Titre : Près de ton berceau.
Recueil : Les beaux jours de la vie (1914)
Enfant que désiraient mon cœur et ma pensée,
Ô tendre nourrisson, plus faible qu'un roseau,
Pour toi, je veux saisir ma lyre délaissée,
Et, malgré les soupirs de la corde brisée,
Murmurer quelques vers autour de ton berceau !
Tu dors, Enfantelet, sous les rideaux pleins d'ombre,
Je t'entends respirer en ton profond repos,
Et pour ton avenir je fais des vœux sans nombre,
Et mon espoir renaît, et mon cœur est moins sombre,
Quand mon regard là-bas aperçoit tes yeux clos !
Je contemple et j'admire en leur grâce première
Tes petits bras, tes mains, ton visage chéri
Sur lequel vient tomber un rayon de lumière,
Et j'éprouve une joie intime et singulière,
En songeant que par toi mes amours ont fleuri !
Je m'attendris devant ta jeune destinée,
Cher innocent qu'étreint un bienheureux sommeil,
Frêle arbrisseau qui n'a pas encore une année,
Orgueil de mon foyer et de mon hyménée,
Chérubin et démon au teint rose et vermeil !
Tu ne sais que sourire, en me voyant paraître,
Ton langage est informe et n'a point de clarté,
Mais, chaque jour, montant vers les splendeurs de l'être,
Tu deviens plus habile à parler, à connaître,
Et tu croîs et grandis avec félicité !
Je découvre, ô mon fils, mes traits dans ton visage,
Ma ressemblance y germe en souvenirs confus,
Et lentement en toi se forme mon image...
Est-ce un signe propice, est-ce un heureux présage ?
Je ne sais, mais mon cœur t'en adore encor plus !
Enfant que désiraient mon cœur et ma pensée,
Cher petit nourrisson, plus faible qu'un roseau,
Pour toi j'ai fait vibrer ma lyre délaissée,
Et, malgré les soupirs de la corde brisée,
J'ai chanté quelques vers autour de ton berceau !
Hippolyte Buffenoir
(1847-1928)