Une chaleur douce et égale dans un couple anime tous les instants de la vie.
L'esprit a, tout comme le corps, sa maladresse et ses gaucheries.
L'homme se noie bien souvent par la peur de se noyer.
Ce n'est pas la mort qui est violente, c'est la vie. La douleur entre avec nous au berceau, et elle ne nous quitte plus.
Le sommeil nous repose de la fatigue de l'état de veille, et la mort de l'état fatigant de la vie.
La religion enseigne plutôt qu'elle n'explique. En commandant des croyances qu'elle ne définit pas, elle enchaîne la soumission plutôt qu'elle n'apporte des lumières. Elle s'acquitte envers la morale plus qu'elle ne satisfait à la raison.
L'homme impérieux et obstiné est craint et repoussé de tous.
La résignation nous soumet à la douleur quand elle est arrivée ; quelque puissance qu'on suppose à l'habitude et au talent, l'homme le plus leste ne peut échapper à la loi de la gravitation que jusqu'à un certain degré ; l'homme le plus fort ne peut échapper à l'ascendant des événements. Rien n'est plus pitoyable que des efforts impuissants contre des maux inévitables.
Dans l'éloignement d'un être chéri, ce n'est pas la société qui console, c'est la solitude.
On peut être seul au milieu du monde, on peut être en société dans une profonde solitude.
Les éclairs de la nuit ne valent pas la lumière du jour.
Un fonds d'ennui parsemé de plaisirs, telle est la vie du monde.
La lecture a été créée pour exercer l'esprit, à défaut d'idées.
La mort est la cessation des mouvements du cœur, et l'ennui en est le ralentissement.
Ce qui fait que le cœur bat trop vite fait qu'il battra moins longtemps.
À force de vouloir être heureux, on devient malheureux.
L'homme qui veut parvenir au but bien souvent s'en éloigne sans cesse.
Il y a du bonheur à être près de son ami, la présence cimente l'union.
L'homme aime à s'associer à ses semblables, il lui faut des compagnons pour ses plaisirs.
Le chien qui a perdu son maître gémit comme l'agneau qui a perdu sa mère.
La coexistence est forte entre deux amis lorsque tous leurs sentiments sont confondus.
Le véritable bonheur est dans la médiocrité.
Qui ne dépense pas ce qu'il a n'est pas riche ; qui dépense plus qu'il n'a est pauvre.
La violence est la défense de l'homme faible quand il est atteint.
La rudesse est presque toujours une enveloppe que se donne l'instinct de notre faiblesse ; elle est une arme de l'homme faible pour ne pas se laisser atteindre.
Si le bonheur se trouve quelque part, c'est dans l'état de famille. Comme mère, comme sœur, comme fille et comme épouse, les soins d'une femme aimante nous suivent de l'enfance à l'adolescence, de l'adolescence à l'âge mûr, et de l'âge mûr à la caducité.
Dans l'amour malheureux où l'âme poursuit sans cesse une chimère qui lui échappe ou un objet réel qui la repousse, l'âme a beau s'exhaler, tantôt par les prières, tantôt par les plaintes, elle ne reçoit rien ; l'âme s'épuise ainsi peu à peu, et si le délire se prolonge elle se consume.
L'amour heureux où l'âme s'exhale et se renouvelle sans cesse, est la plus intime comme la plus entière de nos communications.
Pendant quelque temps donner sans recevoir peut convenir à la générosité ; recevoir sans donner peut plaire à l'égoïsme ; mais à la fin, donner sans recevoir épuise et lasse, et recevoir sans donner charge et importune.
Le bonheur est le flux et le reflux du donner et du recevoir.
C'est par l'humilité qu'on aborde les hommes, c'est par l'esprit qu'on les pénètre, et c'est par la bonté qu'on les gagne et qu'on les conserve. Mais ces conditions ne sont pas suffisantes, il faut encore que les communications soient réciproques.
Lorsque l'âme ne fait que se montrer sans se donner, lorsqu'elle offre les apparences de quelques formes menteuses en échange des réalités qu'elle reçoit, ce manège qui prend le nom de ruse, de finesse, de duplicité, compose le domaine du mensonge.
Le plus important des caractères de nos communications, c'est leur vérité.
Qui n'a pas remarqué dans sa vie à quel point une parole, un simple trait de bonté, pouvaient faire une vive impression ? C'est qu'une simple attention a quelquefois plus d'épanchement d'âme qu'un immense bienfait.
Toujours un peu de faiblesse accompagne dans l'homme sa fermeté apparente.
Les hommes faibles affectent par ostentation des volontés qu'ils n'ont pas.
La vie présente n'est pour l'homme que le noviciat d'une autre vie.
La liberté est un si grand bien que chacun veut avoir la sienne, et un peu de celle d'autrui.
L'obéissance est douce quand on respecte celui qui commande.
L'orgueil humain est tellement irritable qu'il suffit souvent de montrer en soi une volonté pour développer dans un autre une volonté contraire.
Pour qui connaît la vie humaine, peu de choses valent la peine d'être voulues ; et cependant, il suffit qu'on ait recherché certains objets pour s'attacher à leur poursuite.
La mollesse dénote une âme faible.
La bonté sans douceur est maladresse, la douceur sans bonté est hypocrisie.
Tout le monde ne peut pas avoir la même somme de désirs et d'idées.
Qui dérobe une petite propriété en dérobera bientôt une plus grande.
Un enfant est une émanation de celle de son père.
La poésie, fille de l'enthousiasme, est le langage des dieux.
On ne veut que ce qu'on aime ; on n'aime que ce qu'on connaît. L'homme moral est composé de ces trois facultés, connaître, aimer et vouloir.
La haine s'assouvit en donnant la mort, comme l'amour en donnant la vie.
L'enfant ne doit pas donner, il ne doit que recevoir.
Il y en a que l'argent rend malheureux, il y en a d'autres qu'il rend stupides.
La réciprocité des communications fait le bonheur de l'amitié ; plus réservé, plus sage que l'amour, l'amitié a moins de vivacité, elle donne avec moins d'abondance : elle ne tarit jamais. L'amitié peut attendre, elle est généreuse ; l'amour est impatient. L'amitié n'a pas d'orgueil, l'amour en est hérissé.
Un ton faux, dans nos communications, en détruit l'effet.
La grâce est un accord dans les mouvements ; la beauté est un accord dans les traits.
La sagesse nous apprend à ne pas multiplier sans nécessité les contrariétés de la vie.
Une volonté déréglée ou injuste nous met en guerre avec nos semblables ; elle nous fait tomber dans les habitudes qu'on appelle vices, ou dans les actes qu'on appelle crimes. Elle nous entoure de haine et de dangers.
Un peu de liberté donne à notre âme de l'élévation et de l'essor. Un peu de dépendance augmente la douceur des communications, elle est le lien qui forme les sociétés.
Annoncer ouvertement ses volontés est un parti qui peut réussir à un homme fort.
L'homme conciliant et doux est aimé et recherché, il a une harmonie souple qui sait descendre ou remonter de quelques tons avec facilité.
La tempérance nous conduit elle-même à dominer le sentiment vif des peines, c'est-à-dire à la résignation. La tempérance, en nous accoutumant aux privations et aux petits maux, prévient l'arrivée de la douleur.
L'attrait vif des plaisirs, le sentiment vif des peines ; tels sont les deux grands écueils qui se trouvent sur la route de la vie. La sagesse les a marqués depuis longtemps. Elle nous recommande de dominer l'attrait des plaisirs par l'habitude de les dédaigner, par des mœurs et une éducation austères, c'est-à-dire par la tempérance.
La providence a créé le sommeil pour réparer l'épuisement de nos forces, elle a créé en même temps l'ennui pour réparer l'épuisement de nos sensations, mais c'est en vain.
Tout ce qui nous donne des jouissances très vives est presque toujours un excès. Une heure de plaisir peut détruire notre bonheur, comme une heure d'ivresse peut altérer notre santé.
Un peu de philosophie éloigne de la connaissance de Dieu, mais que plus approfondie, elle y ramène. Un peu d'art nous éloigne de même de la nature. Il nous en rapproche à mesure qu'il se perfectionne.
Les manières d'un homme violent font sur un homme calme la même impression que celles d'un homme ivre. Le ton violent dérange notre repos, désorganise notre accord. On aborde rarement les hommes avec un ton de ce genre. L'amour même quand il débute par des formes trop impétueuses est rarement heureux.
La douceur est une disposition générale produite par la bonté ; c'est la condescendance et la flexibilité de notre ton au ton des autres. Mais cette flexibilité doit être volontaire, elle doit être produite avec ressort. Sans ressort l'homme n'est plus doux, il est faible. Il n'y a pas d'abandon de sa part, il n'y a point de sacrifice ; il y a soumission, servitude.
Un homme du monde peut avoir de l'aménité sans être doux.
La douceur qui descend jusqu'à la soumission devient de la faiblesse.
Heureux ceux qui peuvent se contenter de communications obscures ; la douce paix n'abandonnera pas leur vie. Il est des âmes agitées et impatientes auxquelles il faut un plus grand théâtre. Le peintre, le musicien appellent de tout côté le bruit, l'admiration, les suffrages ; le guerrier qui vend sa vie à un peu de renommée, le penseur qui confie à de vaines feuilles le fruit de ses méditations, le vent qui transporte les semences de l'automne ou les poussières fécondantes des étamines des fleurs au printemps, obéissent au même mouvement.
Nos communications, pour avoir de la valeur, doivent d'abord être sincères, c'est là leur premier caractère. Si elles ont ensuite de la modestie dans leurs formes, et de la bonté dans leur objet, ce second caractère en augmentera le prix.
Comme on a soupiré pour s'unir, on soupire pour se séparer.
Nous attribuons souvent aux autres l'art que nous mettons nous-mêmes à nous tromper.
Une discordance dans le ton de la voix trahit presque toujours la bouche faussaire.
Les hommes quand ils veulent communiquer ensemble semblent avoir absolument besoin de la parole. Quelle est cette singularité qui fait, lorsque tout le reste de la nature s'entend et correspond en silence, que l'homme a besoin de donner un son à ce qu'il pense, une image à ce qu'il désire ? Si nous avions plus de calme, ah ! sans doute, nous nous entendrions les uns les autres intérieurement, l'attention suffirait. Le langage serait inutile.
Au moment d'un orage, le maître a rarement besoin de presser le moissonneur. La nuée qui se montre sur l'horizon commande encore plus que le maître.
Ceux qui commandent ont besoin de savoir gouverner la volonté des autres.
La bombe lancée par l'effet de la poudre à canon a beau s'élever dans les airs, à un moment donné, il faut qu'elle redescende et qu'elle cède à cette force générale de gravité contre laquelle elle a lutté et qu'elle n'a pu vaincre. La vie de l'homme suit la même loi, et décrit la même parabole. Elle s'élève avec la jeunesse, elle a un moment de station avec l'âge mûr, puis elle tombe avec la décrépitude.