Les plus grands hommes ont leur côté faible, il ne faut les juger que par leurs qualités supérieures.
L'emprunt est, après l'épuisement de tout ce qu'on possédait, le gouffre sans fond où on puise ce qu'on n'a pas.
La première et la plus rare des qualités sociales est l'abnégation de soi-même.
Le défaut d'éducation et de sensibilité se reconnaît à l'oubli des convenances.
N'allons pas emprunter à l'occasion une qualité qui nous manque, c'est un instrument dont nous jouerons toujours faux et gauchement. Soyons ce que nous sommes et soyons le bien.
L'esprit fait tous les frais d'une pensée fine ; il s'unit à l'imagination dans une pensée ingénieuse, et le sentiment vient en aide à tous deux pour créer une pensée gracieuse.
La susceptibilité, chez un particulier, n'est qu'un travers ; elle est un vice chez l'homme public qui doit s'estimer assez pour se croire au-dessus de l'épigramme et même de l'injure.
Une haute distinction qui trouve son cadre devient une dignité sociale.
Le cœur a sa paresse, on l'appelle indifférence.
Le fanatisme est l'enfant dénaturé de la religion, lorsqu'il s'arme pour la défendre, il cherche à la détruire.
Le crédit ne roule plus sur la probité, mais sur la réputation qu'on se fait d'être riche.
Nous laissons subjuguer notre cœur plus facilement que nos habitudes.
Depuis un siècle la France a essayé de tous les régimes et de tous les remèdes. Elle s'est soumise à tout, l'hygiène exceptée.
N'attachez qu'une médiocre importance à ces esprits que vous entendez caractériser couramment d'une expression pittoresque : cette étiquette d'un mot couvre tout leur mérite.
Il est des amitiés qui ressemblent à des diamants qui brillent, mais qui n'ont aucune valeur.
Je permettrais volontiers à mes amis, ennemis et connaissances, de dire tout ce qu'ils pensent de moi, à la condition expresse qu'ils le diraient toujours avec esprit.
La physionomie de l'expression livre presque toujours le secret de la naissance de la pensée. Si elle se dégage des profondeurs d'une méditation lente et prolongée, la pensée se montre pure, achevée, splendide comme un beau marbre, ou délicate comme un bronze charmant ; échappée å l'inspiration soudaine, elle frappera l'ail de l'intelligence comme l'éclair.
La modestie fait si beau jeu à l'amour-propre qu'elle devrait lui inspirer autant de reconnaissance qu'elle doit lui inspirer d'étonnement.
Ne soyons jamais que nous, toujours nous, mais aussi perfectionnés que nous pouvons l'être.
À vingt ans on ne compte pas les années ; à soixante on compte les jours.
On admire l'homme dans ses pensées ; on le méprise dans ses desseins et dans ses actions ; on le plaint dans ses remords. On ne le reconnaît plus, quand il se rappelle à lui-même, et qu'il se convertit.
Qui se repent de bonne foi est plus loin du mal que celui qui ne le connut jamais.
Il règne autour des supériorités un air vivifiant comme au sommet des montagnes.
La vérité sort du frottement des opinions, comme l'étincelle du choc des corps électriques.
Il est naturel que le monde soit sans pitié pour le scandale, le scandale le trahit.
L'étude de la civilité puérile et honnête peut faire un homme de bonne société, mais un homme de bonne compagnie est tout autre chose.
Tout ce qui entre dans un petit esprit en prend les dimensions.
L'envieux se sent volé de tout et par tous, il souffre de ce qu'il n'a pas et hait qui le possède.
Les haines vigoureuses que vante le misanthrope sont précisément interdites aux âmes qui ont le droit de les ressentir.
La haine qui nous poursuit froisse peut-être moins notre cœur que l'antipathie qui nous fuit.
Le dictionnaire dit que l'antipathie appartient au genre féminin.
Nous supportons beaucoup plus philosophiquement nos disgrâces en les voyant atteindre les objets de notre haine.
Les sentiments du bien et de la grandeur morale ne sont pas incompatibles, dans le cœur de l'homme, avec une répugnance instinctive à les voir applaudis chez un de ses semblables.
La fausseté est plus occupée du besoin de se cacher que du besoin de tromper, chez elle le mensonge est un voile.
De la terre au ciel se mesure la distance qui sépare la modestie de l'humilité.
Il en est de la réputation comme de l'esprit : plus on la cherche, moins on la trouve.
Le caprice est une fausse faim, que l'attente torture, et qu'une goutte d'eau apaise.
Le proverbe : Mal d'autrui n'est qu'un songe, n'est pas à l'usage de l'envie ; son propre bien ne lui suffit pas.
Les remords suppléent la justice.
La haine serait souvent une simple justice si le cœur n'en faisait pas une passion.
On réfléchit bien plus longtemps pour faire le bien que pour s'abandonner au mal.
La simplicité est une grâce chez l'homme, et la perfection de toutes les grâces de la femme.
Un oisif est un eunuque du corps social.
On a tant de peine à se faire à l'idée que les bonnes actions sont sans profit dans ce monde, que Dieu a dû nous rassurer, en nous promettant que ce serait lui, en définitive, qui réglerait nos comptes dans l'autre.
Si le hasard amène sur vos pas une de ces âmes à bonnes intentions intempestives et maladroites, saluez-le avec votre chapeau, et passez au plus vite votre chemin.
Le résultat le plus commun de l'expérience aboutit, non pas à nous corriger, mais a tirer le plus grand parti possible de nos qualités et à débarrasser nos défauts de ce qu'ils ont de plus choquant.
Faire aimer ses qualités en les rendant aimables est chose plus difficile pour certaines personnes que de faire maussadement leur salut.
L'ignorant est son propre ennemi, il ne peut être l'ami des autres.
Poussées à l'excès, les qualités ne se distinguent des défauts que par leur moralité.
Un fat choisit un ami comme il choisit un costume. Il faut qu'il aille à la taille des prétentions qu'il a et à l'air de visage qu'il veut avoir.
Le temps fuit ; la conscience crie ; la mort menace ; le ciel sollicite ; l'enfer gronde ; et l'homme dort.
Il ânonne sa pensée dans une langue abondante, il se perd dans de fades histoires, il cite des mots sans sel, il endort son monde sur ce qui lui est indifférent, et le réveille au bruit de tout ce qui peut lui être le plus désagréable. Est-ce tout ? Il faut encore que, dans la chaleur d'une conversation pleine de vie, il vienne jeter le froid de ses banalités, et la glace. Voilà ce que fait l'ennuyeux, et voilà ce qui le fait.
Rien de plus dangereux que de prendre ses bons sentiments pour de bonnes pensées.
On ne comprend la valeur de certaines qualités que lorsqu'on a vécu avec des personnes qui ne les avaient pas.
Les habitudes deviennent, avec le temps, de véritables incrustations chez l'homme.
Les défauts se détachent sur le fond uni de la vertu, et se perdent dans le fond troublé du vice.
Les gens détestables sont ceux que nous détestons.
Que de déceptions le cœur s'épargnerait s'il ne demandait à chacun que ce qu'il peut donner ! mais sa dernière préoccupation est de s'assurer de la solvabilité de ses débiteurs.
Les fautes de nos amis affligent autant notre amour-propre que notre cœur.
Il faut gouverner ses qualités presque aussi attentivement que ses défauts.
L'envieux mourant éteindrait volontiers le soleil afin que personne n'en jouisse après lui.
Le respect humain blanchit les dehors de la conscience sans relever ses ruines intérieures.
La conscience n'a pas d'amie plus sûre et de plus dangereuse ennemie que l'habitude.
Celui qui de gaieté de cœur va au-devant de la tentation, s'est d'avance arrangé à l'amiable avec l'idée de faillir.
Hélas ! ce n'est pas trop de notre plus grande force pour tenir tête à notre plus petite faiblesse.
Le peuple a perdu les croyances qu'il avait et n'a pas acquis les connaissances qu'il n'a jamais eues ; le peuple a, pour exercer sa souveraineté, ignorance et ses passions.
En amour, l'esprit est l'ennemi du cœur ; quand celui-ci parle, l'autre n'est plus qu'un sot.
On n'est pas plus maître de toujours aimer qu'on ne l'a été de ne pas aimer.
Ne me parlez pas de ces esprits emmagasinés goutte à goutte dans une citerne : la citerne est large, profonde, remplie jusqu'à la voûte ; mais il faut y puiser à grands renforts de bras, et la disette seule fait apprécier son mérite. Ah ! que j'aime mieux ces esprits de source, toujours renouvelés, frais, limpides, qui suivent leur pente naturelle et réfléchissent dans leurs mille détours tous les accidents du ciel et de la terre ! Ils ont la vie et la portent partout où ils passent.
La vérité la plus difficile à reconnaître est celle qui se cache dans l'erreur : qui s'avise d'aller chercher un proscrit chez son ennemi déclaré ?