Titre : Nul pays ne vaut notre terre natale.
Recueil : Les poésies et sonnets d'un voyageur (1844)
Sur les bords d'un lac, que le soleil argente,
Et dont l'onde limpide avec grâce serpente
Autour des vieux châteaux et des vieilles cités,
Souvent seul à l'écart je m'en vais en silence,
Pensif, rêvant à vous, ô mes amis d'enfance !
Ô vous que j'ai trop tôt quittés !
Oui, ce lac est riant, cette vallée est belle,
Avec ses monts lointains où la neige étincelle
Ses bois mystérieux, sa mer, sa grande mer,
Qui de tous les côtés murmure sur la plage,
Et je retrouve ici, pour charmer mon voyage,
Plus d'un être qui m'était cher.
Mais nul pays ne vaut notre terre natale ;
Si forte qu'elle soit, nulle amitié n'égale
Celle qui nous sourit dans le printemps du cœur,
Fleur de notre berceau, trésor de la jeunesse,
Baume dont le parfum, dans la froide vieillesse,
Exhale encore sa saveur.
Honte à qui ne sait pas vénérer sa patrie,
À qui ne garde point dans son âme attendrie,
Comme une loi du ciel, comme un dépôt sacré,
L'auguste et tendre aspect du tertre solitaire
Où dorment ses aïeux, de l'église où sa mère
À tour à tour prié, et pleuré.
Xavier Marmier (1808-1892)