Une femme mariée a un homme qui la trompe avec la femme de son amant, laquelle trompe son mari avec le sien et qui en est réduite à tromper son amant avec celui de sa femme parce que son amant est son mari et que la femme de son époux est la maîtresse avec la femme de son amant ne sait plus où elle en est ni ce qu'elle doit faire pour ne pas compliquer encore une situation qui l'est déjà suffisamment comme ça, a écrit Pierre Dac. (Extrait de : Les pensées, publiées en 1972.) Autre citation de Pierre Dac : Le Français moyen est un mammifère invertébré. Son origine remonte à l'an 40 avant Casimir Périer. Le Français moyen offre cette particularité de n'offrir aucune particularité marquante. Il n'est pas anthropophage, quoique carnivore, ce qui ne l'empêche nullement d'être herbivore et ruminant à l'occasion. Le Français moyen a naturellement la TSF, il est atteint de radio chronique aiguë, affection qui consiste lorsqu'on a pu obtenir un poste, à tourner les boutons de l'appareil pour en obtenir un autre et ainsi de suite de manière à rendre toute audition impossible. Le Français moyen a la haine du percepteur qu'il rend responsable de tous ses maux. Quand il va régler ses contributions, il dit : « Qu'est-ce que je vais lui briser au percepteur, je vais lui dire ce que je pense » et quand il est devant la caisse il paie et c'est lui qui dit merci. Le Français moyen est le piéton par excellence ; aussi traverse-t-il les passages cloutés installés à son intention avec une sage lenteur et la conscience de son omnipotence, il traite les chauffeurs pressés d'« espion » et de « figure de peau de fesse. » D'ailleurs, ces mêmes injures lui resservent lorsque d'aventure il prend un taxi, mais alors il les destine aux piétons pour lesquels à ce moment son mépris n'a plus de limites. Le Français moyen est badaud par essence et par définition. Quand deux voitures se tamponnent, c'est lui qui donne à l'agent tous les détails de l'accident, qu'il n'a d'ailleurs pas vu, et il s'en va en disant : « Tant que le radiateur n'est pas dans la lanterne arrière, y a pas de mauvais sang à se faire. » Le Français moyen a des opinions politiques très arrêtées. Il estime que la République est indéfectible, que ceux de la droite ont raison, ceux de la gauche aussi et que ceux du centre ont la notion du juste milieu. La Français moyen adore le cinéma ; il s'y rend chaque semaine et, pendant la projection du film, il explique à haute voix ce qui va se passer à ses amis et connaissances. Le dimanche, le Français moyen s'installe sur les Grands Boulevards à la terrasse d'un café, à moins qu'il ne se promène pour regarder ceux qui sont assis à la terrasse. Le Français moyen étant l'héritier direct de Voltaire possède un nombre immuable de clichés, lieux communs, bons mots et plaisanteries, qui, se transmettant de génération en génération, trouvent leur emploi dans toutes les circonstances de la vie. C'est ainsi qu'à un mariage, le Français moyen dit aux jeunes époux : « Alors, il va y avoir du bon pour les cocus. » À un enterrement, le Français moyen dit : « On est vraiment peu de chose sur terre, » ou « Ce que c'est que de nous tout de même. » Devant la tombe, il fait : « C'est la vie, » et dans le café où il se rend après la cérémonie pour se réconforter, il ajoute : « On est mieux ici qu'en face. » Ainsi, le Français moyen mène son existence quotidienne avec ses joies moyennes et ses douleurs, qui pour être moyennes n'en sont pas moins profondes ; il travaille en augmentant chaque mois son pécule à la Caisse d'épargne dans l'espoir de réaliser un jour le rêve de tout Français moyen. La petite maison aux volets verts avec le carré du jardin, le jet d'eau, la boule nickelée, les poissons rouges et le rocher artificiel. Ainsi terminera-t-il ses jours moyens ayant vécu dans une honnête moyenne, bon fils, bon soldat, bon citoyen, bon époux, bon père ayant contribué dans la mesure de ses moyens à faire de la France ce qu'elle est, ce qui n'est déjà pas si mal que ça ! (Extrait de : Le Français moyen, publié en 1930.)