Titre : Les erreurs et les larmes.
Recueil : Varia (1869)
On peut, en riant, piquer quelque peu,
Et s'en accuser n'est point nécessaire :
Mais il ne faut pas prolonger ce jeu ;
Tout jeu prolongé devient une affaire.
Quand le papillon traverse un jardin,
Lutinant les fleurs des plantes qu'il frôle,
Il ne fait, au vent de son vol badin,
Qu'en passant frémir, pencher leur corolle ;
Il se pose à tout si légèrement,
Le parfum qu'il vole est si peu de chose,
Que, par lui troublés à peine un moment,
Rayonnent toujours le lys et la rose.
Mais quand, pour sucer le plus doux nectar,
L'abeille se plonge au fond d'un calice,
Lentement s'étale et plante son dard,
On doit craindre, hélas !... que la fleur périsse !
Donc, si vous étiez abeille, on pourrait
Peut-être, entre nous, vous gronder, Madame ;
Mais vous n'avez pas (qui l'affirmerait ?)
De l'insecte ailé la poignante flamme.
Comme, effleurant tout et ne blessant rien,
Se joue au soleil une libellule,
Folâtre et rieur, dans un entretien,
Sans penser à mal votre esprit circule.
Et voilà pourtant que, sur quelques mots,
Vos yeux ont pleuré, votre cœur s'alarme !
Ah ! pour nos erreurs gardez les sanglots ;
Vos fautes n'ont rien qui vaille une larme.
Jules Canonge