Chaque jour est un bien que du Ciel je reçois, je jouis aujourd'hui de celui qu'il me donne ; il n'appartient pas plus aux jeunes gens qu'à moi, et celui de demain n'appartient à personne.
Je n'en puis plus, la langueur m'accable ; l'ennui me dévore, le dégoût m'empoisonne ; je souffre sans pouvoir en trouver le remède ; le passé et l'avenir, la vérité et les chimères ne me présentent plus rien d'agréable ; je suis importune à moi-même ; je voudrais me fuir et je ne puis me quitter ; rien ne me distrait, les plaisirs ont perdu leur piquant, et les devoirs leur importance. Sans toi mon amour, je suis mal partout.
Le bonheur n'est qu'un fantôme léger qui n'entre jamais dans une âme sans appeler après lui la peine et les revers.
La vie de l'homme est pleine de courtes joies et de longues douleurs, de liaisons commencées et rompues ; par une étrange fatalité, ces liaisons ne sont jamais faites au moment qu'elles pourraient devenir durables ; on rencontre l'ami avec qui on voudrait passer ses jours au moment où le sort va le fixer loin de nous ; on découvre le cœur qu'on cherchait, la veille du jour où ce cœur va cesser de battre. Mille choses, mille accidents séparent les hommes qui s'aiment pendant la vie, puis vient cette séparation de la mort, la mort qui renverse tous nos projets. La vie peut se comparer à un port de mer où l'on voit entrer et sortir des hommes de tous pays ; le rivage retentit des cris : de ceux qui arrivent et de ceux qui partent ; les uns versent des larmes de joie en accueillant des amis ; les autres, en se quittant, se disent un éternel adieu : car une fois sortis du port de la vie, on y rentre plus!
Le bonheur de l'amour est instantané comme un son, léger comme une ombre, court comme un songe, rapide comme l'éclair, qui en un coup d'œil embrase le ciel et la terre, et avant que l'homme ait eu le temps de dire : regardez ! toute la nature est replongée dans les ténèbres : tout ce qui brille passe comme l'éclair.
Pour un âme malade la nature n'a qu'une couleur, tous les objets sont couverts de crêpe. Quand les ailes du malheur se déploient sur la tête d'un être, dont la précieuse destinée est liée étroitement à la nôtre, la vie devient un pesant fardeau.
O avenir ! avenir ! l'avenir si vague, l'avenir si incertain, qui n'arrive jamais, ni comme on le craint, ni comme on le désire, qu'on est malheureux quand il nous laisse sans espérance !
Depuis longtemps le bonheur n'est qu'un songe pour moi, et que j'aime à le retrouver dans les peintures que mon imagination se plait à créer ! Jadis dans les bras de l'amitié, à la vue des beautés de la nature, j'oubliais et mes chagrins et ceux qui les avaient causés. Le souvenir de ce temps heureux fait couler mes pleurs, que ces larmes sont douces et font du bien !
Plusieurs mois, plusieurs années ont passés depuis que je ne compte plus les heures que par mes larmes et mes soupirs. C'est toujours une peine nouvelle qui marque l'instant qui vole et fuit pour les autres, mais qui s'appesantit sur moi. Je n'ai que le courage de souffrir, mais accablé par les coups que le sort m'a porté, je plie sous le faix et j'ai peine à y résister !
Il est certaines douleurs qui se calment par le silence, vouloir distraire une personne d'un mal dont la source lui est chère, c'est l'aigrir encore au lieu de l'apaiser.
Jamais ! jamais plus je n'entendrai la voix de ma douce et belle ! Le printemps reviendra, les oiseaux se réjouiront ; mais moi je ne verrai le matin que dans les langueurs et l'ennui ; et seul abandonné je pleurerai au milieu des plaisirs !
Bientôt le moment viendra où il faudra quitter cette terre, cette maison chérie, cette maîtresse adorée ; et de tous les arbres plantés de nos mains, nul, hormis le triste cyprès, ne suivra à la tombe son maître d'un jour !
Séduit par sa beauté, je chérissais une rose ; l'hiver survint, et le barbare me l'enleva ! Je remplaçai ma fleur par une abeille, mais elle me blessa de son aiguillon. Une blanche colombe alors captiva mon cœur, et cependant la perfide me trompa en s'enfuyant d'une aile rapide. J'aimais une femme belle et charmante, et la cruelle mort me l'a ravie !
J'ai passé plusieurs années dans la douleur et les larmes, jusqu'à ce que le temps, cet ami des malheureux, ce grand médecin de la vie, qui seul peu-à-peu sait bannir de l'âme ces tristes vapeurs, ces noirs fantômes qui la tuent, eut, d'une main bienfaisante, fait couler dans mes veines son baume salutaire. Le calme revint, mais mélancolique encore, et non assuré ; comme après que les vents en furie l'ont tourmentée, la mer, devenue plus tranquille, est cependant encore agitée.
Besoin d'écrire, besoin de penser, besoin d'être seule, non pas seule, mais avec toi mon frère et Dieu. Depuis ta mort, je me trouve isolée au milieu de tous. Ô solitude vivante, que tu seras longue !
Toi au ciel mon frère, et moi sur la terre ! la mort nous sépare ! Mon âme vit dans un cercueil. Oh ! oui, enterrée, ensevelie en toi, mon frère ; de même que je vivais en ta vie, je suis morte en ta mort. Morte à tout bonheur, à toute espérance ici-bas. J'avais tout mis en toi, comme une mère en son fils.
Tout dort, grand clair de lune à ma fenêtre, le chien recoquillé sur ma peau de loup, gronde en rêvant, le ciel est bleu, la nuit tranquille. Au ciel pas un nuage, mais quelques pensées tristes passent dans mon cœur. Ô sommeil, pose la main sur mon front et emporte mon esprit dans la région des songes ; retrempe mon courage, rends-moi la paix.
Aime, et tu renaîtras ; fais-toi fleur pour éclore ; après avoir souffert, il faut souffrir encore.
Qu'il est affreux de voir un être qu'on chérit s'avancer d'un pas précipité vers la tombe ! Hélas ! chaque instant nous en rapproche tous ! et par un enchantement, que la raison ne saurait concevoir, nous parcourons sans effroi cette route inévitable quand rien n'y hâte notre marche ; mais, connaître avec certitude le terme de la vie de ceux qu'on aime, savoir qu'il est prochain, ce n'est plus exister : On n'ose plus alors jeter les yeux sur l'avenir ; on ne peut, en s'y refugiant, se soustraire à sa peine présente ; on ne peut y chercher l'espérance ou des douces chimères ; on n'y voit plus qu'un tombeau !
Si vous saviez tout ce qu'on souffre, hélas ! À n'être plus aimée, alors qu'on aime encore ! N'avoir que le mépris d'un époux qu'on adore ! Tant de secrets ennuis ! de douloureux combats !
Le plus triste, hélas, de toutes les vieillesses, c'est la vieillesse de l'amour.
Hélas ! après avoir perdu un être cher, les arbres retrouveront leur verdure et les fleurs leur parfum ; un feu secret circulera dans toutes les sèves ; tout revivra après cette mort, et tout renaîtra pour aimer : moi seule je n'aimerai plus ; et le temps, en s'écoulant, ne peut m'apporter d'autre bien que de m'approcher de mon dernier jour.
Quand les ailes du malheur se déploient sur la tête d'un être, dont la précieuse destinée est liée étroitement à la nôtre, la vie devient un pesant fardeau.
Il n'est rien de plus court, rien de plus fragile, que le bonheur ! Souvent hélas ! au moment où nous en jouissons avec plus de sécurité, un coup imprévu et rapide vient frapper, jusque dans nos bras, la malheureuse victime du sort, tous les plaisirs de la vie, nous paraissent alors anéantis pour jamais, tout autour de nous devient lugubre et désert, tout inspire l'effroi. On étend ses bras en vain pour embrasser celle qui n'est plus, on l'appelle en vain ; on croit entendre ses pas, ces pas si connus. Tout nous paraît mort, et nous sommes morts pour tout ; la solitude nous environne de toute part ; partout nous nous croyons seuls avec notre cœur sanglant ; nous nous persuadons, dans notre abattement, qu'il n'est plus rien qui nous aime, et que nous n'aimons plus rien, et une vie sans amour est, pour le cœur qui a véritablement aimé, la mort la plus terrible ! Aussi l'infortuné qu'a éprouvé ce malheur veut vivre et mourir solitaire. Dans ces moments cruels, dans ce passage rapide du bonheur suprême au comble de l'infortune, il ne voit personne qui lui tende une main compatissante, une âme qui partage ses souffrances, qui s'en forme une idée ; car, c'est une perte qu'on ne connaît qu'après l'avoir sentie. Mais alors on cherche, on désire la solitude ; il n'est point de chagrin, point de tristesse qu'elle n'adoucisse, hélas !
De mes douleurs, sur le marbre où tu sommeilles, tu sentiras couler mes pleurs.
Hélas ! il est facile de prescrire la patience ! Si vous étiez, comme moi, placée entre ceux qui vivent encore et ceux qui ne vivent plus, vous seriez, comme moi, agitée d'une sombre colère, et tourmentée d'un insatiable désir d'être quelque chose, de commencer la vie, ou d'en finir avec elle.
Seul ici bas sur terre, il n'est pas en ce monde une âme qui s'intéresse à moi, ni parent, ni ami, pas une pensée fraternelle où puisse se réfugier mon âme solitaire, pas un être qui, me voyant triste et pleurant, me serre la main en me disant : Qu'as-tu ? Le passé ne m'a laissé que des souvenirs désolés. Je porte en moi un deuil qui s'étend sur toutes choses : mon présent est désert, mon avenir désenchanté.
Dormir toujours, que cela doit être bon, quand on n'a plus rien en soi qui vaut le plaisir de veiller !
Heureuse, si plutôt la mort tranchant mes jours, de mes longues douleurs eût abrégé le cours !
J'en jure par la mort, dans un monde pareil : non, je ne voudrais pas rajeunir d'un soleil, je ne veux pas d'un monde où tout change, où tout passe, où tout s'use et tout s'efface.
J'ai vécu ; j'ai passé ce désert de la vie, où toujours sous mes pas chaque fleur s'est flétrie.
Il existe souvent une certaine fleur qui s'en va dans la vie, et s'effeuille du cœur.