L'absence, de Pierquin de Gembloux.

Titre : La mort vaut mieux que l'absence !

Recueil : Les nouvelles poésies (1829)
Va, l'amitié n'est point rivale de l'amour,
De ses douces faveurs mon âme est entourée,
Et ne peut être rassurée :
Ces sites amoureux, ce soleil d'un beau jour,
Et ce fleuve indompté, la chapelle ignorée,
Peuvent-ils remplacer une amante adorée ?
Je demande aux vallons, je demande aux coteaux
Du calme, des plaisirs pour mon âme flétrie,
Des plaisirs ?.. en est-il ? je ne vois plus Julie !
Tous mes plaisirs sans toi sont comme les tombeaux ;
La voix de ce qu'on aime est la seule harmonie
Qui réveille le cœur.
Je respire la gloire où vécut le génie,
Je ne veux point de gloire, il me faut du bonheur !
Aux rayons de l'amour mon âme épanouie,
Comme la rose aux rayons du soleil,
Languit loin de tes yeux, de ta flamme inouïe,
Et verse la douleur jusque sur mon sommeil,
Ce baume consolant de la triste souffrance :
Car le sommeil est le bonheur ;
Les songes en sont l'espérance...
Pour moi... c'est toujours le malheur !

J'implore vainement l'assistance éphémère
D'un feu plus pur, mais non pas moins ardent ;
Et quand je crois murmurer le rosaire
C'est ton nom seul que l'on entend...!
Je vois déjà la mordante ironie
Sur les peines du cœur souffler un vent de mort,
Je crois voir un malin génie
Flétrir des sentiments dont mon âme est l'essor :
Ne riez point de ma misère !
Hélas ! oui, j'ai besoin d'un Dieu consolateur
Qui conduise Néris et soutienne ma mère
De son bras fort et protecteur !
C'est ce Dieu seul, qui peut comprendre
Tout l'amour que contient mon cœur ;
Et de lui tu pourrais l'apprendre,
Si tu doutais de mon malheur.

Astre de mes beaux jours, ma vie et mon bonheur,
L'ange des voluptés habite où tu résides,
Viens le fixer sur nos coteaux rapides !

Toi, que j'ai deviné, que je ne comprends pas !
Je crois en toi, je t'attends, je t'espère ;
Révèle-toi dans ma sainte prière,
Réunis-nous, même au prix du trépas,
La mort n'est-elle point encore l'espérance ?
Laisse-nous donc mourir pour espérer encor ;
Je le sais, du malheur on guérit par la mort,
Et la mort vaut mieux que l'Absence !

Claude-Charles Pierquin de Gembloux
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