Bien des grands hommes laissent percer une infinité de petitesses, ce qui choque : on ne veut rien d'homme du commun en eux.
Toujours le mal est compagnon du bien, comme pour nous faire souvenir que nous ne devons ni trop nous réjouir du bien, ni trop nous affliger du mal.
Les souverains ne font pas toujours la grandeur des hommes ; ils ne font souvent que leur donner du lustre et les mettre en évidence.
L'homme est si peu sûr de ce qu'il fait que souvent il prend des mesures pour arriver à une chose, et c'est le contraire qui survient, et s'en contente comme s'il l'eût souhaité.
Quand on voit défiler des troupes et marcher avec régularité et empressement au combat, on ne peut s'empêcher de dire : Il faut que celui qui fait mouvoir tout ce monde ait bien du génie, ou que cette masse qui ne saurait faire un pas sans un ordre ait un instinct bien servile.
S'il est malaisé de faire de bons systèmes politiques, il est encore plus difficile de les mettre en pratique, car c'est alors que les passions humaines se soulèvent et se maintiennent dans un état d'insurrection.
Il est des époques où les passions s'abattent dans l'imprimerie du journalisme, s'y assemblent, s'y choquent et s'y alignent ; formées en corps, elles répandent un venin qui, pénétrant partout, agite tous les esprits.
Où s'enferme l'étude, on en voit sortir le savoir.
Quand le trompeur est lui-même pris dans ses propres fourberies, il n'attrape que ce qu'il mérite.
La vanité est une orgueilleuse voulant briller à tout prix ; qui, presque toujours, réussit à décourager la vertu et à l'éloigner.
Nos passions font notre bonheur ou notre malheur, selon la direction que nous savons leur donner.
La petitesse d'esprit et l'insouciance rendent parfois philosophe, mais cette philosophie diffère bien de celle qui provient de la vertu.
Tout le monde court après le bonheur, mais peu de gens en suivent le vrai chemin ; la foule s'égare dans des sentiers qui l'en éloignent.
La raison va lentement, mais toujours son droit chemin ; l'esprit va vite, mais souvent de travers.
La loi la plus libérale ne fait guère que prendre la liberté sur un point, pour la distribuer sur un autre.
Le grand nombre agit plutôt par une folle ostentation que par une prudente raison.
On voit tant de gens parler de ce qu'ils ignorent, qu'il paraît plus facile d'en parler que de n'en rien dire.
L'homme le plus spirituel vit plus d'emprunt que de son propre fonds.
La fortune est partout bien accueillie, se trouve partout et se mêle de tout, tandis que la vertu trouve à peine l'âme d'un sage où elle puisse se réfugier.
On aime les écrivains qui, pleins de confiance en leurs lecteurs, leur laissent le plaisir de la pénétration.
C'est en savoir beaucoup que de ne pas avoir honte d'ignorer bien des choses.
On aime l'image de la belle nature : aussi celui qui excelle dans l'art de la peindre, attire-t-il l'admiration de tout le monde.
On loue jusqu'aux plus petites choses dans les grands hommes, et dans les petits les grandes choses passent inaperçues.
Il faut mettre beaucoup d'esprit dans l'amour si on ne veut pas qu'il vous rende bête.
La pitié n'est souvent qu'un remords de la dureté.
Il n'y a rien au monde qui vaille mieux qu'un bon somme.
L'habitude d'être seul rend maussade.
En amour on finit toujours par y voir trop clair.
Ô mon premier amour ! combien il m'en coûta !
Avant de donner son cœur, on ne ferait pas mal d'y regarder à deux fois.
L'habitude du malheur finit par rendre ingénieux à s'en consoler.
Mieux vaut la dure vérité que le plus doux des mensonges.
Il en est des plaies du cœur comme de celles du corps : Quand elles ont été profondes, elles se ferment quelquefois, mais elles se rouvrent toujours.
Ce qui fait le succès des diseurs de bonne aventure, c'est qu'il y a beaucoup de malheureux.
On ne saurait être bien où l'on est quand on pourrait être mieux ailleurs.
La jalousie rend féroce quand elle est impuissante.
Le plus grand bonheur de l'amour, c'est d'aimer.
S'il est triste d'être pauvre, il l'est encore plus de le paraître.
Où l'homme n'est plus, la nature reprend ses droits.
Quand on a une fois goûté de la louange, on en vient à l'aimer, si peu qu'on la mérite, ou si peu qu'elle vaille et qu'on l'estime.
Vie errante est chose enivrante.
Il faut vivre quand on peut être bon à quelque chose sur la terre.
On ne fait pas ce qu'on veut, on fait ce qu'on peut.
S'agiter n'est pas avancer.
On parle souvent de choses qui ne dénotent point qu'elles sont intéressantes, mais montrent le désœuvrement des parleurs.
Le temps ne coûte rien, mais bien employé, il peut rapporter beaucoup.
La raison a presque toujours tort de vouloir commander à la force.
Le grand parleur est mû plutôt par la vanité que par tout autre sentiment.
Celui qui ne se détermine à agir que sur ce qu'en pourra dire le public est un homme méprisable, sans règle de conduite.
On est très embarrassé d'être obligé à un malhonnête homme.
L'homme qui passe pour l'animal raisonnable, l'est parfois si peu, qu'il n'a pas seulement l'esprit de s'affranchir des préjugés qui lui sont les plus nuisibles et qui souvent le conduisent au tombeau.
La paresse aime à trouver des opinions toutes faites. Celui qui cherche à être utile à ses semblables se donne beaucoup de mal pour découvrir quelque chose d'avantageux à tous, et ne réussit pas toujours.
Il est plus difficile à un souverain d'être sage qu'à un simple particulier, parce qu'un souverain est un point où viennent aboutir toutes les passions humaines qu'il doit maîtriser, tandis qu'un particulier n'a que ses propres passions, dont il peut se rendre maître par la raison.
À mesure que les peuples se civiliseront et s'éclaireront, ils rougiront de se faire la guerre et de s'entre-tuer pour des causes souvent bien futiles : alors la force physique perdra de son empire et finira par rester exclusivement le partage des brutes.
La sagesse ne consiste pas à passer pour sage, mais à l'être sans paraître tel aux yeux du public.
Le présent appartient à l'âge mûr, l'avenir à la jeunesse, et le passé à tous les âges.
L'amour-propre accompagne l'ignorance ; le vrai savoir marche de pair avec la modestie.
Le patrimoine des sots est le revenu des intrigants.
L'ostentation louche et se précipite par vanité dans toutes sortes d'exagérations.
Si les hommes pouvaient se corriger de leur trop d'amour-propre, ils y gagneraient sous tous les rapports.
La vertu se dissipe à l'approche de l'amour, comme les brouillards devant le soleil.
Il est des hommes qui sont comme les porcs, il suffit de les gratter pour les faire se vautrer dans la fange.
L'enthousiasme patriotique est l'apanage de la jeunesse ; on ne trouve guère qu'égoïsme chez l'homme qui approche de la vieillesse.
L'amour est une passion qui souvent s'encanaille.
Si jamais le droit prend entièrement la place de la force, on verra commencer le siècle d'or.
Quand on propose quelque chose à un homme, il se décide de suite à prendre un parti : si on lui fait des observations qu'il trouve raisonnables, il doute et ajourne sa détermination définitive. Après avoir ballotté entre les divers partis à prendre, il se décide ordinairement pour celui qu'il avait premièrement embrassé. On tient à son idée, mais on ne renonce pas pour cela à examiner celles des autres, que l'on finit presque toujours par trouver inférieures aux siennes ; ce qui n'est souvent qu'un effet de l'amour-propre.
Le pouvoir et le vouloir se disputent la souveraineté.
Les hommes font plus par imitation que par raison.
Celui qui agit avec trop de légèreté manque de jugement.
On aime à être dupe de son cœur, et non d'un tiers.
L'hypocrisie n'est en honneur que parce que les hommes veulent être trompés.
Qui a touché le fond ne peut descendre plus bas.
Les hommes se laissent prendre aux apparences : il est petit le nombre de ceux qui veulent pénétrer le fond des choses.
La civilisation chasse l'ignorance pour faire place à la raison, comme l'industrie détruit les ronces pour les remplacer par des moissons.
Quand on a un peu vécu et vu toutes les extravagantes barbaries dont l'espèce humaine est capable, on ne doit plus s'étonner de rien : on doit plutôt croire que les hommes incapables de profiter du passé ne laisseront rien espérer de bon pour l'avenir.
L'empressement que chacun met à faire adopter ses idées montre assez qu'il les croit préférables à celles des autres.
Il est des gens nés pour commander et d'autres pour obéir : la plupart de ces derniers se croyant faits pour diriger les autres, occasionnent des révolutions.
On voit souvent des boutades irréfléchies en barbe grise et de la prudence dans une jeunesse imberbe.
Il est singulier combien de gens aiment à fouiller dans le passé et qui ignorent le présent : ils ressemblent au philosophe Thalès qui, cherchant à connaître les cieux, se laisse tomber dans un fossé.
Un jeune menteur deviendra un vieil imposteur, et un jeune fripon un vieux coquin.
L'ignorance de la foule laisse le plus vaste champ possible aux faiseurs de nouveaux systèmes.
La pensée est en opposition avec la force qui est presque toujours brutale.
Chacun veut paraître désintéressé, mais s'y prend de manière à montrer de l'avarice plutôt que du désintéressement.
L'empressement que chacun met à vouloir parler montre assez qu'il pense que ce qu'il va dire vaut mieux que ce que peuvent dire les autres.
On s'attache aux biens de ce monde comme si on ne devait jamais les abandonner, et l'on meurt avant d'avoir été désabusé et convaincu que les richesses ne valent pas la peine qu'elles coûtent.
Le fourbe ne laisse échapper aucune occasion de nuire, et pour cela il a à sa disposition un caractère de caméléon.
Pour être habile en politique, il faut un très grand tact : aussi est-il rare de voir des habiles en ce genre, quoique tout le monde se pique de l'être.
L'homme qui, dans un poste élevé, a une volonté trop prononcée, s'expose souvent à commander des injustices et à se faire des ennemis.
Trop de méfiance finit par donner mauvaise opinion des méfiants.
Le despote est un être à trop courte vue pour voir autre chose que lui dans le monde.
Qui n'aime à avoir toujours quelque chose à désirer ? Le certain est le terme ; l'incertain est l'espérance, que l'imagination peut embellir à son gré. Le mystère a son charme.
Les gens faux croient toujours que personne n'est digne de confiance.
La passion du jeu est, comme toute passion forte, capable de tout.
Quand un grand diseur de riens trouve quelqu'un qui l'écoute, il s'amuse beaucoup à conter ses histoires, parce qu'il s'imagine faire plaisir aux écouteurs, et ne s'aperçoit pas que ce n'est qu'à lui seul qu'il est agréable.
Les hommes qui ne se voient qu'un instant sont généralement portés à avoir bonne opinion les uns des autres ; ils louent les autres pour être loués à leur tour. C'est le beau côté de la société.
L'homme à pensées fortes cherche à se détacher des objets extérieurs qui éblouissent la foule.
Il est parfois curieux de voir combien quelques hommes sont habiles à se créer de certains devoirs, dont ils trouvent mauvais de s'éloigner.
La philosophie semble s'éloigner de l'homme à mesure qu'il s'avance dans les grandeurs.
Le vrai philosophe ne se trouve guère que dans une position médiocre ; quand on est en vue. Dans un poste élevé, on n'est plus chez soi, et adieu la philosophie : elle fuit le train du monde.
Il y a des esprits si singuliers qu'ils font des mystères des choses les plus indifférentes.
L'homme qui a de la fortune croit posséder des richesses, et ce sont elles qui le possèdent et ne lui laissent aucun repos.
La sottise s'entoure de toutes sortes de colifichets pour se faire remarquer ; le mérite réel, fort de lui-même, est modeste.
Celui qui a été brave une fois en sa vie est fort content de penser qu'on le regardera toujours comme tel.
La nature est toujours la même, il n'y a que les individus qui changent.
Dans la conduite ordinaire des hommes, il y a plus de déterminations irréfléchies que de démarches prudentes.
Tous les jours on demande à vieillir, et tous les jours on se plaint d'être vieux.
Ce qui manque le moins et ce qu'on a le plus, est la paresse.
Il y a des gens qui se croient très habiles, parce qu'ils se retranchent dans leurs faussetés et ne sauraient montrer de la franchise en rien.
Le bonheur des uns est parfois de voir les autres dans l'embarras.
Ce qu'il y a de bon dans l'instruction, c'est qu'elle laisse toujours quelque chose à désirer. S'il y avait un point de savoir tout, et où il ne fût plus permis d'apprendre, on n'en serait pas plus satisfait que de l'ignorance.
Montrer à la première vue trop facilement et promptement de l'empressement pour toute chose est une marque de légèreté.
Un esprit faux ne trouve rien à son gré ; un esprit juste trouve, il est vrai, à redire à bien des choses : la différence entre l'un et l'autre n'est pas toujours facile à saisir.
Il y a des gens qui disent toujours qu'ils savent telles et telles choses ; je les trouve heureux, travaillant depuis longtemps, sans avoir rien pu apprendre de sûr, si ce n'est que je sais que je ne sais rien, comme disait Socrate.
Tout dans la nature périt ; et les corps en décomposition servent de nourriture à d'autres êtres vivants. Il en est à peu près de même de l'intelligence : on vit plus de l'esprit des autres que du sien. L'homme est trop faible ou trop peu sûr de lui-même pour n'avoir pas besoin de l'appui de ses semblables. C'est au physique comme au moral.
On préfère un livre riche en idées à un autre où il n'y a qu'un arrangement harmonieux de mots ; ces deux choses réunies constituent la perfection.
L'offensé oublie ; mais le méchant ne pardonne jamais, aux autres, le mal qu'il leur a fait.
Le monde marche d'après des règles et des usages établis de longue main ; en sorte que les gouvernants qui font tout mouvoir, s'imaginent que c'est leur génie qui met tout en action, et ne songent pas que tout a été réglé sans eux et marchera également sans eux.
Les chefs-d'œuvre de génie font répandre des larmes de plaisir ; la douleur arrache des cris plaintifs.
La sottise est la chose du monde la plus incommode, et pour ceux qui en sont pourvus et pour ceux qui les approchent.
L'instruction est pour tous, mais tous ne peuvent parvenir aux postes auxquels l'éducation donne droit de prétendre. La position sociale de chacun et la faveur font plus que le savoir ; aussi ceux qui ne parviennent à rien, de dépit travaillent-ils à embarrasser les heureux pensionnés. La vertu seule devrait être récompensée.
Peu d'hommes sont assez instruits pour n'être pas ombrageux du savoir des autres.
Le peuple juge d'après l'apparence : il ne peut guère faire autrement ; voilà pourquoi il fait plus de cas d'un richard que d'un savant.
Tout pour nous et nos sociétaires : voilà l'esprit de toute société particulière. Et on est à se demander comment des gens à vues larges, avec des idées grandes et généreuses, peuvent se fourrer dans de pareils guêpiers. C'est beaucoup gagner sur la vie, que de s'aider de l'expérience des autres.
Il est rare de voir un personnage éminent jouir constamment de l'estime publique.
L'homme le plus malin finit toujours par être trompé par plus malin que lui.
Il est des gens qui, n'étant pas assez occupés du présent, vont chercher dans le passé de quoi vivre dans l'avenir.
Que les filles sont donc ennuyeuses !
Si l'amour était sur la terre, nous serions tous parfaits.
Pour vous aimer, attendez que vous ayez cessé d'être parjures, perfides, égoïstes.
L'amour est brave, il est glorieux, et il n'est en un mot que là où est la liberté.
Il faut être aussi petit que l'est un homme pour qu'il soit pardonné d'associer la haine à l'amour.
L'amour, c'est la perfection.
Si vous voulez persuader une femme, mettez la raison à la porte, faites entrer la folie, et déraisonnez tant qu'elle voudra.
Homme affamé n'a point d'entrailles.
Une égalité de caractère dénote un esprit bien fait.
L'amour est un enfant, il veut des cœurs jeunes comme lui.
L'affection est entre l'amour et l'attachement. C'est ce qui reste de l'amour, un peu plus que de l'amitié, un peu moins que du sentiment. Une femme a de l'affection pour un homme qu'elle n'aime plus, mais qui lui plaît encore.
Ôter la pudeur des relations amoureuses, c'est en ôter l'amour même.
Les femmes font trop d'heureux pour ne pas faire des ingrats.
L'amour n'est si bon que parce qu'au fond il est un peu bête, il nous simplifie.
La monotonie, l'immobilité sont mortelles à l'amour ; la variété est nécessaire à cette flamme active.
Il est des torts qui tuent l'amour instantanément et irréparablement, devant ces torts, un cœur fier et délicat cesse de battre.
Hélas ! nous ne sommes pas même de force à nous aimer !
Qu'est-ce que nous sommes, si nous ne sommes pas de même force à nous aimer ?