Titre : L'amour seul peut consoler la vie.
Recueil : Les nouvelles poésies (1829)
L'amour est un regret... peut-être une espérance,
Quel vide il laisse au cœur lorsqu'il a disparu !
De quels plaisirs il dote l'innocence,
Qui sait le respecter comme une autre vertu !...
Longtemps je passai seul, et seul avec mon ombre,
Quand d'autres jouissaient du bonheur d'être deux :
Ma vie était comme un nuage sombre
Sous un ciel triste et vaporeux ;
Et cependant à notre heure dernière
Que reste-t-il de nous ?... un nom !... de la poussière !...
Si l'on eut de la gloire, un nom calomnié,
Une poussière inconnue et légère,
Si par l'envie encor notre éloge est nié !...
Ah ! l'amour seul peut consoler la vie,
Il peut lui seul en embellir le cours,
Cette existence à jamais poursuivie
Compte par lui des heures et des jours
Que n'ont point agités le malheur, ni l'envie ;
Des moments de bonheur... qu'on regrette toujours !...
Ô de mes sens ravis ineffable délire !
Bonheur des voluptés qu'annonçait ton sourire,
Plus pur que l'ambroisie et plus doux que le miel,
L'ombre enfin des plaisirs que renferme le ciel,
Que nul mortel encor n'a décrit, n'a su peindre,
Que moi seul ai goûté, que nul ne saurait feindre !
Dont la tristesse suit les rapides éclairs,
Comme pour annoncer la fin de l'univers,
Ou comme ces regrets que l'on accorde à l'être
Qui pour pleurer toujours parmi nous vient de naître ;
Abattement cruel qui succède à l'amour,
Ombre d'un beau tableau, sombre nuit d'un beau jour !
L'amour, l'amour, voilà notre génie !
Sans lui, sans toi, la vie est sans couleur :
C'est la lyre sans harmonie,
Ce sont les roses sans odeur.
Claude-Charles Pierquin de Gembloux