Un baiser de mon fils, de Paul de Kock.

Titre : En recevant un baiser de mon fils !

Recueil : La bulle de savon (1829)
Lorsque j'étais au printemps de ma vie,
Et que l'amour remplissait seul mon cœur,
Tendres faveurs d'une femme jolie
Étaient pour moi le suprême bonheur,
Ah ! j'ignorais qu'il fût dans la nature
Un sentiment plus parfait, plus exquis ;
Mais j'ai connu l'ivresse la plus pure
En recevant un baiser de mon fils.

Encor dans l'âge et d'aimer et de plaire,
Déjà mon fils m'occupe constamment,
Et, je le sens, le bonheur d'être père
Est bien plus doux que celui d'être amant.
On est parfois trompé par ses maîtresses,
Soi-même on manque à ce qu'on a promis ;
Mais nul soupçon ne se mêle aux caresses
En recevant un baiser de son fils.

Vous que je vois au sein de l'opulence
Pour des grandeurs vous agiter encor,
Malgré votre or, malgré votre puissance,
Je ne saurais envier votre sort.
Vrais courtisans, chaque jour on vous trouve
De vains honneurs, de titres plus épris !
Connaissez-vous le bonheur qu'on éprouve
En recevant un baiser de son fils ?

En vieillissant nous ne sentons plus naître
Ce feu brûlant que l'on appelle amour ;
Ce feu plus doux, qu'un fils nous fait connaître,
Dans notre cœur s'augmente chaque jour ;
Les cheveux blancs, s'ils éloignent les belles,
Rendent pour nous nos enfants plus soumis ;
Et songe-t-on que le temps a des ailes
En recevant un baiser de son fils ?

Jouets du sort, par un revers funeste
En un instant il détruit nos projets ;
Qu'il m'ôte tout, mais que mon fils me reste :
Sans murmurer j'attendrai ses décrets.
Tranquille alors à mon heure dernière,
Je me dirai : Près de lui je finis ;
Heureux encor de fermer ma paupière
En recevant un baiser de mon fils !


Paul de Kock (1793-1871)
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