Titre : Au sommet de la montagne.
Recueil : Les poésies et sonnets d'un voyageur (1844)
Sur le sommet de la montagne,
Les rayons dorés du matin
Brillent à travers le sapin
Et descendent vers la campagne.
Un peu plus loin, sur le coteau,
L'église blanche du hameau
Apparaît paisible et riante ;
De la cascade entre les bois
J'entends d'ici mugir la voix,
Et la fleur s'ouvre et l'oiseau chante.
La jeune fille aux cheveux blonds
Conduit au sein du pâturage
Les brebis, la chèvre sauvage.
Au loin l'on voit de frais vallons
Couronnés par des pics de neige,
Les grands sites de la Norvège
Que l'on contemple avec bonheur,
Les bords de la mer qui se ride,
Et dont le flot pur et rapide
Semble appeler le voyageur.
Là, quand la première verdure
Surgit au souffle du printemps,
Quand le ciel, obscurci longtemps,
S'élargit enfin et s'épure ;
Quand les jours d'hiver sont passés,
Quand sur les champs ensemencés
Nul vent cruel ne se balance,
Dans l'enceinte de ces forêts
Tout est si beau ! tout est si frais !
Tout est si grand dans ce silence !
Tantôt vers l'horizon lointain
L'esprit s'en va, l'esprit s'élève,
Pensif, trouvant un nouveau rêve
À chaque détour du chemin ;
Et puis la légère nacelle
Nous invite à fuir sur son aile,
Et lorsqu'on vient à contempler
L'humble chalet de la colline
Sous le bouleau qui le domine,
On voudrait ne plus s'en aller !
Pour celui dont l'âme froissée,
Cherche un remède à la douleur
Nul abri plus sûr et meilleur
Ne peut s'offrir à la pensée.
L'heureuse pauvreté, la paix
Habitent sous ces bois épais,
Et si parfois l'orage gronde
Dans cet asile solennel,
Oh ! mon Dieu, l'orage du ciel
Dure moins que celui du monde.
Xavier Marmier (1808-1892)