Titre : L'un près de l'autre, sans parler.
Recueil : Les correspondances muettes (1876)
L'un près de l'autre, sans parler,
Que de fois, les mains enlacées,
Laissons-nous flotter nos pensées
Au courant qui les fait aller !
Nous demeurons ainsi des heures,
Nos cœurs battant d'un rythme égal
Portés vers le monde idéal
Par nos pentes intérieures.
C'est comme un mystique entretien,
Tout aussi suivi, plus bizarre ;
Tu sais où mon esprit s'égare,
Je sais de même où court le tien.
On croirait qu'une loi commune
Les ramène aux mêmes détours,
Marcheraient-ils plus à rebours
Que le jour clair et la nuit brune.
Soudain se détendent nos doigts,
Et le charme muet s'envole ;
Nous parlons ? La même parole
Sort de nos lèvres à la fois ;
Et du mot qui rompt nos silences,
Le sens ne diffère jamais :
Ce que tu dis, je le pensais,
J'allais dire ce que tu penses.
Joséphin Soulary