Imiter est un plaisir naturel à l'homme, lequel volontiers s'émerveille naïvement à voir naître sous ses doigts la ressemblance de quelque chose. Mais c'est plus ! imiter, pour l'homme, c'est créer ; or créer, c'est volupté d'amour-propre qui nous allèche ; c'est acte de puissance qui nous grandit ; c'est à l'âme son plus noble passe-temps.
De la poésie naissent les belles pensées, les généreux élans du cœur.
Puisqu'il faut dans la tombe noire s'étendre pour n'en plus sortir, amis, il faut jouir et boire ; amis, il faut boire et jouir. Et quand la camarde à l'œil cave viendra nous vêtir du linceul, encore un verre !... et de la cave passons tout d'un saut au cercueil !
La fenêtre ! c'est le vrai passe-temps d'un étudiant. Jamais mes professeurs ne m'ont donné le centième de l'instruction que je hume de là, rien qu'à regarder dans la rue. L'étudiant à sa fenêtre, à force de regarder dans la rue, il lui arrive au cerveau une foule d'idées qui, vieilles ou neuves en elles-mêmes, sont du moins nouvelles pour lui, et prouvent clairement qu'il a mis son temps à profit. Et ces idées venant à heurter dans son cerveau ses anciennes idées d'emprunt, du choc naissent d'autres lumières encore. Car, par nature, ne pouvant flotter entre toutes, et surtout entre les contraires, le voilà qui, tout en fixant un fétu, compare, choisit, et se fait savant à vue d'œil. Quelle charmante manière de travailler, que cette manière de perdre son temps !
La flânerie est chose nécessaire au moins une fois dans la vie, mais surtout à dix-huit ans, au sortir des écoles. C'est là que se ravive l'âme desséchée sur les bouquins ; elle fait halte pour se reconnaître ; elle finit sa vie d'emprunt pour commencer la sienne propre. Aussi, un été entier passé dans cet état ne me paraît pas de trop dans une éducation soignée. Il est probable même qu'un seul été ne suffirait point à faire un grand homme : Socrate flâna des années ; Rousseau, jusqu'à quarante ans ; La Fontaine, toute sa vie.
À tout âge, c'est une triste chose que l'exil !
Une figure aussi vénérable que la vôtre se rencontre plus rarement peut-être que la fraîcheur et la jeunesse elles-mêmes.
Ceux qui croient qu'un amour d'écolier, pour être sans espoir et sans but, n'est pas vif et dévoué, ceux-là se trompent. Ce sont des gens qui n'ont jamais été écoliers ; ou bien ce furent des écoliers bien forts sur la particule et le que retranché ; des écoliers admirables de mémoire, sages d'esprit, tempérés de cœur, rangés d'intelligence, bridés d'imagination, et toutes les années couronnés par trois fois, des écoliers modèles.
L'amour est un rusé, et avec lui il n'y a sainte qui tienne.
Ce qui est bon n'est cher qu'une fois.
Ce qu'il y a de plus doux au monde, c'est d'abriter la tristesse d'un être bien-aimé, c'est d'être le refuge de ses douleurs.
Il y a des présents que si on ne les fait pas à temps, autant ne rien faire.
Le bonheur rend expansif, la joie est folle, dit-on.
Les traits d'une éducation forte se reconnaissent à tout âge chez ceux qui en ont reçu le bienfait.
Durant que la langue du méchant sonne ses mensonges et ses vanités, la parole du juste se répand en bienfaisants secours et en salutaires remèdes.
La jeunesse est généreuse, sensible, brave... et les vieillards la disent prodigue, inconsidérée, téméraire. La vieillesse est ménagère, sage, prudente... et les jeunes hommes la disent avare, égoïste, poltronne.
La jeunesse est l'âge de la poésie, celui où elle amasse ses trésors, mais non, comme quelques-uns le croient, celui où elle peut en faire usage. De cet or pur entassé autour d'elle, elle ne sait rien tirer. Vienne le temps qui le lui arrache pièce à pièce, alors, en lui disputant sa proie, elle commence à connaître ce qu'elle avait ; par ses pertes, elle apprend ses richesses ; par ses regrets, ses joies taries. Alors le cœur se gonfle, alors l'imagination s'allume, alors la pensée se détache et s'élève vers la nue… alors Virgile chante !
Nul poète ne s'alimente du présent : tous rebroussent, ils font plus ; refoulés vers ces souvenirs par les déceptions de la vie, ils en deviennent amoureux ; déjà ils leur prêtent des grâces que la réalité n'avait pas, ils transforment leurs regrets en beautés dont ils les parent, et, se créant à l'envi un brillant fantôme, ils pleurent d'avoir perdu ce qu'ils ne possédaient pas.
C'est en prison que je devais connaître pour la première fois tout le charme de la liberté. Charme bien grand ! Pouvoir légitimement dormir, ne rien faire, rêver… et cela, à cet âge où notre propre compagnie est si douce, notre cœur si riche en entretiens charmants, notre esprit si peu difficile en jouissances ; où l'air, le ciel, la campagne, les murs, ont tous quelque chose qui parle, qui émeut ; où un acacia est un univers, un hanneton un trésor !
Satan est toujours là à l'heure de la tentation.
Une bonne action ne reste jamais sans récompense.
L'esprit des enfants est absolu parce qu'il est borné. Les questions, n'ayant pour eux qu'une face, sont toutes simples ; en sorte que la solution en paraît aussi facile qu'évidente à leur intelligence plus droite qu'éclairée. C'est pour cela que les plus doux d'entre eux disent parfois des choses dures, que les plus humains tiennent des propos cruels.
Enfantines amours, premières lueurs de ce feu qui, plus tard, pénètre, étreint, embrase ! Que de charme, que de riant et pur éclat, dans ces innocentes prémices d'un sentiment si fécond en orages !
II y a dans le cerveau beaucoup de ces pensées honteuses, qui se cachent par pudeur, qui se taisent crainte de se faire honnir, qui, parfois, venant à surgir hors de leur cachette, font circuler la rougeur sur les fronts honnêtes.
Sur bien des choses, mieux vaut s'ignorer soi-même. Certains, à se connaître mieux, deviendraient pires. Tel, voyant son champ ingrat au bon grain, prend l'idée de tirer parti des mauvaises herbes.