comme les plus hommes de bien doivent à une étroite intimité la constance dans leurs penchants. Combien de couples hideux ont parcouru la carrière du crime sans jamais se désunir, sans jamais se dénoncer !
L'espace que la divergence d'opinion met entre deux hommes se rétrécit beaucoup par la ressemblance de caractère, et des adversaires par les idées peuvent être amis par les sentiments. On a même attribué au contraste des idées et des goûts le pouvoir de faire naître l'amitié.
Quand un homme est souillé d'une faiblesse méprisable d'amour-propre ou d'ambition, tellement enracinée chez lui que les conseils de ses proches ne feraient que l'aigrir, un véritable ami s'appliquera en silence à détourner de sa tête les périls où elle l'expose à son insu.
L'indulgence pour les défauts d'un ami les entretient et les renforce ; mieux vaut être seul, parce que la conscience est un meilleur guide. Or, un ami étant une seconde conscience qu'on aime à consulter autant et plus que soi-même, on s'arrête à des paroles qui flattent nos passions, car elles sortent d'une bouche aimée. En marchant ainsi sous le regard et sous la responsabilité d'un autre, on a plus d'assurance et moins de scrupule.
On est bien près d'aimer celui à qui on indique une meilleure voie à suivre, et les bons avis sont une nourriture de l'amitié.
Une bienveillance réciproque n'est pas toujours un reflet de l'amitié, car elle s'exerce le plus souvent sur des qualités et des avantages secondaires ou isolés, tandis que l'amitié véritable se lie à l'ensemble d'une personne. Mais comme la bienveillance est un semblant d'amitié, on lui a donné son nom, par l'habitude où l'on est d'exprimer les moindres sentiments qu'on éprouve avec des mots capables de les revêtir de sublimité. Néanmoins, la bienveillance est un prélude à l'amitié ; souvent on passe d'un bon accueil à un service, d'un conseil à une confiance réciproque.
Entre les mille bonheurs dont on poursuit la lointaine chimère, l'amitié, fruit mûr de l'expérience et de la réflexion, est celui qui expose à moins de déceptions ; les douces prévenances, les attentions délicates, un dévouement de tous les jours en font une sorte de providence veillant toujours sur nous.
Il faut se garder d'un brusque enthousiasme, d'une ardeur aveugle ; c'est à pas comptés, avec réserve et prudence qu'on marche dans la voie d'une amitié solide.
C'est par l'estime que commence la véritable amitié ; c'est par la vertu qu'elle se maintient.
Pour que l'amitié soit abritée contre toutes les intempéries du sort, elle doit se former avec certaines conditions de caractère ; elle veut une âme expansive, un esprit peu infatué de lui-même, un amour-propre qui engage l'homme à n'enrôler dans son intimité que ceux dont le contact rehausse sa valeur personnelle.
Le plus à redouter pour l'amitié, c'est un changement de condition qui élève ou abaisse l'un sans l'autre, et les expose à se voir trop à distance. Les négligences font aussi tiédir l'amitié, et les trop fréquentes absences sont un tamis à travers lequel elle fuit goutte à goutte.
N'ouvrez pas un grand salon à vos amis, mais ayez une maison bien petite, bien simple ; et peu accourront, sans doute ; mais sur ceux-là, du moins, vous pourrez compter dans la bonne comme dans la mauvaise fortune. Car si l'utilité ne doit pas être la base de l'amitié, elle doit en découler clandestinement, sans se faire voir. Or, c'est dans les jours de détresse que l'amitié luit alors, comme un rayon vivifiant et réparateur.
Un cœur trop divisé n'appartient à personne ; les liens trop étendus se relâchent d'eux-mêmes. Ne pensez pas qu'un seul ennemi soit peu, ni que mille amis soient beaucoup.
Il en est de l'amitié comme du bonheur : on en goûte la plénitude comme une chose ordinaire et pouvant toujours durer, c'est au moment de les perdre qu'on en sent tout le prix.
La communauté de joie et de douleur entre deux personnes provoque ces doux épanchements où elles confondent leurs deux âmes en une seule.
Au moment solennel du passage de la vie à la mort, quoi de plus effroyable que des yeux mourants qui s'égarent dans le vide, que des mains déjà froides qui ne se sentent pas pressées par l'étreinte réchauffante d'une main amie ?
Toute existence est incomplète si elle ne s'unit à une autre existence, comme le bonheur est imparfait s'il ne s'épanche et ne se communique.
Si d'un camarade d'enfance on se fait dans la suite un ami sérieux, c'est une sûre garantie de constance et de solidité que le souvenir d'avoir ensemble balbutié les premiers mots et couru aux premiers jeux.
Amitié d'enfant, c'est de l'eau dans un panier.
La société est le produit de l'affinité des besoins, de l'accord des sentiments, de la conformité d'intérêts qui agitent les hommes ; l'amitié est un résultat semblable, mais plus prononcé, plus intime parce qu'il est concentré en un petit nombre de personnes.
Le plus noble rôle du vieillard est d'applaudir au triomphe de l'homme qu'il avait encouragé enfant ; c'est d'admirer l'idée enfin éclose qu'il avait vue en germe ; c'est d'assister du moins, calme et souriant, aux mouvements nécessaires qui s'effectuent sans lui, mais sous son regard, et d'augurer, par la vue de son expérience, les autres mouvements qui en sortiront un jour.
Si la vieillesse est l'âge où l'on doit jouir des biens cultivés avec sueur par les âges précédents, c'est l'âge aussi où l'on doit s'être approvisionné de vertus et de bons conseils, afin d'être un exemple à la génération nouvelle qui cherche à trouver sous les rides les leçons de l'expérience.
Les distractions d'un esprit cultivé sont les plus pures et aussi les moins passagères ; elles conviennent à toutes les positions sociales, comme à tous les pays et à tous les temps, dans la solitude aussi bien qu'au milieu du monde.
L'amour ne saurait entrer dans un cœur flétri et usé ; il demande une disposition au bien que lui-même viendra renforcer ; ainsi l'homme se passionnera pour la douceur et la vertu, encore plus que pour les charmes physiques, et agira sous l'influence de la femme dont la présence ou le souvenir veillera à ce qu'il ne souille pas celui qu'elle aime.
L'art étant une sorte d'intermédiaire entre la nature physique et la nature morale, et se servant de l'une pour exprimer l'autre, doit passer par les sens avant d'arriver à l'esprit ; mais s'il ne parlait qu'aux yeux ou aux oreilles, il serait une image aussi fugitive qu'une ombre, aussi éphémère qu'un son.
De bons parents ont aidé nos premiers pas, soutenons leur marche devenue chancelante ; ils ont saisi notre premier souffle, recueillons leur dernier soupir ; nos parents ont ouvert doucement nos yeux à la lumière, fermons pieusement les leurs pour la nuit du tombeau.
Les rapports des sexes sont, dans la nature, grossiers et brutaux ; dans la société humaine, ils sont épurés par les sentiments moraux qui les gouvernent, par les lois qui les déterminent, par l'éducation qui les éclaire. L'amour du sexe n'est donc pas chez l'homme un besoin uniquement physique, mais une exaltation simultanée du cœur et des sens.
On se façonne à l'esclavage comme à un malheur sans remède ; les membres se plient aux fers ; et l'homme, par habitude ou par ignorance, oublie ou méconnaît son droit naturel de vouloir de sa propre volonté, et d'agir pour son propre compte ; si rien ne parle à ses yeux d'un autre sort, il s'amuse à mesurer ses fers, sans vouloir les briser, ni même les détendre.
L'homme qui se tient à l'écart des événements et les considère de loin prend quelquefois pour ardu ce qui est aisé, et quelquefois aussi pour aisé ce qui excède toute force humaine ; mais celui-là connaît le moment décisif qui est aux prises avec les choses et n'a ce qu'il souhaite qu'à proportion de ce qu'il fait.
L'éloquence n'est pas toujours un vent impétueux prélude des tempêtes, c'est parfois une brise fraîche qui ramène le calme ; elle peut être aussi harmonieuse que le chant, aussi douce et aussi pénétrante que la poésie. Alors elle est insinuante, et coule furtivement de l'oreille au cœur pour y verser la persuasion. L'hypocrisie, la ruse, les passions envieuses, mais cachées, emploient cette éloquence pour décocher plus sûrement leurs traits acérés, dissimulés ainsi sous des fleurs.
Le bonheur, dans l'acception simple et pratique du mot, est le plein et libre déploiement des facultés du corps et de l'âme, et la satisfaction entière de leurs besoins légitimes.
La première commotion de la colère, surtout quand elle prend feu au contact d'un obstacle matériel, commence par emporter les sens, puis elle pénètre dans l'âme, et si elle ne la trouve pas assez forte pour réagir contre elle, aussitôt elle la domine et l'entraîne. L'âme peut être entamée la première quand elle cède à un mouvement d'indignation ou d'horreur ; mais alors elle n'inspire point les mêmes violences, elle n'éclate souvent que pour châtier ; elle tombe sur le coupable en reproches sanglants, en réprimandes sévères, en menaces terribles.
La médisance qui crache sur notre honneur ne mérite que le dédain.