Titre : La mer à marée montante.
Recueil : Les poèmes et sonnets musicaux (1886)
Un matin que j'étais seul au bord de la mer,
Du bout de mon bâton j'écrivis sur la plage
Un poème qui, ma foi, n'avait pas mauvais air :
Et puis je m'éloignais, laissant là mon ouvrage.
La mer montait ; sifflant comme au cœur de l'hiver,
Le vent précipitait les vagues au rivage,
Et le flot, s'élançant impétueux et fier,
À chaque bond nouveau s'approchait davantage :
L'endroit où tout à l'heure encor j'avais passé
Dix minutes après devint méconnaissable,
Et sous l'eau mon poème disparut effacé.
Depuis je fais souvent un rêve haïssable :
J'entends le vent, je vois le flot, et j'ai tracé,
Naïf et confiant, mon œuvre sur le sable !
Paul Collin (1843-1915)