La constance est une vertu à laquelle il faut de bonne heure aguerrir les enfants parce qu'elle est une des plus nécessaires et en même temps une des plus exposées. Nous commençons, animés de toute la force des motifs qui nous ont déterminés à l'action, préoccupés du résultat que nous poursuivons, pleins de l'idée sur laquelle se sont fondées nos espérances de succès. Mais bientôt notre attention sera contrainte de s'en détourner pour s'attacher aux détails de l'entreprise. La route nous distrait du but. Il faut oublier ce que nous avons voulu pour songer à ce que nous avons à faire, et perdre ainsi le stimulant du désir au moment du travail nécessaire pour l'accomplir. Si notre volonté ne s'est fortifiée d'avance contre toutes les bonnes raisons que nous aurons d'abandonner ce que nous avons commencé par de si bonnes raisons ; si nous ne nous accoutumons pas à faire de la persévérance un devoir tout à fait indépendant de l'importance même de la chose entreprise, comme cette importance variera à nos yeux en raison de notre intérêt ou de notre indifférence, et en proportion de la peine ou du plaisir que nous éprouverons à la poursuite de notre dessein, il est certain que, neuf fois sur dix, les motifs nous manqueront pour achever ce que nous avons commencé.
Quand on croit pouvoir chicaner sur ses devoirs parce qu'ils sont difficiles, il n'y en a pas qu'on ne puisse mettre en question ; car il n'y en a pas un qui, de temps à autre, ne coûte quelque chose à remplir.
Mon imagination est calme et mon tempérament actif ; j'ai des désirs vifs et des goûts bornés. Jamais mes fantaisies n'ont passé mes facultés, mais jamais aussi je n'ai hésité à satisfaire ma fantaisie. Incapable de désirer ce que je ne puis avoir, je l'ai toujours été également de me refuser ce qui se trouvait à ma portée.
La raison peut-elle comprendre tout ce que le cœur peut sentir ? — La raison humaine a des bornes ; la sensibilité est infinie, et c'est pour cela qu'elle fait le tourment d'un être borné qui n'est pas capable de saisir tout ce qu'il est capable d'aimer, ni de contenir tout ce qu'il a la faculté de sentir.
Celui dont les possessions sont bornées en a plus tôt mis ordre à ses affaires ; il ne faut pas beaucoup de temps à l'homme médiocre pour classer le petit nombre d'idées qui lui sont échues en partage !
Tous les droits sociaux que nous tenons de notre nature d'hommes nous les tenons en vertu des devoirs qui ont été imposés envers nous à d'autres hommes comme nous. En quelque société que ce soit, le droit suppose le devoir, l'autorité des lois se fonde sur le devoir de les observer.
L'idée de devoir doit précéder celle de droit comme la cause marche avant l'effet. Il y a des droits parce qu'il y a des devoirs, et non pas des devoirs parce qu'il y a des droits ; de même qu'il y a de la société parce qu'il y a des hommes, et non des hommes parce qu'il y a de la société.
Il nous arrive rarement de penser à deux choses à la fois quand notre droit blessé demande réparation, de nous rappeler toujours notre devoir. Il en résulte que beaucoup de gens se trompent sur leurs droits même, et croient avoir contre les autres un droit égal au dommage qu'ils en ont reçu. Il est clair cependant que si mon voisin brûle ma maison, je n'ai pas le droit pour cela de mettre le feu à la sienne.
Il est beaucoup moins vilain d'être bavarde que d'être rapporteuse.
La curiosité des enfants est rarement frivole, tout est pour eux objet d'instruction.
Pour entrer en société avec les hommes il suffit de les comprendre ; il n'est pas nécessaire de leur ressembler.
La bonne compagnie, qui n'est plus du tout ce qu'on entendait autrefois par ce mot, s'est séparée en deux classes aujourd'hui : l'une sérieuse et occupée, et l'autre oisive et frivole. Se ranger dans cette dernière classe, c'est abdiquer toute prétention à l'utilité en ce monde, c'est renoncer à prendre rang dans l'opinion accessible aujourd'hui à tant de genres de mérite, c'est déclarer enfin qu'on ne porte rien en soi qui vaille la peine d'être employé à autre chose qu'à des amusements sans intérêt.
La liberté est nécessaire à l'éducation de l'enfant, il faut qu'il apprenne à s'en servir. Si vous n'accordez pas à un enfant ce degré de liberté légitime que lui rendent nécessaire sa force et son activité, il les emploiera à vous échapper.
La liberté c'est la vie, c'est l'usage de nous-même. Comme notre vie, notre liberté nous est consacrée, et quiconque la borne nous doit compte du profit qui nous revient de la contrainte à laquelle il nous soumet.
Un homme de volonté à vingt ans ne croit pas à l'impossible, et s'inquiète peu de l'avenir.
Tant que l'enfance conserve sa simplicité naturelle, le moindre plaisir est pour elle une fête.
Il y a tant de jours dans une année employée à faire chaque jour la même chose !
La santé, la raison et le savoir sont les vrais trésors de l'homme.
Il faut donner à l'indigent valide les moyens de travailler, et non de se passer de travail.
Il n'y a de société qu'entre les intelligences.
L'estime s'attache à la personne ; elle la relève tout entière, et le moindre mérite acquiert de la valeur chez celui qui en possède un plus grand.
La réserve est le préservatif de la timidité.
En apprenant à nous obéir, les enfants apprendront à se commander : c'est un grand exercice de la volonté que celui qui nous soumet à la volonté d'un autre.
Les plaisirs sont peu nécessaires quand on a du bonheur, car dans le bonheur tout devient plaisir.
Dans l'étude, ce qu'on a compris reste, et ce qu'on a appris s'oublie avec une singulière facilité.
L'instruction n'a de ressources véritables que lorsqu'on y porte une certaine conscience, le goût de l'exactitude, le besoin d'étudier encore plus que l'ambition de savoir. L'instruction n'est sans danger, au moins de ridicule, que lorsqu'on sait assez pour comprendre qu'on ignore beaucoup, et qu'on peut se faire une idée assez nette de ce qu'on connaît pour s'arrêter et consentir à demeurer sans opinion sur ce qu'on ne connaît pas.
Ce qui est superficiel dans le savoir ne sert qu'à l'étalage, il n'y a de jouissances que dans les études approfondies.
Rien n'est plus aisé que de se croire savant quand on n'est pas arrivé jusqu'aux difficultés.
Si l'on sait ce que nos connaissances acquises valent, on sait aussi ce qu'elles nous ont coûté.
Le moyen d'abandonner peu dans ses entreprises, c'est d'être lent à commencer. Beaucoup d'idées, pour peu qu'on leur en laisse le temps, s'effacent et s'éteignent entre le premier dessein d'agir et le commencement de l'action.
La plupart des gens qui ont le plus entrepris dans leur vie sont bien souvent ceux qui n'ont rien fini.
Le vrai plaisir du savoir, c'est l'étude. Nous aimons, dans les connaissances acquises, ce qu'elles nous promettent de connaissances nouvelles : savoir, c'est le bonheur d'hier, précieux surtout parce qu'il garantit le bonheur de demain.