J'aime à devancer sur mon balcon la venue de l'aurore, lorsque le chœur silencieux des étoiles s'efface sur l'horizon pâli, que l'extrême lointain s'éclaire faiblement, que le vent, messager du matin, commence à souffler, et que le jour montre peu à peu son visage. En hiver, quand les ombres de la nuit possèdent plus longtemps la moitié de la terre, et que l'aurore paresseuse dort plus longtemps, laissant régner au ciel la lune brumeuse.
Le paysage est un instrument dont nous nous servons pour exprimer, pour manifester nos sensations. Nous effleurons du regard la profondeur des bois, les ondulations des collines, la couleur changeante des nuages ; nous aspirons la fraîcheur des vallées, et toutes ces choses, touchées ensemble ou successivement par chacun de nos sens ou par tous à la fois, rendent sous cet attouchement des accords ravissants, comme le son d'une lyre, sous la main de l'artiste.
Ce qui constitue le romantique d'un paysage est un sentiment de majesté calme sous un air de passé, ou, ce qui revient au même, de solitude, d'absence, de séparation.
Le plus beau paysage du monde est celui qui, dans son lointain, nous offre, après une longue absence, le clocher du lieu qui nous a vus naître.
Il ne faut souvent qu'un nuage, qu'une ombre, qu'une vapeur, pour changer l'aspect du plus beau paysage. Comme il ne faut aussi qu'un geste, qu'un mot, qu'un regard, pour refouler au fond du cœur le rayon de soleil, qui berce, qui réchauffe et qui anime la vie.
J'aime contempler ce beau paysage ensoleillé d'un champ de blé. Ce blé, qui se tient haut sur jambes, est jaune comme de l'or ; il a emmagasiné du soleil, on a chaud en le regardant.
Les chemins et les sentiers dans la campagne sont toujours beaux, ayant été tracés par les pieds des hommes, et épousant les sinuosités du paysage.
Le plus beau paysage donne un chromo ; le plus pauvre, le plus aride, fournit un tableau délicieux.
Les plus beaux paysages sont des combinaisons de notre esprit. La vache, qui, après s'être repue, se couche dans l'herbe et semble rêver, voit ce que je vois, et il n'y a point de paysage pour elle ; je contemple, elle rumine ; nous sommes heureux, elle et moi, mais chacun à sa manière.
Les plus beaux jours pour admirer un paysage ne sont pas ceux où les lointains d'une couleur et d'un ton crus nous montrent jusqu'à leurs moindres détails ; nous aimons à les voir à demi noyés dans une vapeur qui les enveloppe d'une grâce discrète et, pour ainsi dire, de ce silence des formes qui plaît aux yeux.
La vue d'un beau paysage nous jette souvent dans les rêveries.
Un paysage est une romance sans paroles.
Le paysage est de tous les genres de peinture celui qui ressemble le plus à la musique ; comme elle, il a pour son domaine les sentiments vagues et confus. Quels mots ou quel assemblage de mots pourraient rendre ce que disent à notre imagination des feuillages qui s'inclinent sous le vent, une eau dormante qui a l'air de rêver, une clairière humide de rosée où traîne une vapeur que le soleil se dispose à boire, un chemin creux, des broussailles hérissées et poudreuses, trois saules qui regardent couler l'eau d'un ruisseau, les jeux de l'ombre et de la lumière, la face changeante des nuages et l'immobile visage d'un rocher dont la fierté semble régner sur une vallée comme un pâtre sur son troupeau ? Le paysage, ainsi que la musique, se fait fort d'exprimer l'inexprimable.
Quel charme auraient pour nous les plus beaux paysages, si nous ne pensions y reconnaître certaines scènes de notre vie intérieure, la représentation de certains états de notre âme ? Qui n'a ressenti l'ivresse du premier printemps ? Pour la savourer, nous avons besoin de croire que les arbres qui commencent à feuiller sont en fête comme nous, que les lilas en fleur répandent dans l'air des espérances mêlées à leur parfum, que les oiseaux qui essaient leur chant nous racontent un bonheur semblable à celui que nous pouvons ou connaître ou désirer.
Il suffit d'un rayon de soleil pour transformer en un beau paysage le site le plus ingrat, pour égayer sa tristesse et faire fleurir son désert.
Ce qui fait le caractère d'un paysage, ce n'est pas le sujet, c'est le ciel, la lumière, l'air, qui enveloppent les choses, la vapeur où elles se baignent.
Il y a des peintres qui passent leur vie entière à faire des paysages qui n'étaient pas faits pour eux !
Un paysage, c'est plus qu'un état d'âme, c'est un acte de l'âme, notre propre création.
Il vient toujours un moment où l'on a trop vu un paysage, de même qu'il faut longtemps avant qu'on l'ait assez vu.
Il faut être, ou se sentir, ou, tout au moins, se croire un peu malade devant un beau paysage d'automne.
Trop vite, l'auto. Tant de jolies paysages où l'on ne s'arrête pas ! On laisse des regrets partout.
La vue de la bûche qui brûle dans ma cheminée me fait autant de plaisir qu'un paysage.
Construire, c'est collaborer avec la terre : c'est mettre une marque humaine sur un paysage.
Cette canicule me fait croire qu'à tout prendre la pluie vaut mieux. La pluie enlaidit le paysage, c'est vrai, mais elle laisse la tête fraîche et favorise le sommeil. On murmure, mais du moins on vit, on pense, on est maître de soi. L'agitation de la chaleur fait comprendre les affres du remords et le ver qui ne meurt point.
Quand je regarde un paysage, je ne puis me défendre d'en voir tous les défauts. Il est heureux pour nous, toutefois, que la Nature soit si imparfaite, car, autrement, nous n'aurions pas d'art. L'art est notre protestation ardente, notre vaillant effort pour enseigner à la Nature sa vraie place. Quant à l'infinie variété de la Nature, c'est un simple mythe. On ne saurait la trouver dans la Nature elle-même, mais dans l'imagination, la fantaisie ou la cécité cultivée de l'homme qui la regarde.
Il n'y a pas dans le monde de paysage aussi intéressant qu'une âme humaine.
Nous oublions que nous sommes pour beaucoup dans nos plaisirs, que le spectateur crée en partie son spectacle, que les plus beaux paysages sont des combinaisons de notre esprit. La vache, qui, après s'être repue, se couche dans l'herbe et semble rêver, voit ce que je vois, et il n'y a point de paysage pour elle ; je contemple, elle rumine ; nous sommes heureux, elle et moi, mais chacun à sa manière.
Il est des sites qui n'ont rien d'enchanteur par eux-mêmes, mais que rendent délicieux certains jeux de lumière, à ce point qu'on les préfère à des paysages plus gracieux et plus riants.
Tes vacances sont finies, reprends le joug, rattache le boulet à ton pied. Renonce à la montagne, au grand air, à la rêverie et à la liberté. Galérien de l'enseignement, relâché sur parole, représente-toi à l'appel. — Salut à toi, doux paysage, cher amphithéâtre de coteaux verts et de montagnes blanches, berceau de ma jeunesse, asile de mon âge mûr, je n'ai plus de confidences à vous faire, mais vous voyez un rêveur qui ne vous quitte qu'avec peine, car il ne sait pas ce que sera sa vie dans trois mois, ni demain.
Un paysage quelconque est un état de l'âme.
Il fait aujourd'hui un de ces jours grisâtres où la nature est silencieuse, le paysage terne, les nuages presque immobiles, en un mot, un de ces temps modestes où l'on craint de faire du bruit, de peur de réveiller le vent ou d'amener le soleil.