Aimer c'est faire un dieu, d'Anna Schneider.

Titre : Aimer c'est faire un dieu d'un être adoré.

Recueil : Fleurs de sang (1923)
Aimer, c'est admirer et c'est bénir sans cesse ;
Aimer, c'est faire un dieu de quelque être adoré ;
Partager ses plaisirs, ses ennuis, sa tristesse ;
Pleurer s'il a pleuré.

C'est avoir dans la voix des paroles divines,
Des larmes, des sanglots et des accents vibrants ;
C'est avoir dans le cœur des roses sans épines,
Des parfums enivrants.

C'est ne sentir en soi que délice, harmonie,
Extase, amour profond, parfum, ravissement,
Être soi-même enfin comme une symphonie
Chantant à tout moment ;

Une douce, une ardente, une vivante lyre
Qu'un regard fait chanter, que le feu d'un baiser
Animerait soudain d'un céleste délire,
Que l'oubli peut briser,

Qu’un rayon de soleil sur une feuille morte
Ou le bruit d'un ruisseau agite doucement,
Qu'un regret fait gémir, qu'un mot d'amour transporte
Jusqu'à l'enivrement ;

Que l'amer souvenir des souffrances humaines
Fait pleurer de pitié quand souffle un vent du nord,
Quand les neiges d'autan couvrent les froides plaines
D'un blanc linceul de mort.

Aimer, c'est concevoir un Dieu dans la nature,
Comprendre qu'il est grand d'aimer et de souffrir,
De sentir dans son cœur saigner une blessure
Qu'on ne veut pas guérir.

Anna Schneider
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